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De nombreux genres de levures hémiascomycètes sont retrouvés dans les fromages. En effet, ces micro-organismes sont particulièrement adaptés à ce type de substrat, car elles ont la capacité de se développer à basse température, à un faible pH et, pour certaines espèces, à de fortes concentrations en sel (Fleet, 1990). Le rôle le plus largement décrit de ces levures dans la fabrication fromagère est la consommation de l’acide lactique, qui provoque la désacidification du caillé rendant possible le développement des bactéries d’affinage acido-sensibles. La production d’ammoniac lors de la consommation des acides aminés participe aussi à la désacidification, avec une importance relative dépendant du type de levure.

Les levures sont aussi impliquées dans de nombreux phénomènes, tels que la protection contre l’implantation de micro-organismes indésirables (Goerges et al., 2006) et l’excrétion de facteurs de croissance (vitamines-B, acide pantothénique, acide nicotinique, riboflavine et biotine) (Fleet, 1990). Les activités lipolytiques et protéolytiques des levures sont aussi très importantes dans la fabrication fromagère car elles se traduisent par la genèse de précurseurs d’arômes.

Genre Saccharomyces

Saccharomyces cerevisiae est généralement connue pour son implication dans

l’élaboration du vin et de la bière, par la fermentation alcoolique (Fleet, 2003). Cependant, cette levure a été identifiée dans différent types de fromages (Viljoen & Greyling, 1995; Roostita & Fleet, 1996b; Romano et al., 2001).

S. cerevisiae n’assimile ni le lactose ni l’acide lactique (Roostita & Fleet, 1996b; Hansen &

acides aminés comme source de carbone et d’azote. L’influence de S. cerevisiae sur les qualités organoleptiques fromagères n’a pas encore été caractérisée. Cependant, il a été observé que les souches retrouvées dans le fromage présentent une résistance accrue au sel (Hansen & Jakobsen, 2001).

Genre Kluyveromyces

Kluyveromyces lactis et Kluyveromyces marxianus sont deux levures retrouvées

naturellement dans le lait et le fromage. Elles sont aussi utilisées en technologie fromagère, par leur ensemencement volontaire dans le lait. Ces levures très proches phylogénétiquement (Lachance, 2007) présentent cependant de grandes diversités physiologiques. K. lactis, comme la majorité des Kluyveromyces, est classée parmi les levures de type respiratoire, tandis que K. marxianus est une levure de type fermentaire. En effet bien que K. lactis soit capable de fermenter le lactose en éthanol, seulement 30% du glucose provenant de la dégradation du lactose est fermenté en présence d’oxygène contre 70% assimilé via le cycle de Krebs (Soulignac, 1995). Au contraire, K. marxianus dégrade majoritairement le glucose par voie fermentaire en condition d’aérobiose (le cas typique étant celui de S. cerevisiae). La régulation du métabolisme respiro-fermentaire chez K. lactis a fait l'objet de nombreuses revues bibliographiques (Breunig et al., 2000; González-Siso et al., 2000; Schaffrath & Breunig, 2000)(González-Siso et al., 2000). Les gènes essentiels pour la croissance en aérobiose et en anaérobiose ont été identifiés par comparaison de S. cerevisiae avec K. lactis (Snoek & Steensma, 2006). D’importantes différences métaboliques ont été observées au sein même de l’espèce Kluyveromyces lactis lors de l’étude comparative de la souche de référence et d’une souche utilisée dans l’industrie fromagère (Suleau et al., 2006).

Les levures du genre Kluyveromyces ont la capacité de consommer le lactate, et ainsi de participer à la désacidification de caillé (Kagkli et al., 2006b; Cholet et al., 2007).

Les levures du genre Kluyveromyces sont capables de produire des composés d’arôme variés, principalement des esters aux notes fruitées et des alcools. K. lactis peut produire des composés soufrés volatils (CSVs) comme le méthanethiol (MTL), le diméthylsulfure (DMS), le diméthyldisulfure (DMDS), le diméthyltrisulfure (DMTS) ou encore le méthythioacétate (MTAc) (Arfi et al., 2002).

Genre Debaryomyces

Debaryomyces hansenii est la levure majoritaire des fromages à pâte molle et à croûte

lavée. En effet, l’aptitude de D. hansenii à utiliser le lactose et l’acide lactique, à croître à basse température, en milieu acide et en présence de sel sont autant de raisons qui permettent à cette espèce de dominer dans les saumures et les fromages (Besançon et al., 1992; Roostita & Fleet, 1996a; Fleet, 1999).

