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II. La vision de la souffrance au travail par le médecin généraliste

3. Leur définition de la souffrance au travail

▪ La plupart des médecins attribuent la souffrance au travail à une souffrance psychique MG1 « Une souffrance psychique souvent. »

MG8 « Il y a le côté psychologique/psychiatrique avec les répercussions au niveau… Enfin sur la clinique, sur l’anxiété. »

54 ▪ Ce qui n’exclut pas une souffrance physique

MG2 « Que ce soit des maux physiques ou moraux, avec des burn out. »

MG8 « Je pense qu’il y a deux tableaux : le tableau dont on parle beaucoup dans la souffrance au travail… Mais il ne faut pas oublier le côté physique. Effectivement il y a le travail qui impacte sur beaucoup de maladies quand même, anatomiques on va dire. »

▪ Cette souffrance tient à la fois au travail et aux capacités du travailleur

MG3 « Il existe une définition de l’OMS sur la souffrance au travail : "C’est une demande inappropriée par rapport aux capacités de l’employé pour effectuer sa tâche." »

MG9 « Les conséquences physiques et psychologiques, enfin en consultation de médecine générale, de conditions difficiles, physiques ou psychologiques d’ailleurs, au travail. »

▪ Et elle implique donc une intervention non médicale

MG3 « Alors là, on n’est plus dans le médical. » ; MG5 « Sur le plan administratif. » b. Un retentissement clinique varié décrit par les médecins ▪ L’anxiété

MG1 « Anxieux. » ; MG7 « J’ai des troubles anxieux. » ; MG8 « Un petit peu d’anxiété réactionnelle. » ▪ L’anhédonie

MG8 « Il ne faisait plus du tout d’activité de loisirs. Il allait à peine voir sa famille. Il restait tout seul chez lui. »

▪ Les pleurs

MG2 « Il y en a qui pleurent directement en rentrant dans le bureau, en disant : "Ça ne va pas". » MG4 « Ils pleurent dans tes bras. Ça, ça arrive souvent. Ils arrivent en pleurant. »

▪ Des troubles du sommeil

MG3 « Ils sont très fatigués puisqu’il y a des insomnies et ils ne sont plus du tout en capacité de réfléchir et de résoudre les problèmes même s’il n’y a pas de véritable syndrome dépressif. »

MG8 « Il avait du mal à trouver le sommeil car il réfléchissait à ce qu’il avait fait dans la journée. » ; « Des troubles du sommeil, en tout cas de l’endormissement, liés à l’anxiété. »

▪ Une anorexie

55 ▪ L’asthénie

MG5 « Une asthénie profonde » ; MG8 « La fatigue morale » ; « Grande fatigue qui lui faisait se coucher tôt. »

▪ Des troubles cardiaques

MG5 « Une patiente qui a fait un tako tsubo, une myocardite de stress. » ; « Palpitations » ▪ Des douleurs physiques

MG8 « Quand il y a des douleurs au niveau rachidien, il y a souvent aussi des tensions ou des choses à lever au niveau psychologique. »

▪ Qui peuvent déboucher sur un syndrome dépressif MG1 « On vient souvent dans la dépression et autre chose. »

MG6 « Il y avait déjà un terrain fragile, mais ça a tourné en dépression chronique sévère. »

MG8 « Il y avait un syndrome dépressif un peu sous-jacent par le fait qu’il n’avait plus aucune activité à côté. »

c. Des symptômes qu’ils mettent en lien avec le travail

Les médecins généralistes évoquent des situations qui révèlent la présence de facteurs de risques ou de risques psychosociaux dans le travail.

▪ L’intensité du travail et le temps de travail

- La surcharge du travail revient dans tous les entretiens. Les médecins l’assimilent à un changement sociétal :

MG2 « Mon infirmière libérale c’est plus le quotidien, les patients. Enfin une lourdeur un peu du travail en général. » ; « On demande de faire trop de chose en moins de temps, plus qu’avant en moins de temps. » MG2 « C’est le changement de politique au sein de l’entreprise, en augmentant la charge de travail, qui l’a fait basculer et maintenant elle n’en peut plus. » ; « On lui a fusionné deux portefeuilles ensemble de personnes à gérer. Et en fait c’est impossible quoi. Ils ont aussi une succession de mails à devoir traiter dans la journée vraiment non-stop. »

MG6 « On sait très bien que dans des métiers comme la restauration, le bâtiment, la banque, il y a souvent un surplus de travail demandé par l’employeur. »

MG8 « Finalement la charge au travail, qu’elle soit en usine, en paramédical ou quoi que ce soit, les gens n’ont pas l’air de la prendre trop en compte… Ça vient quand même en deuxième. »

56 - La pression hiérarchique

MG2 « En général j’ai l’impression que c’est beaucoup de choses aussi liées à la hiérarchie. C’est beaucoup de pression venant de la hiérarchie la plupart du temps. »

MG8 « Il était vraiment un peu fliqué par son patron. »

- Les risques physiques du travail, dont l’exposition aux toxiques, qui peuvent être responsables des troubles musculo squelettiques

MG5 « D’autres cas c’est parce que physiquement c’est dur. »

MG7 « Ici c’est très populaire, tu le sais. Le nombre de types qui ont des accidents du travail qui se cassent… Enfin c’est complètement dingue quoi. Il y en a un, il tombe de l’échafaudage. »

