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Les lignes directrices de la réglementation des capitaux propres

Partie II Les implications des exigences en capitaux propres

4.3 Les lignes directrices de la réglementation des capitaux propres

4.3.1 Le contenu de Bâle I

Les grandes lignes de la réglementation bancaire concernant les capitaux propres ont été définies par le Comité des règles et pratiques de contrôle des opérations bancaires en 1988. D’autres modifications complètent la réglementation de 1988, en reflétant à la fois l’importance de l’évolution des conditions économiques et les progrès techniques faits par les banques dans les calculs du montant des capitaux propres.

Bâle I concède aux capitaux propres une définition qui sera prise sans modifications par les dispositifs suivants. Ainsi, les fonds propres d’une banque sont constitués :

- du capital de base (catégorie 1) qui représente un noyau formé par le capital social et les réserves publiées provenant des bénéfices après impôts non distribués. Ce capital doit représenter au moins 50 % des fonds propres.

- et du capital complémentaire (catégorie 2) qui comprend les réserves non publiées, les réserves de réévaluation et les provisions générales pour créances douteuses. On y ajoute aussi des instruments hybrides de dette et de capital et des dettes subordonnées. Ces composantes des fonds propres seront admises jusqu’à concurrence d’un montant égal à celui du capital de base (BIS, 1988, p. 5).

Il convient d’insister sur le fait que l’accord vise à déterminer des niveaux minimaux de fonds propres pour les banques opérant au niveau international. Le cadre de mesure permet surtout d’évaluer les fonds propres sous l’angle du risque de crédit pour les prêts, et du risque de taux de change et de taux d’intérêt pour des activités hors bilan. La prise en compte des autres risques dépend de la volonté des autorités nationales.

L’accord considère que la meilleure méthode pour évaluer le montant des fonds propres des banques est celle des risques pondérés, principalement pour trois raisons. Tout d’abord, elle permettrait de comparer équitablement les systèmes bancaires de structures différentes, ensuite, elle faciliterait l’incorporation des risques hors bilan dans le système de mesure, et finalement elle encouragerait les banques à détenir des actifs liquides d’un faible risque.

Pour une banque quelconque, cette méthode définit le ratio de capitaux propres k (ratio of capital to risk-weighted assets RWCA) de la manière suivante:

Total des capitaux propres

≥ 8 %

iai (actifs du bilan) +

i,jaiwj (actifs hors bilan)

+

i,kaiqk (contrats hors bilan de taux de change ou d’intérêt)

Dans la formule i représente le type d’emprunteur, j et k la nature des transactions effectuées. Plus en détails pour le dénominateur (risk weighted actif RWA), nous avons :

a1 = 0 pour les encaisses, les créances sur les Etats nationaux de l’OCDE, leurs banques centrales et les créances garanties

par eux, ainsi que pour les créances sur les administrations et les banques centrales des autres pays. Pour les créances sur les autres entités du secteur public, et les prêts non-garantis ai∈{0, 0.1, 0.2, 0.5, 1} ce qui veut dire que la pondération est à

déterminer au niveau national.

a2 = 0.2 pour les créances sur, ou garanties par, les organisations internationales ou les banques enregistrées dans l’OCDE, ou

par les banques des autres pays, si elles ont une échéance d’une année, ainsi que pour les actifs en cours de recouvrement1. a3 = 0.5 pour les prêts hypothécaires.

a4 = 1 pour tous les autres crédits et notamment les prêts sur le secteur privé, les actifs immobiliers et tout autre

investissement.

Pour les actifs hors bilan, l’accord prend en compte le risque de crédit encouru, en appliquant des facteurs de conversion. Le risque de crédit serait à multiplier par les pondérations applicables à la catégorie de la contrepartie en fonction de la nature plus ou moins risquée de la transaction. Il en résulte que wj ∈{0, 0.2, 0.5, 1}. Ainsi, un engagement révocable sans condition

à tout moment constitue une transaction peu risquée et par conséquent, wj = 0. En revanche, wj = 1 pour les achats à terme

d’actifs ou les acceptations.

Enfin, pour les contrats liés aux taux d’intérêt ou de change, on multiplie le facteur de pondération ai ∈{0, 0.1, 0.2, 0.5} par

une autre pondération qk destiné à refléter le risque susceptible d’être encouru durant la durée de vie résiduelle du contrat. Ce

risque de crédit est calculé sur la base de la valeur initiale ou de la valeur du marché. La pondération qk est grande pour les

contrats ayant une échéance résiduelle supérieure à un an, et elle est plus importante pour les contrats de taux de change pour lequel elle varie entre 0.02 et 0.05, que pour les contrats de taux d’intérêt où qk ∈{ 0.005, 0.01}.

