• Aucun résultat trouvé

3.3 La fragilité 31

3.3.4 Le lien entre la fragilité et les maladies cardiovasculaires 36

Certaines maladies ont un lien étroit avec la fragilité. Puisque dans le cadre de cette thèse nous nous intéressons aux ainés souffrant de maladies cardiovasculaires, nous nous sommes intéressés aux liens unissant la fragilité et les maladies cardiovasculaires.

3.3.4.1 La fragilité et l’insuffisance cardiaque : l’œuf ou la poule ?

Dans la Cardiovascular Health Study, la prévalence de l’insuffisance cardiaque chez les ainés demeurant dans la communauté variait selon le statut de fragilité (défini par le phénotype biologique de la fragilité) 106. La prévalence était de 2 % chez les non-fragiles,

5 % dans le groupe intermédiaire et 14 % dans le groupe fragile. Dans une autre étude mené auprès de la cohorte de la Cardiovascular Health Study, Newman et coll. 107 ont voulu

déterminer la relation entre la fragilité et les maladies cardiovasculaires subcliniques (pour lesquelles la maladie est présente mais le patient n’a pas encore de symptômes) et cliniques. Les individus ont été catégorisés selon un des trois phénotypes biologiques de la fragilité (pas fragile, phénotype intermédiaire de la fragilité ou fragile). Les individus souffrant de maladies cardiovasculaires étaient 2,8 fois plus à risque d’être fragiles que les individus n’ayant pas de maladie cardiovasculaire. Parmi les maladies cardiovasculaires pour lesquelles les patients avaient des manifestations cliniques, l’insuffisance cardiaque était la condition la plus fréquemment associée à la fragilité. En effet, la prévalence était de 14 % chez les individus fragiles comparativement à 2 % chez les individus non fragiles. Les maladies cardiovasculaires pour lesquelles les patients étaient asymptomatiques étaient aussi associées à la fragilité. Parmi les individus dont la tension artérielle systolique était égale ou supérieure à 125 mm de Hg, chaque augmentation de 10 mm de Hg de la tension artérielle augmentait de 15 % le risque d’être fragile. Ensuite, McNallan et coll. ont évalué la prévalence de la fragilité dans une population d’individus souffrant d’insuffisance cardiaque et demeurant dans la communauté 108. La fragilité était définie à la fois par le

phénotype biologique de la fragilité et par l’indice des déficits cumulés. Dans cette population de 223 individus, 21 % étaient considérés comme étant fragiles et 48% comme ayant un phénotype intermédiaire de la fragilité.

3.3.4.2 Impact de la fragilité chez les individus souffrant de maladies cardiovasculaires

La fragilité a un impact à la fois sur la prise en charge des maladies cardiovasculaires et sur les résultats de santé chez les patients souffrant de maladies cardiovasculaires. Tout d’abord, la fragilité complique le traitement des comorbidités que peut présenter un ainé 97.

Alors que les lignes directrices peuvent servir de guide pour le traitement d’une maladie comme l’insuffisance cardiaque, Fried et coll. 95 mentionnent que leur utilisation chez des

individus fragiles peut les exposer à des effets indésirables dépassant leur tolérance. Aussi, ces auteurs mentionnent que les individus fragiles ont une plus faible tolérance aux stresseurs que sont les hospitalisations et les procédures médicales. Aussi, Cacciatore et coll. 44 ont mis en évidence que la fragilité était associée à une sous-exposition à certains

médicaments, mais pas à tous les médicaments, chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque. Ils ont suivi 1 780 ainés durant une période de 12 ans. Parmi ces individus, 120 souffraient d’insuffisance cardiaque. Dans cette population, les individus fragiles étaient sous-exposés aux nitrates comparativement aux individus non fragiles (11 % comparativement à 42 %). Par contre, il n’y avait pas de différence d’exposition pour les diurétiques, la digoxine et les IECA.

L’impact de la fragilité sur les résultats de santé de patients souffrant d’insuffisance cardiaque ou ayant subi un infarctus aigu du myocarde a été étudié à quelques reprises 44,109,110. Tout d’abord, chez les individus souffrant d’insuffisance cardiaque et

étant fragiles, le risque de décès à un an est 3,5 fois plus élevé que pour les non-fragiles (16,9 % comparativement à 4,8 %) 109. Les taux d’hospitalisation sont également plus

élevés (20,5 % et 13,3 %) 109. De plus, Cacciatore et coll. 44 ont étudié l’association entre la

fragilité et le risque de mortalité. Ils ont considéré dans leur analyse, en plus de la fragilité, le sexe, l’âge, la classe fonctionnelle selon la NYHA, la tension artérielle systolique, la tension artérielle diastolique, l’exposition aux médicaments cardiovasculaires (diurétiques, IECA, nitrates et digoxine) et l’étiologie de l’insuffisance cardiaque (ischémique ou autre). Dans ces analyses exhaustives, la fragilité a été associée à un risque augmenté de mortalité

tant chez les individus souffrant d’insuffisance cardiaque que chez ceux sans insuffisance cardiaque. Par contre, l’effet de la fragilité était plus important sur le risque de mortalité chez les individus souffrant d’insuffisance cardiaque (RTi 1,48; IC 95 % : 1,04-2,11) que chez ceux ne souffrant pas d’insuffisance cardiaque (RTi : 1,36; IC 95% 1,17-1,57).

Finalement, Ekerstad et coll. 110, souhaitaient décrire les variables de risque

cardiovasculaire, les comorbidités et la fragilité chez des patients de 75 ans ou plus ayant eu un infarctus aigu du myocarde sans élévation du segment ST. Ils ont observé que la fragilité était associée à une augmentation de quatre fois du risque de décès dans une période d’un an suivant la survenue de l’infarctus aigu du myocarde. Il est intéressant de noter que, dans cette étude, la fragilité prédisait mieux la mortalité à un an qu’un indice élaboré spécifiquement pour les maladies cardiaques ischémiques.

En conclusion, d’un côté, la prévalence de la fragilité est plus élevée chez les individus souffrant de maladies cardiovasculaires que chez ceux qui n’en souffrent pas. D’un autre côté, la prévalence des maladies cardiovasculaires est plus élevée chez les individus fragiles que chez les individus non fragiles. De plus, le traitement des individus fragiles qui souffrent de maladies cardiovasculaires est plus compliqué et leur risque de subir un évènement de santé indésirable est plus élevé que celui des personnes qui n’ont aucune des conditions ou qui n’en ont qu’une seule.

3.5 L’effet des médicaments recommandés par les lignes directrices sur la