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Chapitre II. Relation Banque Entreprise En Vue de l’Octroi d’un Crédit : Banque

VIII. La limitation du risque associé à la demande de crédit

Afin de diminuer le risque client à un niveau acceptable, le banquier se dote de divers outils : la création d’un protocole de contrôle de gestion adapté, l’instauration de directives quant au montant de l’encours alloué à un client, l’obligation pour le client de présenter des garanties et le désir de trouver un partenaire afin de ne pas supporter à elle seule le risque client.

1. La délégation de pouvoir de signature et la qualité des

analystes

Dans le cas d’une décentralisation des prises de décision, la délégation de pouvoir indique le montant de crédit maximum qu’une instance de décision pourra accorder sous sa seule signature. Ce type d’organisation présente une large décentralisation des décisions conférant au détenteur de la délégation de signature une grande responsabilité en matière de résultats. La décentralisation repose sur la spécialisation des analystes par types de clientèle afin qu’ils appréhendent au mieux le risque bancaire.

Au regard de la banque, cette organisation permet aux analystes et aux intervenants d'avoir une vision globale de chacune des entreprises qui composent son portefeuille clients ; la connaissance du client étant indispensable lorsque ce dernier dépose une demande de crédit.

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2. La division et le plafonnement du risque sur l’entreprise

2.1 La division des risques

Il n’est pas recommandé au banquier d’accorder des crédits à quelques gros clients uniquement. La réglementation bancaire a d’ailleurs fixé des limites à la concentration des risques crédits (rapport de division des risques). L’exposition au risque n’est pas inhérente au volume de la clientèle : si l’ensemble des clients de la banque appartient au même secteur d’activité ou à la même zone géographique, cette dernière accroît son exposition au risque dans le cas où le secteur ou la zone connaîtrait une crise. Le banquier doit donc diversifier les risques afin de minimiser les pertes potentielles.

2.2 Le plafonnement des risques

Les banques sont confrontées à différentes exigences liées à la limitation du risque de crédit vis-à-vis de sa clientèle, du risque total imposé par les actionnaires, du niveau des fonds propres qu’elle possède. Ces préoccupations ont amené les dirigeants à établir une limite maximale du montant de leurs actifs à risque de contrepartie. Puis, cette limite se décline sous forme de plafonds par emprunteur ou groupes d’emprunteurs, par types de crédit ou par zones géographiques. Cela impose donc aux directeurs d'agence le respect de normes plafond lors de l'attribution de nouveaux crédits ou du renouvellement des autorisations de crédit à leur clientèle.

2.3 Analyse et prise de garanties suffisantes

Le banquier requiert que l’entreprise lui fournisse des garanties afin de se protéger d’un éventuel échec. Il existe deux principaux types de garanties : les garanties réelles et les garanties personnelles. Toutefois, le banquier est obligé de vérifier la fiabilité de la garantie avant d’accorder le crédit.

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2.3.1 L’inspection des éléments de garantie

Les éléments de garantie, vérifiés avant la conclusion du contrat, font l’objet d’une inspection continue sur la période du crédit par la banque ou par son mandataire. Les nouvelles exigences de la banque engendrées par l’inspection doivent être communiquées au client. En effet, plusieurs biens de l’entreprise seront surveillés et évalués avec sérieux ; il s’agit de l’état des stocks, l’état de l’immeuble et des équipements ainsi que la productivité.

Avant l’acceptation de toute garantie, le banquier est dans l’obligation de réaliser, soit lui- même, soit via les services d’un professionnel, des enquêtes auprès des services compétents de l’Etat (ou privés) afin de s’assurer qu’aucune charge n’affecte ladite garantie.

a. Les garanties réelles

Les garanties réelles constituent des techniques juridiques conférant à un établissement bancaire et financier aidant une entreprise à acquérir un actif, via l’apport tout ou partie du financement nécessaire à ladite acquisition, un droit de préférence sur cet actif ou sur un autre bien jusqu'au complet remboursement du crédit initial. Selon la nature de l'actif en question, il peut s'agir d'hypothèque d'un bien immobilier, de nantissement d'un fonds de commerce, de nantissement de matériel et d'outillage, de nantissement de titres ou de gages, l'actif gagé pouvant être un véhicule automobile (gage automobile), un stock de marchandises ou de matières premières (warrant).

b. Les garanties personnelles

Il s’agit de garanties données par un tiers dans le cadre de cautionnement ou d’avals. Ce sont principalement des cautions personnelles engageant une personne à rembourser l'établissement prêteur à la place du débiteur si celui-ci ne pouvait pas honorer ses engagements. La caution apportée peut être simple ou solidaire :

 Elle est qualifiée de « simple », si le banquier doit d'abord tenter de se faire rembourser par son débiteur principal avant de se retourner contre la caution ;

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 Elle est qualifiée de « solidaire » si le banquier peut demander le remboursement des dettes à la caution directement, sans avoir effectué une première demande au débiteur.

La caution apportée peut, en outre, être limitée ou illimitée :  Limitée à un montant donné et/ou à une période donnée ;

 Illimitée, si le montant de l'engagement n'est pas plafonné et que celui-ci a une durée indéterminée.

