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Liens entre la maturité des processus et de la collaboration

CHAPITRE 9 DISCUSSION GÉNÉRALE

9.2 Liens entre la maturité des processus et de la collaboration

En lien avec la contextualisation des projets, l’influence de la maturité organisationnelle a été aussi un élément commun à travers les résultats identifiés dans cette étude. L’article 1 indique que l’évaluation de la maturité de l’organisation est un prérequis pour la réussite des transformations d’affaires. L’article 2 discute de l’influence des pratiques organisationnelles sur la planification des projets étudiés. Il indique un lien entre la maturité de ces pratiques et l’évolution et la standardisation des processus de planification des projets. L’article 3 mentionne que la planification conceptuelle est une pratique de gestion de projets mature dans l’industrie de la construction. Mais, elle n’est pas au même niveau de maturité pour les projets de transformation d’affaires. De la revue de littérature il est indiqué que la collaboration reflète à certain égard la maturité des relations entre les parties prenantes surtout dans un contexte interorganisationnel. Ceci suscite un questionnement sur les liens entre la maturité des processus de planification et celle de la collaboration.

L’idée d’utiliser un modèle de maturité pour guider l’amélioration d’une pratique ou d’une organisation a été initiée par le concept de Capability Maturity Model (CMM) originalement exposée dans le travail de Paulk, Curtis, Chrissis et Weber (1993). Dans la transformation d’affaires, les modèles de maturité peuvent être utilisés pour guider l’évaluation d’une organisation et guider les changements requis (Kulpa et Johnson, 2008; Nightingale et Mize, 2002). En gestion de projets, différents modèles de maturité ont été suggérés pour accompagner les organisations à

améliorer les pratiques de gestion de projets et mieux les intégrer avec leurs agendas stratégiques (Kerzner, 2001). Yazici (2009) indique que l’utilisation d’un modèle de maturité de gestion de projets améliore la performance des organisations. Le modèle le plus reconnu est OPM3 (Organisational Project Management Maturity Model) développé par le PMI (Project Management Institute) (Project Management Institute, 2003). Le modèle contient cinq niveaux de maturité des processus de gestion de projets : initial, répétable, défini, géré, et optimisé (Pennypacker et Grant, 2003). Pour la collaboration, des modèles de maturités sont aussi proposés (Alonso, Martínez de Soria, Orue-Echevarria et Vergara, 2010; Boughzala et de Vreede, 2015). Et spécifiquement en gestion de projets, la hiérarchie de l’effort collaboratif proposé par Nunamaker et al. (2003) est parmi les structures les plus cités. Elle contient trois niveaux de collaboration : collectif, coordonné et concerté.

La planification collaborative lie les processus et pratiques de planification à l’effort collaboratif comme un objet de planification et un attribut des processus. La planification collaborative peut être située comme un état d’évolution à l’intersection de la maturité des processus de planification et le travail collaboratif. En s’inspirant encore du domaine de gestion des chaines logistiques (Montreuil, 2011, 2015), une schématisation de l’évolution de la planification en lien avec la collaboration peut être proposée. La maturité de la planification en tant que processus et pratiques peut être mesurée selon le modèle OPM3 (Project Management Institute, 2003). L’effort collaboratif peut être représenté selon le modèle proposé par Nunamaker et al. (2003). La Figure 9-2 synthétise les niveaux d’évolution proposés.

La maturité des processus de planification est décrite en fonction de trois paramètres identifiés dans la littérature sur la planification collaborative :

1) L’identification et le type d’entités de planification : reflète à la fois le niveau d’indépendance à planifier et la complexité de relier les différentes entités.

2) Les processus et pratiques de planification : reflètent comment ils sont définis et utilisés dans les entités de planification et entre elles.

3) Le niveau d’optimisation : indique l’effort de rechercher des solutions optimales aux différentes décisions de la planification.

1) La dynamique et organisation du travail collaboratif : décrit comment l’effort de collaboration se manifeste et le degré de gestion qui y est appliquée.

2) Le degré de coordination : plus l’effort de collaboration augmente plus les mécanismes de coordination sont importants.

Ainsi les liens entre la planification et la collaboration en gestion de projets évoluent selon quatre niveaux. Le premier état d’évolution peut être décrit comme fragmenté. Il correspond à une faible maturité des processus de planification et à un effort collaboratif spontané et non coordonné. Le deuxième état d’évolution peut être qualifié d’intégré. À ce niveau, les entités de planification sont localement identifiées et les processus sont standardisés visant un plan local optimal. C’est un niveau auquel le travail collaboratif est coordonné autour des livrables clés. L’état collaboratif est le troisième état d’évolution. Il inclut des entités de planification locales et globales formalisées. Les processus sont définis au niveau des organisations et l’optimisation vise une balance entre les domaines locaux de planification et le plan global qui les lient. L’effort collaboratif à cet état est facilité par des cadres de gestion et des outils collaboratifs et la coordination arrime les processus et leurs livrables. L’état collaboratif peut être associé à la planification collaborative telle qu’explorée dans cette thèse. Le dernier état d’évolution peut être décrit comme orchestré. Il ajoute une dimension d’agilité au niveau collaboratif. Les entités locales et globales de planification harmonisent leurs pratiques pour permettre des processus capables de s’adapter aux variabilités et aux incertitudes sans perdre d’efficacité ou réduire la qualité de la solution optimale. En même temps, l’effort collaboratif reste important avec une coordination plus détaillée des activités. L’orchestration peut être dirigée par une entité globale de planification.

Cette évolution des liens entre la planification et la collaboration dans les projets peut être décrite avec une analogie à la performance d’un orchestre symphonique. Au début, chaque musicien ajuste son instrument selon une référence absolue ou avec un collègue. Le tout est un ensemble désynchronisé et méconnaissable (état fragmenté), mais nécessaire pour préparer la prochaine étape. Par la suite, les musiciens s’alignent par groupe d’instruments. Chaque groupe utilise sa partition avec des indications des interventions des autres groupes. Le tout donne des sons plus arrimés, mais pas tout à fait fluides (état intégré). Une fois les partitions de chaque groupe sont annotées par un travail collaboratif facilité par un ou plusieurs musiciens, la symphonie émerge (état collaboratif). À ce stade, un orchestre peut performer une symphonie complète. Mais, l’apport

d’un chef d’orchestre (état orchestré) en termes de fluidité des transitions, la coordination des groupes de musiciens et même des individus élève la qualité de la performance musicale (Kumar et Morrison, 2016).

Figure 9-2. Évolution de la planification en lien avec la collaboration en gestion de projets