Source : BIS 1988, Annexe 2.

Les banques sont invitées à mettre en œuvre les exigences du présent accord durant une période transitoire qui s’étendra de la date de juillet 1988 jusqu’à la fin de 1992. A la fin de 1990 les banques doivent atteindre un niveau minimal de fonds propres égal à 7.25%. Ce ratio s’élèvera à au moins 8% après deux ans.

1 Selon cet accord, les prêts interbancaires de maturité inférieure à un an ont une pondération de 20% et en

En janvier 1996, le Comité de Bâle a publié son Amendement à l’Accord de 1988 pour son extension aux risques de marché. Selon ce dispositif, à partir de la fin de 1997, ou plus tôt, si les autorités nationales de contrôle le demandent, les banques seront tenues de mesurer les risques de marché et de leur appliquer les exigences de capitaux propres comme elles le font déjà pour le risque de crédit (BIS 1996a, p.1).

La principale nouveauté apportée par ce dispositif consiste en une plus grande latitude dont les banques disposent dans le choix de leurs modèles de calcul du risque de marché. La pratique a montré que la plupart des banques utilisent les modèles internes basés sur les approches de VaR et que l’utilisation des modèles standardisés devient marginale1. En outre, mis à part les deux catégories existantes de fonds propres, une troisième catégorie consistant en dette subordonnée à court terme a été définie2. Son but sera de couvrir une partie des fonds propres pour risque de marché et son montant sera limité à 250% de la catégorie 1 requise pour la couverture de ce risque. Cela signifie que le risque de marché doit être couvert à hauteur d’au moins 28 1/2% par les capitaux propres de la catégorie 1 et qui ne sont pas exigés pour les autres risques. Toutefois, la prise en compte de la dette subordonnée à court terme peut être refusée par les autorités nationales.

Le calcul cohérent du ratio de capitaux propres pour risques de crédit et de marché devient alors:

Total des capitaux propres

% 8 ≥

Risques de crédit + Risques de marché

Selon le dispositif, chaque banque devra accomplir l’exigence de fonds propres sur une base journalière qui correspond à la valeur la plus élevée entre : la perte potentielle du jour précédent; et la moyenne des pertes potentielles sur les soixante derniers jours ouvrables, majorée par le facteur de multiplication qui prend au moins la valeur de 3. Les majorations τ

1 Dans le cadre des méthodes standardisées, on peut citer la méthode fondée sur l’échéance ou sur la duration

(BIS 1996a, p.11-13).

2 Pour que la dette subordonnée soit considérée comme capital propre, elle doit, au minimum, être: libre de gage;

intégralement libérée; avoir une échéance initiale d’au moins deux ans; ne pas être remboursable avant la date convenue (sauf si les autorités sont d’accord); ne pas être payée si l’exécution du paiement doit entraîner une réduction des capitaux propres au-dessous de son exigence minimale (BIS 1996, p. 7-8).

de ce facteur sont attribuées aux banques par les autorités de contrôle en fonction des performances des modèles, évaluées ex-post afin d’inciter les banques d’améliorer la précision de leurs modèles de calcul.

Les contrôles ex-post ne parviennent pas à calculer le nombre d’exceptions qui donne une probabilité faible, à la fois de rejet d’un modèle précis et d’acceptation d’un modèle imprécis. Pour cette raison, les résultats des contrôles ex-post sont interprétés selon un schéma en trois zones déterminant chacune la valeur de τ et les réactions possibles des autorités de contrôles. Ainsi, dans la zone verte sont inclus tous les résultats qui ne remettent en cause ni la qualité ni la précision du modèle (la possibilité d’accepter un modèle imprécis est faible) et τ = 0. La zone jaune regroupe des résultats qui posent des questions à l’égard de la précision du modèle et pour lesquels les autorités exigent des informations supplémentaires avant de se prononcer sur le modèle. Dans cette zone τ ∈ {0.40, 0. 50, 0. 65, 0. 75, 0. 85}. La zone rouge comprend les résultats qui proviennent d’un modèle dont l’exactitude est extrêmement improbable. En règle générale, dans ce cas τ = 1 et l’autorité de tutelle majore automatiquement le facteur de multiplication d’un point, le portant de 3 à 4.

Source : BIS 1996b, p.13.

4.3.2 Les critiques de Bâle I

Avant d’avancer dans notre analyse sur les effets microéconomiques de la régulation, il convient de mettre en évidence quelques points faibles de l’accord de 1988.

