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Le climat sur le bassin-versant du Cher est de type océanique. Le régime hydrologique, pluvio- évaporal, est donc essentiellement influencé par les flux d’ouest. Les hautes eaux surviennent en hiver, généralement en février, et les basses eaux en été (Tableau 2.1, Figure 2.3). L’étiage est atteint en août. Les totaux précipités présentent un gradient décroissant sud-nord et est-ouest, avec une gamme de valeurs annuelles allant de 600-700 mm à 1000-1200 mm (Figure 2.4).

Tableau 2.1 Débits caractéristiques du Cher au niveau des principales stations hydrologiques de la rivière (Données Banque Hydro).

Chambonchard Montluçon Saint Amand Montrond Vierzon Selles Sur Cher Châtillon Sur Cher Tours Nombre d’années (période) 94 (1920-2013) 26 (1988-2013) 48 (1966-2013) 49 (1965-2013) 82 (1932-2013) 21 (1993-2013) 48 (1966-2013) Superficie b-v (km²) 517 1716 3492 4550 9276 11540 13615 Module annuel (m3.s-1 (l.s-1.km-2)) 5,67 (11) 15,7 (9,2) 28,8 (8,2) 33,8 (7,4) 61,9 (6,7) 74,4 (6,4) 92,7 (6,8) Q mensuel max (m3.s-1) 10,4 30,7 60 69,5 123 141 189 Q mensuel min (m3.s-1) 1,29 3,65 7,69 8,47 16,7 18,4 26,2 Coefficient de pondération 8,1 8,4 7,8 8,2 7,4 7,7 7,2

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Figure 2.3 Débits mensuels aux stations hydrologiques de Chambonchard (1920-2013), Vierzon (1965- 2013) et Tours (1966-2013) (Données Banque Hydro).

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Figure 2.4 Pluviométrie annuelle sur le bassin-versant du Cher (Rodrigues, 2004, modifié).

Comme pour la Loire, trois grands types de crues sont recensés. Les premières, dites océaniques, résultent du passage de dépressions, hivernales pour la plupart, provenant de l’Atlantique. Les épisodes pluvieux déclencheurs sont longs et une grande partie du bassin est généralement touchée. Les secondes, dites cévenoles, sont engendrées par des remontées de masses d’air chaud provenant de la Méditerranée. Elles se produisent à la suite de précipitations orageuses, généralement à la fin de l’été et en automne, et n’affectent que la partie amont du bassin. Elles sont brèves mais souvent intenses. Ce dernier caractère est par ailleurs renforcé par les fortes pentes dont disposent la rivière et ses affluents dans cette partie du bassin. Le dernier type de crues est qualifié de mixte. Il correspond à la combinaison de crues océaniques et cévenoles. Elles affectent l’ensemble du bassin.

Les étiages peuvent être longs et marqués, en particulier sur le haut Cher, où la rivière et ses affluents s’écoulent sur un substrat imperméable et pauvre en aquifères importants. Au sortir du Massif Central, le régime hydrologique est cependant en partie artificialisé depuis la construction du barrage de Rochebut au début du XXe siècle (cf. Chapitre 2 B.3.3).

Enfin, avec des coefficients de pondération (débit mensuel max / débit mensuel min) peu élevés et quasiment constants sur l’intégralité du cours d’eau, le régime apparait comme relativement modéré (Tableau 2.1).

Pour plus de compléments concernant le fonctionnement hydrologique du Cher et de son bassin- versant, le lecteur pourra se référer à la thèse de Garnier (1993).

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B - UNE RIVIERE DU BASSIN DE LA LOIRE PEU CONNUE

De la même façon que pour les méandres de faible mobilité, les études hydrogéomorphologiques portant sur le Cher sont rares. En fonction de l’échelle temporelle d’analyse considérée, on peut répertorier deux types principaux de travaux.

Sur le pas de temps court, du multi-décennal au séculaire, les investigations réalisées ont porté soit sur l’hydrologie de la rivière, soit sur son comportement géomorphologique. Garnier (1993) s’est ainsi intéressé au fonctionnement hydrologique du Cher à l’échelle de son bassin-versant, en se focalisant sur les mécanismes présidant aux variations spatio-temporelles de la lame d’eau écoulée. Cette recherche visait notamment à apporter des éléments de réponse aux problèmes de gestion de la ressource en eau et du risque inondation, et à évaluer à cet égard la pertinence du projet de construction du barrage de Chambonchard. Dans cette même étude et dans un article qui en sera tiré, Garnier (1993, 2000) met également en évidence les conséquences des extractions de granulats et des travaux d’aménagement et d’entretien du lit mineur sur la vitesse de transmission et l’amplitude des ondes de crues. Franquelin (1998) d’une part, et Alsac (1989) et Larue (1994) d’autre part, se sont attachés à retracer l’évolution morphodynamique depuis la première partie du XIXe

siècle des secteurs à méandres de Saint-Georges-sur-la-Prée et de Saint-Amand-Montrond, tous deux étudiés dans cette thèse (secteurs 2 et 3, cf. Chapitre 3 C-D). Le premier a été marqué par une forte stabilité de son tracé tandis que le second a été l’objet d’une activité latérale plus intense. Larue (1993) a également abordé la question des relations entre incision récente du lit dans la région de Saint-Amand-Montrond et formation de modelés inédits (figures d’érosion) à la surface de la plaine.

