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Chapitre V : Caractérisations physico-chimiques des

III. Etude du comportement en solution des nanoparticules de ZnO

III.6 Liaisons hydrogène et organisation des nanoparticules en solution

Nous venons de démontrer que les organisations de nanoparticules de ZnO ne sont observées que quand leur stabilisation est assurée par les couples acide/amine, c'est-à-dire par des systèmes ioniques, et à la condition que le milieu solvant soit faiblement dissociant.

En milieu faiblement dissociant (toluène et THF) la cohésion du système carboxylate d’ammonium est en partie assurée par l’interaction dipolaire entre la charge négative portée par le groupement carboxylate et la charge positive portée par le groupement ammonium. A l’exception de l’acétone, les constantes diélectriques des solvants utilisés n’autorisent pas la dissociation de la paire d’ions en ions libres. Nous avons aussi démontré dans le chapitre II l’existence d’interactions entre chaines, de type Van der Waals, par des expériences de transfert d’aimantation (Nuclear Overhauser Effect) entre protons de la chaîne alkyle du groupement carboxylate et de la chaîne alkyle du groupement ammonium (<5Å). Cette observation est en outre corroborée par des mesures de coefficients de diffusion par RMN DOSY qui mettent clairement en évidence l’existence d’une association anion-cation pour le carboxylate d’ammonium. La cohésion de la paire d’ion carboxylate d’ammonium serait ainsi assurée à la fois par interaction électrostatique entre les têtes polaires et par interaction de Van der Waals entre les chaînes alkyls (ce qui n’exclut évidemment pas la possibilité d’interaction de type hydrogène entre les groupements ammonium et carboxylate comme nous le schématisons sur la figure III.6.1 ou avec le THF, quand celui-ci est utilisé comme solvant). Rappelons aussi que nous n’observons pas de structures organisées à partir de solutions du seul carboxylate d’ammonium dans le THF par DLS, dans des conditions semblables de solvants et de concentration.

Figures III.6.1. : Représentation schématique de la paire d’ion carboxylate d’ammonium en milieu non dissociant.

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Cela étant, comment l’ensemble des ligands présents dans le milieu, et en particulier le carboxylate d’ammonium, interviennent-ils à la surface des nanoparticules de ZnO pour conduire à leur organisation ?

Etablissons tout d’abord un bilan des espèces en présence dans le milieu colloïdal. Etant données les stœchiométries amine/acide utilisées, d’une part, et l’existence d’un équilibre thermodynamique entre le carboxylate d’ammonium, l’acide et l’amine, d’autre part (largement déplacé vers la forme ionique dans les conditions expérimentales), il est évident que l’on s’attend, en effet, à retrouver à la surface de ZnO non seulement les ions carboxylate d’ammonium (associés en paire d’ion en milieu solvant faiblement dissociant) mais aussi l’amine seule ainsi que l’acide carboxylique à l’état de trace (ces espèces étant en outre impliquées dans des équilibres thermodynamiques). Comme nous l’avons montré précédemment, l’organisation ne peut toutefois être assurée que par la présence de la paire d’ions.

Comme nous l’avons démontré dans le chapitre III traitant de l’interaction ligand/particule et comme nous le représentons de façon schématique sur la figure suivante (figure III.6.2), une hypothèse raisonnable pour décrire l’interaction entre la paire d’ions carboxylate d’ammonium et la nanoparticule consiste à faire intervenir des liaisons hydrogène. Cette liaison hydrogène s’établirait entre un bon donneur de liaison hydrogène, le groupement ammonium et un accepteur, les atomes d’oxygène de surface du réseau d’oxyde de zinc. Ce mode de liaison est vraisemblablement renforcé par l’intervention des groupements carboxylates, capables de se lier aux nanoparticules en donnant un des doublets localisés sur ses atomes d’oxygène.

Figure III.6.2. : Représentation schématique des interactions envisageables entre la paire d’ion carboxylate d’ammonium et la nanoparticule de ZnO.

Liaison de coordination OZn et liaison hydrogène N…H…O => Paire d’ions peu mobile

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Les autres ligands, représentés ci-dessous (figure III.6.3) avec les modes d’interaction qu’ils ont avec la nanoparticule et que nous avons démontré au chapitre III, sont inopérants quant à leur organisation.

Figure III.6.3. : Représentation schématique des interactions envisageables entre une amine ou un acide carboxylique et la nanoparticule de ZnO (d’après les chapitres précédents).

Dans ce qui suit, nous allons montrer que les liaisons hydrogène semblent effectivement jouer un rôle important dans la formation des structures organisées de nanoparticules.

L’ajout d’un bon accepteur de liaison hydrogène (comme un oxyde de phosphine) à une solution colloïdale contenant des nanoparticules de ZnO organisées (par exemple au système ZnO//OA/0,5OlAc en solution concentrée dans le THF) se traduit en effet par la disparition totale de cette organisation. Ainsi, comme nous pouvons le voir sur le tableau III.6.1, l’ajout progressif d’OPPh3 s’accompagne de la dissolution rapide des structures

organisées pour donner des structures organisées de tailles de plus en plus petites et des particules isolées de plus en plus nombreuses. Le phénomène est observable dès l’addition de moins de 0,2 équivalent de OPPh3 au système ZnO//OA/0,5OlAc (c'est-à-dire un peu moins

de 0,5 équivalent par rapport à la paire d’ions carboxylate d’ammonium). L’addition de 0,5 équivalent d’OPPh3, soit une quantité équivalente à la concentration en carboxylate

d’ammonium, se traduit par la disparition totale des structures organisées. O Zn O Zn O Zn C O O H Liaison de coordination N Zn

