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5 Discussion et conclusions

5.1 Le retour sur les questions de recherche

5.1.2 Le lien entre les consultations scolaires et les troubles du comportement

Les apports théoriques ont mis en lumière l’intérêt du dispositif de consultations scolaires pour agir face aux TdC des élèves à l’école. Ces derniers diminueraient lorsque des séances de consultations scolaires sont proposées aux enseignants. De plus, cet effet serait modulé par la mise en œuvre plus ou moins fidèle des plans d’intervention qui en découlent.

5.1.2.1 Le comportement des élèves : amélioré suite aux consultations scolaires ?

Cinq enseignantes ont participé à des séances de consultations scolaires. Le comportement des élèves a été observé et évalué systématiquement à l’aide d’enregistrements vidéo quotidiens. L’indicateur choisi a été la durée d’apparition du comportement on- task de l’élève. Les résultats démontrent une augmentation de cette durée d’apparition à partir de l’introduction des séances de

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consultations scolaires. Les analyses visuelles et statistiques ont permis de conclure à un changement significatif. L’augmentation du temps d’apparition du comportement on-task est considérée comme modérée.

Cette amélioration des comportements découlant des séances de consultations scolaires a déjà été observée dans d’autres études (c.f. Dufrene et al., 2014; McDougal, Nastasi, & Chafouleas, 2005; Poole, Dufrene, Sterling, Tingstrom, & Hardy, 2012; Stoiber & Gettinger, 2011). Toutefois, beaucoup d’entre elles n’ont pas utilisé l’observation directe pour mesurer les comportements des élèves. Elles n’ont pas non plus tenu compte de la fidélité de mise en œuvre des interventions par les enseignants. Enfin, elles n’étaient pas situées en Suisse romande. Les résultats de la recherche empirique amènent donc des informations nouvelles, démontrant avec rigueur que le dispositif de consultations scolaires a été profitable pour cinq enseignantes et cinq élèves romands.

Les TdC des élèves ont été étudiés à la lumière du modèle de Charras et al. (2012). Ce modèle définit l’in-/adaptation comportementale comme la rencontre entre les compétences personnelles de l’élève et la pression environnementale. Les plans d’intervention élaborés durant les séances de consultations scolaires visaient deux objectifs : (1) l’adaptation de l’environnement scolaire aux compétences socio-émotionnelles et comportementales de leurs élèves, et (2) le développement des compétences de ces derniers. Cette prise en charge globale a été rendue possible grâce à l’utilisation de l’arbre de décision de Umbreit et al. (2007) qui propose trois approches d’intervention, à savoir (a) l’enseignement des comportements, (b) la modification de l’environnement de classe et (c) l’encouragement des comportements positifs. Ainsi, le dispositif de consultations scolaires étudié empiriquement a été cohérent avec les fondements théoriques définissant les TdC. Cette cohérence a certainement joué en faveur de l’efficacité du dispositif étudié.

L’effet positif du dispositif de consultations scolaires a été rapide. La durée d’apparition des comportements on-task des élèves a augmenté en l’espace de deux semaines uniquement (quatre séances de consultations scolaires de 45 minutes). Les analyses

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visuelles et les tests de randomisation ont permis d’observer cet effet rapidement perceptible, répliqué cinq fois. Par le passé, d’autres recherches avaient déjà pu identifier les effets positifs d’un soutien de courte durée offert aux enseignants (Stormont, Reinke, Newcomer, Marchese, & Lewis, 2015). Ce résultat est important, car il permet d’envisager le dispositif de consultations scolaires à plus large échelle, sachant que deux semaines permettent déjà une amélioration du comportement d’un élève. Il peut donc être souhaitable, dans certaines situations, d’attribuer un soutien explicite à l’enseignant via un tel dispositif, plutôt que d’attribuer prioritairement un soutien à l’élève.