MG8 « Et puis la souffrance elle peut être physique aussi, avec tous les troubles musculo squelettiques qui sont maintenant bien reconnus. Et même d’autres choses : des expositions a des produits toxiques ou autre. »

▪ Le manque d’autonomie

- Impression d’inutilité et de non reconnaissance du travail

MG1 « Il y a même des gens (…) Qui ne savent pas quel est leur rôle dans une entreprise. Il y en a qui sont désœuvrés à cause de ça. Ils ne savent pas pourquoi ils bossent. Il y en a, ils te disent : "On te demande de faire ci, ça, mais derrière j’ai jamais de retour. " Et ils sont malheureux à cause de ça. Il y en a pas mal. » MG8 « Il n’avait pas pris en compte son sacrifice sur les horaires et sa motivation pour le travail. Parce qu’il paraissait quand même content de ce qu’il faisait dans cette entreprise. Mais pas de reconnaissance au niveau salarial parce que ses horaires supplémentaires n’étaient pas rémunérés. Et c’est ça qui créait le syndrome de souffrance au travail, pas tant la charge. »

▪ Les conflits de valeur et la qualité empêchée qui entraînerait un problème d’épanouissement

MG1 « Quand on me parle de souffrance au travail je pense plus à des gens qui ne sont pas épanouis, malheureux dans leur travail, plutôt qu’à quelqu’un qui se blesse, quelqu’un qui se fait mal. Je pense que c’est surtout un problème d’épanouissement personnel. »

▪ L’insécurité de la situation de travail avec la modification des postes de travail

MG9 « Je pense à toutes mes aides-soignantes dans les EPHAD. C’est pas pour ça qu’elle a fait son boulot. (…) Donc oui c’est pas pour passer cinq minutes avec les mamies, c’est pas pour qu’on la speed tout le temps. Donc oui elle c’est une vraie souffrance au boulot. »

57 ▪ Un stress lié à une pression personnelle

MG5 « A la hauteur de l’exigence qu’elle se mettait sur son poste de travail. » ▪ Les violences internes

- Conflit avec l’employeur et les collègues, les problèmes relationnels

MG4 « Donc la souffrance au travail elle vient d’un conflit avec un chef qui ne veut pas une rupture conventionnelle. »

MG8 « Après quand il y a vraiment que le travail qui est cause de souffrance et qu’il n’y a rien d’autre dans la vie du malade, la plupart du temps c’est quand même des problèmes relationnels. »

- Harcèlement moral

MG2 « Après il y a aussi le harcèlement moral, que ce soit d’un collègue en particulier ou de la hiérarchie. » MG5 « Ou bien il y a réellement un phénomène où on sent en tout cas un phénomène de harcèlement. »

▪ Violence externe

MG6 « (…) qui travaille dans la banque, qui a eu deux agressions déjà de client. »

d. Mais qui provoquent un questionnement chez les médecins généralistes Les médecins rattachent bien les symptômes ci-dessus à la souffrance au travail, mais n’excluent pas d’autres causes.

▪ Certains relatent l’imputabilité d’une souffrance psychique uniquement au travail MG2 « Ils arrivent pour la plupart dans l’ensemble à déterminer que c’est le travail qui les fait souffrir et pour lequel ils ne sont pas bien parce que bah en reprenant le reste, le reste va bien. »

MG8 « J’ai abordé voir s’il n’y avait pas de problème personnel, couple, famille, décès ou grande maladie dans la famille. Pour le coup il n’y avait rien du tout. Et on aborde le travail. Et c’est là où… Enfin lui ne me l’a pas dit spontanément. C’est vraiment en creusant qu’il a commencé à me dire qu’il y avait des soucis au travail. »

▪ D’autres soulignent un lien avec la personnalité du patient

MG1 « Alors sauf si c’est un problème de personnalité. Si c’est une personne avec une personnalité vraiment très compliquée, là tu peux lui suggérer de peut-être travailler sur ça. Et peut-être que ça améliorera son relationnel au travail. »

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▪ Mais aussi une souffrance dans la vie personnelle associée

MG3 « J’essaie d’être un peu plus complet, de sortir du travail. Souvent il n’y a pas que ça. »

MG9 « Ça peut être plurifactoriel. Et tu ne sais pas si la personne elle ne divorce pas en même temps, si son conjoint n’a pas un cancer, si son gosse ne s’est pas suicidé. Enfin on ne peut pas le lier au travail. »

MG8 « C’est quand même beaucoup lié à des facteurs extérieurs au travail. C’est-à-dire que souvent ça ne va plus avec le conjoint, c’est compliqué avec les enfants, ou il y a eu un décès récemment dans la famille. »

▪ Ou une pathologie psychiatrique sous-jacente

MG1 « Je ne comprends même pas qu’on puisse en arriver là. A moins d’avoir vraiment un énorme trouble psychiatrique qui fait que tu es incapable de travailler. Mais dans ce cas-là, ça n’est pas le travail qui est la cause c’est la pathologie… »

MG7 « Sauf si ce sont des personnes qui sont déjà traitées. Mais pour moi à ce moment-là c’est plus problématique de souffrance au travail. Enfin c’est un peu raccourci de dire ça. Mais s’il y a des troubles psychiques antérieurs, c’est pas le même contexte. Il faut recontextualiser dans le trouble psychique de la personne. »