Le recours aux cautions solidaires est relativement fréquent, un banquier pouvant faire dépendre le renouvellement ou l'augmentation de ses concours de trésorerie à une entreprise, de l'apport de cautions personnelles :

 Soit du chef d'entreprise ou de ses proches s'il s'agit d'une entreprise personnelle ;  Soit du gérant ou des associés s'il s'agit d'une Société à Responsabilité Limitée (SARL) ;

 Soit du dirigeant ou des principaux actionnaires s'il s'agit d'une Société Anonyme.

3. Le nombre des banques en exercice avec le client

Le nombre des banques qui traitent avec l’emprunteur constitue une variable importante dans la détermination de la relation de force entre les deux parties. Les thèses se contredisent au sujet du nombre de banques dans le rationnement : selon Detragiache, Garella et Guiso (2000), le «

multi-banking » minimise le risque de refus. Toutefois, l’idée la plus développée et la plus

soutenue s’oppose à cette dernière. En effet, un nombre élevé de banques qui traitant avec une entreprise engendre une opacité croissante de celle-ci ; elle n’est donc plus en mesure de donner un signal positif sur sa situation. Par conséquent, la banque devient, en quelque sorte, une victime du « multi-banking ». En effet, d’un point de vue post décisionnel, le « multi-banking » rend difficile la révision des termes du crédit (Bolton et Scharfstein, (1996)) dans la mesure où d’autres banques sont susceptibles de répondre favorablement à la demande de l’emprunteur en cas d’échec des négociations avec la banque en question ; cette situation met ainsi l’emprunteur en situation de force. Afin de renverser cette situation à leur avantage, les banques

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font pression sur leur client à l’aide des garanties obtenues au préalable : l’entreprise qui donne une garantie peut difficilement déposer une demande de financement auprès d’une autre institution financière, ce qui crée une position de force pour la banque prêteuse (Mann, 1997).

Aussi, nous pouvons supposer que la négociation des termes d’un crédit avec plusieurs banques signifie que l’entreprise ne possède pas une relation forte avec sa banque principale. Toutefois, selon Steijvers et Voordeckers (2009), le fait qu’une entreprise n’ait pas tenté de négociation avec une seule autre banque ne prouve pas forcément que les deux entités aient une relation solide.

4. L’existence d’un crédit antérieur

Si l’entreprise a déjà sollicité les services de la banque, il serait logique de penser que cette dernière sera plus encline à lui accorder de nouveau des fonds. Nous pouvons remettre en cause cette affirmation car, si par le passé, une mauvaise expérience a été vécue, la banque peut refuser la demande de crédit. Ainsi, l’existence d’une relation n’est pas suffisante, il faut également savoir si un crédit a déjà été accordé. Si le crédit s’est déroulé sans incidents, la relation est renforcée ; si cela n’est pas le cas, la banque ne voudra certainement pas renouveler l’expérience avec l’entreprise. Stiglitz et Weiss (1983) estiment qu’une entreprise peut être rationnée si elle a été défaillante lors d’un précédent crédit.

Toutefois, nous pouvons nous interroger sur l’effet du cumul de deux crédits, ou plus, quant à la solvabilité de l’emprunteur et donc la disponibilité des crédits. En effet, le passage d’un seul crédit à plusieurs entraîne un accroissement des coûts de financement et réduit leur disponibilité (Petersen et Rajan, 1994). L’existence d’un crédit en cours, même si l’entreprise demeure solvable, complique la situation et augmente le risque d’insolvabilité de l’emprunteur ce qui réduit ainsi ses chances d’obtention d’un nouveau crédit.

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5. La force de la relation mesurée par la durée

Hoshi et al (1991) évoquent la force du lien entre la banque et l’entreprise. La force de la relation se mesure via divers indicateurs, notamment la durée. En effet, si la relation est de longue durée, la banque devrait avoir en sa possession un grand nombre d’informations sur son client. Selon Steijvers et Voordeckers (2009), la force de la relation peut même se substituer à la garantie. Toutefois, les études menées sur l’effet de la durée de la relation sur la garantie ont obtenu des résultats mitigés : Menkhoff et al 2006 n’ont pas trouvé un effet significatif. Hernandez- Canovas et Martinez-Solano 2006 ont trouvé un rapport positif. Finalement, la majorité des recherches menées a confirmé les conclusions de Steijvers et Voordeckers : Berger et Udell (1995), Chakraborty et Hu (2006), Jiménez et al (2006), Brick et Palia (2007).

Durant la relation, l’emprunteur peut accepter des conditions restrictives envoyant un signal positif au prêteur, ce dernier étant conscient de la confiance inspirée par son entreprise et son projet (Smith, 2000 ; Berger et Udell, 2005). La relation favorise la collecte d’informations réduisant ainsi l’asymétrie d’information. En effet, l’emprunteur se trouve dans l’obligation de renégocier les termes du crédit dès que sa situation financière évolue (Smith, 2000 et Berger et Udell, 2005).