Ainsi, les résultats mettent en lumière le fait que le dispositif de consultations scolaires semble être intéressant pour les écoles régulières, lorsque des élèves présentent des besoins particuliers au niveau social, émotionnel et comportemental. Le dispositif doit toutefois être étudié par d’autres chercheurs dans d’autres écoles suisses. Les résultats doivent être répliqués pour que les effets du dispositif de consultations scolaires tel qu’opérationnalisé (Annexe E) soient représentatifs (What Works Clearinghouse, 2013), même si des interventions similaires ont déjà fait l’objet de nombreuses études dans d’autres contextes (Sheridan et al., 1996).

5.1.2.2 Les effets des consultations scolaires : modulés par la fidélité de mise en œuvre ?

Les apports théoriques ont identifié la fidélité de mise en œuvre du plan d’intervention comme une condition nécessaire à l’efficacité du dispositif de consultations scolaires. En effet, puisque le dispositif est offert à l’enseignant, ce dernier doit mettre en œuvre fidèlement les interventions co-construites pour espérer une amélioration des comportements de l’élève. La revue de la littérature a relevé que plusieurs études ne mesuraient pas la fidélité de mise en œuvre (c.f. Perry, Dunne, McFadden, & Campbell, 2008), et aucune ne mesurait explicitement la relation entre la fidélité de mise en œuvre et l’amélioration des comportements des élèves.

Pour évaluer cette relation, la mise en œuvre des plans d’intervention a été mesurée parallèlement aux séances de

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consultations scolaires proposées à cinq enseignantes. Elle a été observée et évaluée systématiquement à l’aide d’enregistrements vidéo quotidiens, puis a été standardisée à l’aide d’une échelle à trois niveaux (Sanetti et al., 2015) : (1) non mis en œuvre, (2) mis en œuvre avec des modifications, et (3) mis en œuvre tel que prévu. Les analyses statistiques ont montré que le dispositif de consultations scolaires avait un effet positif sur les comportements on-task des élèves, même lorsque la mise en œuvre des plans d’intervention n’était pas pleinement fidèle. De plus, la fidélité de mise en œuvre semble augmenter légèrement l’efficacité du dispositif de consultations scolaires sur les comportements on-task des élèves.

Par exemple, le plan d’intervention construit pour l’élève de l’enseignante C impliquait (1) l’enseignement explicite des attentes comportementales, ainsi que l’utilisation de (2) renforcements positifs et d’attention sélective. Au début, l’enseignante C a fidèlement utilisé chaque étape de la première intervention. Jour après jour, cette fidélité a diminué. Quant à la deuxième intervention, elle a été exploitée sur une courte période uniquement. Malgré ces modifications dans le plan d’intervention, le comportement de l’élève s’est amélioré, et cette amélioration s’est maintenue dans le temps jusqu’à la fin de la récolte de données. Ce résultat de recherche va à l’encontre des fondements théoriques des consultations scolaires, indiquant que la fidélité de mise en œuvre est nécessaire pour que ce dispositif soit efficace (Martens & McIntyre, 2012). Ce résultat peut être expliqué de trois manières.

Premièrement, la diminution de la mise en œuvre a pu être délibérée et nécessaire, malgré des séances de consultations scolaires et d’analyses en autonomie. Une intervention peut devenir désuète, si celle-ci vise un apprentissage. Ainsi, la fidélité de mise en œuvre n’est pas constamment nécessaire pour garantir l’efficacité du dispositif de consultations scolaires. Cette explication corrobore les propos de Fryling, Wallace et Yassine (2012) selon lesquels une « maigre » fidélité de mise en œuvre peut amener des résultats concrets, si le plan d’intervention a précédemment été mis en œuvre avec fidélité.