A l’échelle des temps géologiques, Larue (2000, 2004) et Macaire (1976, 1983, 1984, 1986) ont analysé, notamment à partir des vestiges de nappes alluviales héritées, certains aspects de la mise en place et de la réorganisation du réseau hydrographique depuis le Pliocène. En plus d’avoir livré un bref aperçu des modifications du tracé en plan du Cher dans la plaine de Saint-Amand-Montrond depuis près de 200 ans, Larue (1994) en a reconstitué l’évolution morphodynamique au cours du Quaternaire. L’intégralité du remplissage alluviale de fond de vallée est rapportée à l’Holocène. Selon cet auteur, la nappe würmienne, démantelée lors du creusement tardiglaciaire très efficace latéralement, n’existe plus que sous la forme de rares morceaux isolés de terrasse. Sur le Cher moyen, Despriée et al. (2007, 2010, 2011) et Voinchet et al. (2007, 2011) ont pu procéder au repérage et au calage chrono-stratigraphique de neuf nappes alluviales dans la traversée du plateau de la Champagne berrichonne et de cinq nappes dans le secteur de Sologne, toutes déposées au cours du Pléistocène. Sur de courts tronçons situés sur la partie aval du Cher, entre Selles-sur-Cher et Tours, Giret (1990) a retracé les principales étapes de l’alluvionnement holocène.

C - UNE RIVIERE FORTEMENT AMENAGEE

Nous venons de le voir, les connaissances relatives au fonctionnement géomorphologique actuel ou historique (derniers siècles) du Cher sont rares et très limitées. Par ailleurs, de récentes investigations menées dans le cadre d’un PCR (Programme Collectif de Recherche « Navigations et Navigabilités », 2004-2012 (Serna, 2013)) ont permis d’apporter de nombreux éléments d’informations relatifs aux usages et aménagements de la rivière lors des siècles passés. On ignore cependant de quelle manière et dans quelle mesure ces pratiques et leurs infrastructures associées ont pu concourir à contraindre l’expression morphodynamique du Cher et à façonner son paysage.

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Afin de combler une partie de ces lacunes et de de replacer dans un cadre spatio-temporel plus large la question de l’évolution morphodynamique des méandres du Cher depuis 200 ans, nous avons tenté de retracer les principales étapes supposées de l’histoire des activités anthropiques entreprises dans le lit du Cher et à ses alentours, bien que de façon incomplète, en les envisageant sous le prisme de leurs effets potentiels sur la morphogénèse fluviale. Ce travail reprend les principaux éléments de l’un des chapitres de la publication du PCR (Dépret, 2013).

D’un point de vue hydrogéomorphologique, très peu de cours d’eau de l’Ancien monde, voire plus aucun, n’ont échappé d’une façon ou d’une autre aux influences anthropiques. Et si les impacts des sociétés se sont intensifiés et accélérés au cours du siècle passé, ils remontent pour la plupart des rivières à plusieurs millénaires (Bravard et Magny, 2002 ; Hoffman et al., 2010 ; Houben et al., 2009 ; Messerli et al., 2000 ; Xu, 1998). Ces impacts sur la dynamique fluviale sont de nature et d’origine différentes. Nous n’aborderons pas ici la grande majorité des influences anthropiques dites indirectes, qui relèvent pour la plupart d’entre elles des changements d’occupation et d’usage des sols à l’échelle du bassin-versant et qui constituent des vecteurs de transformation potentielle de l’alimentation des rivières en eau et en sédiments. Nous nous limiterons aux activités et aux aménagements localisés en fond de vallée, en nous centrant plus particulièrement sur le lit mineur et ses marges.

L’exploitation des ressources fluviales - énergétiques, alimentaires, hydriques - mais aussi la volonté souvent farouche de se prémunir des désagréments et dangers - érosions, engravements, inondations - pouvant être occasionnées par les rivières ont conduit à la prolifération de structures anthropiques à travers les plaines alluviales. Passé un temps, nombre de ces structures ne constituent plus que des objets hérités plus ou moins bien conservés qui ont très souvent perdu leur fonction socio-économique initiale (Le Cœur et Gautier, 2005), mais qui n’en conservent pas moins une capacité à contraindre la morphogénèse fluviale.

L’influence des sociétés peut également relever de certains usages ou évolutions d’usages prenant place directement dans le lit mineur. En Loire moyenne, il a par exemple été démontré que la nécessité d’entretenir le lit pour permettre le bon déroulement de la navigation avait concouru au maintien d’un paysage fluvial ouvert ne laissant que peu de place aux formes végétalisées que sont les îles et les francs-bords (Grivel, 2008). La biométamorphose du lit de la Loire, caractérisée par une colonisation végétale de grande ampleur depuis la fin du XIXe siècle, a ainsi été en partie imputée à l’abandon de ces pratiques, corollaire immédiat du très fort déclin de la navigation débuté quelques années plus tôt (Garcin et al., 2006 ; Gautier et al., 2007).

Le cours du Cher n’aurait fait l’objet avant le XIXe siècle que de rares aménagements

longitudinaux continus tels que les levés érigés en Loire moyenne. D’autre part, bien que navigué dès l’Antiquité (Mauret-Cribellier, 2005 ; Serna, 2013), il aurait également été peu équipé, du moins en dehors des villes, d’ouvrages dédiés à la navigation tels que les duits, chevrettes ou épis, tous destinés à fixer le chenal et à concentrer les eaux lors des périodes d’étiage. A priori peu contraint latéralement en comparaison de la Loire, il doit pourtant composer assez tôt avec la présence en son lit de nombreux ouvrages, notamment transversaux, qui vont concourir à fortement modeler son lit.

En nous référant principalement à la fois aux éléments présentés dans l’ouvrage de Serna (2013) et au travail réalisé par Franquelin (1998), nous avons distingué trois grandes périodes, aux limites souvent imprécises, voire arbitraires, dans l’histoire des influences présumées des usages et aménagements du Cher sur les conditions d’expression de sa dynamique fluviale.

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