=> Ligand amine peu mobile

Liaison hydrogène N….H….O

=> Ligand amine très mobile

Liaison de coordination OZn et liaison hydrogène O…HO

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Equivalents d’OPPh3 ajoutés (par

rapport au zinc)

taille moyenne des objets contenus dans la solution (analyse en nombre d’objets

diffusants) (nm)

Taille des objets diffusants par analyse de l’intensité de

la lumière diffusée (nm) Proportion (%) particules organisées/particules isolées 0 138 137 100/0 0,17 8,1 8,6 et 41 75/25 0,34 6,4 7,3 et 16,1 44/56 0,51 7,1 7,5 0/100

Tableau III.6.1 : Evolution de la taille moyenne des objets contenu dans le système ZnO//OA/0,5 OlAc en fonction des quantités d’OPPh3 ajoutées.

Comment rationaliser ces observations ?

Un simple phénomène de substitution de ligand à la surface des nanoparticules est la première explication qui vient à l’esprit. OPPh3 se substitue aux groupements carboxylate à la

surface des nanoparticules ; les paires d’ions carboxylate d’ammonium deviennent libres dans le milieu et n’ont plus la possibilité de s’organiser en réseau, comme nous le mentionnons plus haut.

A cette hypothèse, nous préférons opposer un schéma faisant intervenir le pouvoir d’accepteur de liaisons hydrogène de l’oxyde de phosphine, bien connu et mentionné dans la littérature. [27] En tant que bon accepteur d’hydrogène, OPPh3 détourne à son profit les paires

d’ions carboxylate d’ammonium pour donner des systèmes OPPh3/RCOO-R’NH3+. Les

particules de ZnO, stabilisées par les amines en excès n’ont plus la possibilité de s’organiser. Nous nous sommes assurés, en outre, que les systèmes OPPh3/carboxylate d’ammonium ne

conduisaient pas, à eux seuls, à des systèmes organisées dans des conditions semblables de solvant et de concentration.

La fixation de la paire d’ions carboxylate d’ammonium à la surface des nanoparticules de ZnO apparait, dès lors, comme une seconde condition nécessaire à leur organisation.

Compte tenu de nos observations quant aux conditions physico-chimiques nécessaires à l’organisation des nanoparticules, c’est à dire 1) existence de paires d’ions carboxylate d’ammonium et 2) immobilisation de ces paires d’ions à la surface des nanoparticules de ZnO, l’équilibre thermodynamique entre particules indépendantes et particules organisées peut être représenté de la façon schématisée sur la figure III.6.4. Ce schéma prend en compte

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l’interpénétration des chaînes alkyles de paires d’ions fixées sur une nanoparticule avec celles de sa voisine, la cohésion de l’ensemble étant assurée par des liaisons de type Van der Waals. La redissolution de l’ensemble organisé en présence d’OPPh3 (résultant du déplacement des

paires d’ions carboxylate d’ammonium), ou en présence d’un solvant dissociant (résultant de la séparation de la paire d’ions en ions libres), est représentée schématiquement figure III.6.5.

Figure III.6.4. : Représentation schématique de l’équilibre thermodynamique établi entre particules isolées et particules organisées. Pour des raisons de simplification, ce schéma ne représente, à la surface des particules, que les éléments nécessaires à leur organisation. Il omet donc volontairement amines et acides carboxyliques à longue chaîne qui sont également présents dans le milieu réactionnel, comme cela a été montré dans le chapitre III.

Figure III.6.5. : Représentation schématique de la redissolution des particules organisées en présence d’oxyde de triphénylphosphine (a), ou par augmentation de la constante diélectrique du solvant (b). Amines et acides carboxyliques, bien que présents dans le milieu, ont également été omis de ce schéma.

ZnO NPs Zn O NPs ZnO NP s ZnO NP s + x OPPh3 x H OPPh3 ZnO NP s ZnO NP s ZnO NP s ZnO NP s b a

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IV. Conclusion

Au cours de ce travail, nous avons d’abord pu démontrer que l’organisation des nanoparticules d’oxyde de zinc, observée à de nombreuses reprises à l’état solide par microscopie électronique sous la forme de super structures cristallines pouvait sous certaines conditions, être détectée en solution par diffusion de la lumière. La mise en évidence d’un équilibre thermodynamique entre particules indépendantes et particules organisées est l’une des informations les plus significatives issues de cette partie du travail.

L’étude de l’influence de plusieurs paramètres comme la nature du solvant, la concentration, la longueur des chaînes alkyl des ligands, l’addition d’un accepteur de liaison hydrogène, nous a permis de pointer le rôle prépondérant que jouent les interactions faibles comme les interactions électrostatiques, de Van der Waals et hydrogène dans le processus d’organisation des nanoparticules. Ainsi, l’organisation est observée pour autant que nous disposions de paires d’ions immobilisées à la surface des nanoparticules. Il apparait donc que le contrôle de l’organisation passe essentiellement par un contrôle de l’entropie du système. En d’autres termes, un minimum d’organisation du milieu - constitution de la paire d’ions et immobilisation de cette paire d’ions sur la particule - apparait comme une condition préalable nécessaire pour aller jusqu’à l’organisation tridimensionnelle finale.

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