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Deuxièmement, il est possible que les séances de consultations scolaires aient suscité des changements qui n’ont pas été mesurés à l’aide de la fidélité de mise en œuvre. Les enseignantes ont pu « changer à d’autres niveaux », par exemple en termes de perceptions des TdC, de compétences et de connaissances dans la prise en charge d’élèves souffrant de ce trouble, ou encore en termes de motivation à faire évoluer leurs pratiques pédagogiques (Westling, 2010). Ainsi, les indices de fidélité choisis ne témoignent pas de tous les effets du dispositif de consultations scolaires sur les pratiques des enseignantes. La fidélité de mise en œuvre et sa mesure sont alors questionnées. Cette interprétation suscite le besoin de développer une compréhension plus approfondie de cette notion dans de futures recherches.

Troisièmement, la complétude ou la précision des mesures de la fidélité de mise en œuvre peuvent être questionnées. L’observation systématique sur la base de vidéos choisie dans cette thèse ne représente pas toute la complexité des changements induits par des séances de consultations scolaires. Par exemple, de nombreux changements « internes » n’ont pas été évalués chez les enseignantes, hormis leur SAE. Or, plusieurs auteurs ont théorisé ces changements inhérents aux séances de consultations scolaires (Guskey, 2002; Sanetti et al., 2013; Tripp & Rich, 2012) : changements de perceptions, de représentations, de motivation, voire d’identité… Evaluer ces effets non-visibles grâce à l’observation aurait énormément sollicité les enseignantes, raison pour laquelle il avait été décidé de mettre l’accent sur une unique dimension (le SAE). La qualité de leur relation à l’élève ou à la classe, leur motivation à adapter leur enseignement leur identité professionnelle ou leurs représentations des TdC seront des dimensions à étudier dans des recherches ultérieures.

Cette troisième explication rejoint les difficultés de mesure suscitées par les adaptations in vivo des plans d’intervention. Lors de l’élaboration de ces derniers, consultants et enseignantes ont travaillé à identifier et adapter les PFP pour qu’elles correspondent au plus près à la réalité de la classe. Toutefois, les enseignantes ont pu modifier les plans d’intervention en cours d’action, afin qu’ils soient pleinement adaptés à la situation d’enseignement vécue au moment

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de la mise en œuvre. L’enseignante F et l’intervention nommée « cumul de jetons » en est un exemple. Elle n’en a mis en œuvre que la première composante de l’intervention, à savoir, clarifier les attentes comportementales. L’enseignante F avait alors modifié le plan d’intervention pour supprimer les composantes avec lesquelles elle n’était pas à l’aise. La fidélité en est réduite dans cette intervention, alors que les séances de consultations scolaires ont tout de même permis de faire évoluer sa pratique et d’augmenter le temps d’apparition des comportements on-task de son élève.

En d’autres termes, une deuxième adaptation, in vivo cette fois, peut être appliquée aux PFP. Or, l’outil de mesure a été élaboré sur la base de la première adaptation. Cette interprétation confirmerait que le dispositif de consultations scolaires n’invalide pas l’autonomie et la réflexion des enseignants. Ces derniers restent responsables de leurs actions, et critiques face aux plans d’intervention prédéfinis, malgré le travail effectué lors des séances de consultations scolaires. Ainsi, la crainte parfois avancée face aux PFP qui réduiraient l’enseignement à une somme de gestes techniques (Saussez & Lessard, 2009) est déraisonnable dans ce contexte. L’adaptation en cours d’action témoigne du rôle-clé de la sagesse professionnelle des enseignants dans la mise en œuvre de PFP. Comme proposé par Debardieux et Blaya (2009), « il n’est de bonne pratique qu’en contexte » (p. 15), et le terme « pratiques informées par les preuves » proposé par Durlak (2013) semble plus approprié que le terme de « pratiques fondées sur les preuves » suite à cette interprétation.

Ainsi, les résultats de cette recherche empirique démontrent que la fidélité de mise en œuvre telle que mesurée ici n’est pas systématiquement et continuellement nécessaire pour garantir l’efficacité du dispositif de consultations scolaires sur le comportement des élèves.

5.1.3 Le maintien de la mise en œuvre suite aux consultations