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Limitation des représentations numériques dans une démarche de conception centrée-

Chapitre I : Etat de l’art scientifique et problématique de recherche

1.3 Limitation des représentations numériques dans une démarche de conception centrée-

M. DELANGLE – « Outils de réalité virtuelle pour la conception universelle » -33-

A noter que la démarche a été développée pour deux produits spécifiques, à savoir une machine à laver et un téléphone portable (Figure 1-11). Ces produits représentent donc les deux seuls concepts pouvant être (d’après nos informations) évalués à ce jour par cette application. En effet, la mise en œuvre des tests virtuels est actuellement très fastidieuse, exigeant un effort intensif de développement. De plus, d'après les auteurs eux-mêmes, davantage de développements seraient nécessaires pour créer des représentations plus réalistes des mouvements et comportements des utilisateurs virtuels, ainsi que de leurs interactions avec l’EV (environnement virtuel). Ces comportements étant prédéfinis, il n'est en effet pas possible de prendre en compte l'influence des caractéristiques cognitives, sensorielles, et physiques des utilisateurs sur l'évaluation (le modèle de tâche ne permettant pas de définir différentes méthodes d'exécution). Ainsi, la démarche de conception est plus conduite par la définition de légères variations de solutions existantes, plutôt que par l'exploration de nouveaux concepts.

Nous pensons que l'intégration d'une approche inclusive au travers de modèles d'utilisateurs virtuels spécifiques tels que proposés par le projet VICON peut être une démarche efficiente pour la conception universelle. Cependant, une plus grande flexibilité dans la définition des déficiences, ainsi

qu'une interaction plus réaliste entre le mannequin et l'EV devrait être développée.

Bien que les simulations par mannequins numériques semblent être un support de conception efficace, plusieurs limitations peuvent donc être soulevées quant à la simple utilisation de ses modèles.

1.3 Limitation des représentations numériques dans une

démarche de conception centrée-utilisateur et pour tous

Nous proposons de résumer les principaux manques des mannequins numériques dans une démarche de conception centrée-utilisateur et universelle au travers de plusieurs points : d’un point de vue des simulations posturales et gestuelles proposées, de l’intégration des déficiences, de l’interaction et de l’usage, et enfin en tant qu’objet de conception.

Simulations posturales et gestuelles

La structure cinématique des mannequins numériques est variable d'un modèle à l'autre. Dans de nombreux cas, les mannequins utilisés permettent de ne reproduire qu'un nombre limité de postures et gestes de l’homme (Chitescu (2005) par exemple). Les méthodes les plus couramment utilisées pour la définition de posture des mannequins numériques se font soit en manipulant manuellement chaque articulation (cinématique directe), soit en déplacent la partie du corps voulue (main par exemple) pour atteindre un point donné (cinématique inverse) (Monnier et al. 2009). Cependant, ces méthodes sont longues et subjectives due à la manipulation manuelle des membres. La manipulation clavier/souris ne permet pas toujours une définition de postures réalistes, et peut donc engendrer des analyses basées sur des postures non correctes. De plus, seule la posture finale est souvent définie, et donc les mouvements réalisés pas considérés (Abdel-Malek & Arora 2009).

Des méthodes existent tout de même pour prendre en compte ces mouvements (Pasciuto et al. 2011). Une première approche (data-based method) consiste en la simulation des mouvements du

M. DELANGLE – « Outils de réalité virtuelle pour la conception universelle » -34-

mannequin à partir de données préalablement capturées (Park 2008). Un acteur exécute le mouvement souhaité, et un ensemble de dispositifs est utilisé pour enregistrer les configurations articulaires des membres. Les données enregistrées sont ensuite utilisées pour générer automatiquement le mouvement voulu du mannequin. Dans Chang & Wang (2007) par exemple, cette approche est utilisée pour l'évaluation ergonomique de postes de travail. Cependant, cette technique implique quelques limitations. En effet, les mouvements sont enregistrés en situation réelle, ce qui implique de faire appel à un environnement ou prototype déjà existant. De plus, les mouvements sont dans ce cas seulement générés pour des tâches spécifiques. Le comportement du mannequin virtuel n'est donc que difficilement adaptable en fonction d'un changement de conditions d'étude (les données virtuelles et réelles devant être identiques). Enfin, les caractéristiques du mannequin virtuel sont identiques à celles de l'opérateur, ce qui implique de faire appel aux réels utilisateurs finaux dans le processus. D'autres approches (physics-based methods) sont basées sur des modèles cinématiques, et prennent en compte de multiples critères tels que les amplitudes de mouvements, les contraintes articulaires, les efforts etc., pour construire et prédire le mouvement. Cependant, nombreux de ces modèles sont basés sur des calculs complexes et utilisent des méthodes d'optimisation pouvant être lentes à converger, ce qui n'est pas adapté pour des simulations en temps réel. Or, la simulation du mouvement doit pouvoir s'adapter automatiquement et en temps réel à la situation rencontrée (Chaffin 2005), tout en tenant compte des modèles biomécaniques et dynamiques complexes des mouvements du corps humain. Par exemple, il est très difficile de définir des modèles biomécaniques statiques permettant de simuler le comportement complexe de l'épaule dans des conditions dynamiques (Chaffin 2002). Ces caractéristiques sont cependant très importantes à prendre en compte, notamment lors d'études d'accessibilités (poste de travail, poste de pilotage, etc.), où l'atteinte des différents points de l'environnement dépend grandement des caractéristiques biomécaniques et dynamiques du sujet. De nombreux logiciels proposent des modèles de mannequins numériques incluant des propriétés biomécaniques du corps humain, pour tenter de prendre en compte ces facteurs pouvant affecter l'atteinte d'un individu, comme les mouvements des épaules et du tronc par exemple (Chaffin 2002). Cependant, ces modèles de cinématiques inverses ne sont pas toujours représentatifs des réelles caractéristiques biomécaniques et comportementales du corps humain (Chaffin 1999). De plus les mouvements sont tous fondés sur des principes empruntés à la robotique, la reproduction de mouvements est moins fluide que ceux du corps humain. Ainsi, pour Lämkull et al. (2009) la question se pose de la précision des analyses des mannequins virtuels par rapport à une tâche réelle.

Il peut donc être difficile, dans certaines conditions, de définir des postures et comportements de mannequins représentatifs d'une situation d'étude réelle. Or la définition de postures réalistes est essentielle pour toute utilisation de mannequins dans la conception de produits.

Intégrations de capacités physiques spécifiques

Les simulations des handicaps par mannequins numériques sont souvent cantonnées à une représentation de personnes en fauteuil roulant. Certains travaux tentent d’intégrer des déficiences fonctionnelles par le biais de limitations articulaires dans la chaine cinématique du mannequin. Cependant, ces représentations ne permettent pas la prise en compte réaliste des comportements associés, comme les stratégies d’adaptations employées par exemple.