D. hansenii présente la particularité de consommer le lactose et l’acide lactique en même

temps, mais avec des vitesses de consommation différentes (Soulignac, 1995). Cette levure désacidifie très rapidement le caillé lors de la fabrication fromagère (consommation de l’acide lactique et production d’ammoniac lors de la dégradation des acides aminés) (Mounier et al., 2008).

D. hansenii possède aussi des capacités aromatiques intéressantes, notamment par la

production de composés soufrés tels que le DMDS, DMTS et le MTAc (Bonnarme et al., 2001; Cholet et al., 2007).

Genre Yarrowia

Yarrowia lipolytica est une levure aérobie stricte retrouvée dans les matrices alimentaires

riches en lipides et en protéines telles que les yaourts, les fromages et la charcuterie. Cette levure sécrète des protéases, des lipases, des phosphates et des estérases qui favorisent son développement sur la matrice fromagère. Les protéases et les lipases de Yarrowia lipolytica sont hautement régulées (Guerzoni et al., 2001; Suzzi et al., 2001; Gonzalez-Lopez et al., 2002) permettant une adaptation précise au milieu. Ceci suggère que ces activités jouent un rôle primordial dans le développement de Yarrowia lipolytica. Cette levure, considérée comme atypique, diverge considérablement des autres levures. Elle présente en effet un faible niveau de similarité de séquence avec les autres levures, ce qui la place à la frontière des levures hémiascomycètes et des champignons filamenteux ascomycètes.

Non seulement Yarrowia lipolytica ne consomme pas le lactose, mais elle utilise préférentiellement les acides aminés libres comme source de carbone par rapport à l’acide lactique (Mansour et al., 2008). Du fait que dans les conditions fromagères, les acides aminés soient peu disponibles sous forme libre (caséines), Y. lipolytica participe activement à la protéolyse (protéases et transporteurs). Sa participation dans la désacidification du fromage pourrait donc être principalement due à la production d’ammoniac.

Les nombreuses activités enzymatiques de Y. lipolytica peuvent jouer un rôle important dans les caractéristiques organoleptiques de ces fromages, grâce à la production de composés d'arôme et/ou de leurs précurseurs (Roostita & Fleet, 1996b; Corsetti et al., 2001). L’ajout de

Yarrowia lipolytica lors de la fabrication de fromages italiens a révélé que les qualités

organoleptiques fromagères varient selon la souche utilisée (Lanciotti et al., 2005). D’autre part, il a été observé que cette levure s’implante très bien dans l’écosystème fromager, sans effet négatif sur les bactéries lactiques (Lanciotti et al., 2005). Les fortes activités protéolytiques et lipolytiques de Y. lipolytica en font une levure technologique intéressante, mais la rendent difficile à maîtriser. Par conséquent, son ensemencement volontaire dans le lait est peu pratiqué, celle-ci étant généralement apportée par l’environnement.

Genre Geotrichum

La morphologie des Geotrichum est très différente de celle des autres levures hémiascomycètes. En effet, Geotrichum candidum a longtemps été classé parmi les champignons filamenteux à cause de sa capacité à former des hyphes mycéliens. Le séquençage du génome de cette levure permettrait entre autres de la situer dans la phylogénie des levures hémiascomycètes déjà séquencées (Figure 1) et de faciliter son étude.

G. candidum n’assimile pas le lactose, mais joue un rôle important dans la désacidification

du fromage en consommant l’acide lactique et en produisant de l’ammoniac par la dégradation des acides aminés (Soulignac, 1995; Mounier et al., 2008). G. candidum est l’un des micro-organismes d’affinage les plus sensibles au sel (Gueguen & Schmidt, 1992). Par conséquent, le saumurage des fromages à pâte molles à croûte lavée permet de contrôler la croissance de Geotrichum candidum et donc d’éviter « l’accident gras » (croûte en « peau de crapaud » qui se désolidarise du fromage) (Lenoir et al., 1985). G. candidum possède un matériel enzymatique (lipases, protéases) intra- et extra- cellulaire lui permettant de produire d’importants composés d’arôme ou leurs précurseurs. L’étude des enzymes protéolytiques de 30 souches fromagères de G. candidum, a permis de distinguer deux groupes selon leur activité protéolytique extracellulaire. Il a été mis en évidence que le groupe présentant une forte activité protéolytique extracellulaire se composait majoritairement de souches isolées de fromages à pâte molle (Gueguen & Lenoir, 1975).

Cette espèce est particulièrement intéressante pour la fabrication de fromages à partir de lait pasteurisé. En effet, son développement conduit à la génération de propriétés sensorielles analogues à celles de fromages au lait cru (Boutrou & Guéguen, 2005).