• Tout en acceptant qu’il soit impossible de calculer un ratio objectif pour l’ensemble du système bancaire, il nous semble que les régulateurs exigent d’une façon rigide un ratio

de capital propre supérieur à 8% pour lequel la probabilité de faillite serait faible. Rien ne

justifie que des banques opérant dans des secteurs complètement différents (cycliques, contre-cycliques, des zones géographiques diverses, etc.), aient besoin du même ratio de fonds propres pour faire face à leurs problèmes. Il est fort probable que ce ratio soit surestimé pour certaines banques ou sous-estimé pour d’autres. Sa pertinence serait aussi remise en cause au cas où ce ratio serait déterminé sur la base des observations effectuées avant 1987. Or, les mutations intervenues depuis lors dans les activités bancaires auraient pu altérer les facteurs de pondérations ou ajouter d’autres innovations financières (Mikdashi 1998, p. 167).

• La pondération du risque de crédit est critiquée pour sa différenciation insuffisante quant à son potentiel de prendre en compte toutes les banques, tous les emprunteurs et la complexité des transactions. Cela implique qu’il est difficilement envisageable de mettre

en relation, de manière appropriée les exigences en capitaux propres et le risque de crédit effectif. Une distorsion entre le capital exigé par le marché et celui imposé par la régulation est par conséquent inévitable.

• Au cas où la contrainte régulatrice serait active (k < 0.08), la banque peut prêter à un taux d’intérêt plus élevé afin d’accroître le montant de ces capitaux propres. Ce faisant, elle pourrait approcher aussi les débiteurs risqués et défaillants (sélection adverse). Ce comportement révèle l’interdépendance entre la régulation et la politique des prix. Il est tout à fait envisageable que la régulation crée des distorsions dans l’allocation des

capitaux (Hall 1994, p. 395).

• Une régulation très sévère des banques qui influence leur politique en matière de prix et des collatéraux, pourrait conduire à une accélération de la désintermédiation. En effet, les banques vont tenter de répercuter leurs difficultés sur leurs clients. Ces derniers essaient alors d’obtenir des financements des autres institutions financières qui ne se trouvent pas sous la contrainte régulatrice. La désintermédiation pourrait avoir des conséquences négatives sur l’économie dans son ensemble car les particuliers et les petites entreprises ont plus de peine à recevoir les fonds directement sur les marchés que les grandes firmes. Il y aurait une partie de la demande qui ne serait pas satisfaite. L’offre des crédits est aussi négativement affectée. D’une part, les banques perdent les ressources investies dans l’acquisition des informations sur les clients. D’autre part, le financement des clients pourrait s’avérer plus difficile en période de crise, car la banque détient moins d’information relative à leur capacité de paiement (Edwards et Mishkin 1995, p. 28). • Face à la concurrence des autres institutions financières non soumises à la réglementation,

les banques se trouvent légalement désarmées et défavorisées au niveau national. Ce qui met en évidence que Bâle I n’est pas neutre du point de vue de la concurrence.

L’accord n’est pas neutre non plus au niveau de la concurrence internationale. Le coût du capital est différent d’un pays à l’autre et les exigences en matière de capitaux propres par leur impact sur la rentabilité ou la prise en compte des réserves latentes modifient encore plus ce coût. Afin d’éviter cette inégalité au niveau de la concurrence, il faudrait d’une part s’interroger sur la possibilité d’élargir le champ d’application de la régulation sur l’ensemble des institutions financières afin d’accroître la stabilité du système financier. D’autre part, il faut considérer la possibilité d’une harmonisation des politiques

monétaires et fiscales ainsi que les filets de sécurité des pays. Cette harmonisation est pratiquement impossible et peut être non souhaitable au niveau global.

• L’accord de Bâle I n’a pas prévu l’ampleur de la titrisation et son influence sur les ratios exigés des fonds propres1. En effet, les banques se servent de différentes techniques de titrisation pour éviter de maintenir un ratio k correspondant à leurs expositions. Ce faisant, les banques masquent les risques réels de leurs portefeuilles, ce qui amoindrit le montant réel des fonds propres.

• Il est compréhensible que la réglementation des capitaux propres à elle seule ne peut pas

assurer la stabilité du système bancaire. Ce pilier doit s’accompagner d’une amélioration

de la collecte et de la diffusion des données, ainsi que de processus internes sains pour évaluer les risques. Au moment où la crise de la liquidité se déclare, le maintien de la stabilité du système retombe à la Banque Centrale qui doit jouer activement son rôle de prêteur en dernier ressort.

• Mais la critique principale de l’accord de 1988 s’attache à son incapacité à inclure, dans le calcul, les autres risques importants encourus par une institution bancaire. Conscient de cette faiblesse, le Comité de Bâle a élargi progressivement le spectre des risques à considérer dans le calcul des capitaux propres pondérés en incluant le risque de marché. Le risque opérationnel n’est cependant pas pris en compte par Bâle I ce qui limite beaucoup son apport pour la stabilité du système bancaire.