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LES VITRAUX DE L'ÉGLISE DES CARMÉLITES DE BOPPAR

Les verrières de l'église des Carmélites de Boppard constituent un point de comparaison stylistique important, notamment la fenêtre de l'Arbre de Jessé où l'on relève à nouveau des fonds damassés à motifs de Federranken ; ainsi que la fenêtre du Trône de Salomon pour ses architectures. Les personnages sont d'un style peut-être plus exagéré mais tout de même proche. Les verrières de Boppard semblent être l'œuvre de deux ateliers différents – peut-être dirigés par un unique maître verrier – issus des grands foyers du Rhin supérieur que sont Strasbourg et Bâle33. Les

vitraux étaient à l'origine disposés dans les sept baies de la nef nord de l'église, partie construite entre 1439 et 144434. La verrière de l'Arbre de Jessé, datée de 144435, dont les panneaux sont

partiellement conservés au Metropolitan Museum of Art de New York, aurait occupé la baie nord IX36. Jane Hayward souligne l'originalité de la disposition des panneaux : en bas, les donateurs, puis

le personnage de Jessé étalé horizontalement sur trois panneaux, la lancette centrale comporte ensuite les scènes de la Vie de la Vierge (naissance de Marie, Annonciation, Visitation, Nativité) et les lancettes de gauche et de droite représentent le cycle de la Passion et de la Résurrection du Christ (à gauche Agonie, Comparution devant Pilate, Couronnement d'épines, Portement de croix, Saintes femmes, puis à droite de haut en bas, Descente de croix, Mise au tombeau, Résurrection, Apparition à saint Pierre)37. D'autre part, les scènes de la Vie du Christ sont agrémentées d'un fond

damassé bleu tandis que les scènes de la Vie de la Vierge sont ornées d'un fond rouge38. Le panneau

de la Vierge à l'Enfant trônant, un des deux panneaux conservés de la fenêtre de Salomon, est quant à lui situé entre 1440 et 1446 et se trouve au Hessisches Landesmuseum de Darmstadt [Fig. 158]39.

Jane Hayward observe enfin des similitudes stylistiques entre les vitraux de Boppard et de Partenheim : « the figures painted by this master are short and stocky with heavy, expressive facial features and lively gestures similar to those found in all of the contemporary Upper Rhenish examples and also to those of the master from Mainz who worked at Partenheim. »40.

La fenêtre de l'Arbre de Jessé se caractérise donc par des fonds damassés à motifs de Federranken bleus et rouges. Les tiges des plumes sont assez fines mais les plumes sont épaisses et s'achèvent en volutes. Le tout est délimité par un cadre bleu épais, duquel le lavis a donc été effacé, un cadre noir et un fin trait bleu comme dans nos panneaux. Dans la scène de la Visitation, le fond damassé rouge est entrecoupé de fleurs. Les fonds prennent parfois une place plus grande que dans

33 HAYWARD, 1969, p. 107 34 HAYWARD, 1969, p. 79-81 35 HAYWARD, 1969, p. 86 36 HAYWARD, 1969, p. 93 37 HAYWARD, 1969, p. 96-97 et fig. 25 p. 97 38 HAYWARD, 1969, p. 95-96 39 HAYWARD, 1969, fig. 20 p. 93 et p. 104-105 40 HAYWARD, 1969, p. 107

nos panneaux (par exemple dans la Déposition), ils sont divisés en plusieurs morceaux séparés par des plombs. Le style des personnages de la verrière peut se définir par des carnations pâles et roses, des traits simples et ronds, notamment les yeux, très expressifs, tombant de tristesse ou bien grand ouverts. Les vêtements et les décors sont riches de couleurs vives et les plis sont globalement linéaires. Bien que les yeux soient entièrement différents, on peut mettre en parallèle les visages de la Vierge de la Visitation avec ceux de la Vierge de l'Annonciation et de sainte Dorothée, inclinés de la même façon, à l'air doux, souriant à peine, la bouche marquée par un trait noir puis un plus petit trait au-dessous pour la lèvre inférieure [Fig. 161 à 163]. Les traînes des manteaux de la Vierge de la Visitation et de la Vierge de l'Annonciation sont assez similaires et s'achèvent en légers plis cassés sur le sol.

La Vierge à l'Enfant est assise sur un trône doré sous un dais architecturé soutenu par deux structures de chaque côté du personnage. Elle ressort sur un riche fond damassé à motifs de carreaux remplis de plumes rouges séparés par des bandes bleues. Marie tient de son bras gauche l'Enfant Jésus, nu, debout sur les jambes de sa mère. Il tente d'attraper les lys qu'elle tient dans sa main droite. Tous deux sont nimbés et Marie est somptueusement vêtue d'une robe rouge bordeaux et d'un manteau bleu aux plis élégants. Elle porte une haute couronne dorée sur son voile blanc et sa chevelure blonde. Sa carnation est rose tandis que celle de l'Enfant Jésus est blanche. L'architecture comporte des similitudes avec les dais et les structures qui se trouvent dans l'Annonciation. Le dais architecturé au-dessus de la Vierge est de facture proche : en grisaille, il est composé d'une frise de feuilles d'acanthe dentelées dans la partie supérieure du dais comme on la trouve au-dessus de l'ange et de la Vierge, à la différence que le dais est concave dans la scène de la Vierge à l'Enfant tandis qu'il est convexe dans l'Annonciation. La partie inférieure du dais est composée de fleurs trilobées, que l'on retrouve également dorées autour du trône de la Vierge dans le panneau de Darmstadt et dans la partie supérieure du XIXème siècle de l'Annonciation.

De plus, la représentation de l'Enfant Jésus est proche du petit enfant à côté de sainte Dorothée [Fig. 159 et 160]. En effet, tous deux sont d'abord nus et debout, tous deux proportionnellement très petits par rapport aux personnages féminins et représentés de trois quarts vers la gauche. Ils sont de carnation assez pâle – beaucoup plus blanche dans le panneau de Sainte Dorothée – et esquissent tous les deux un geste vers la gauche, l'un soutenant le panier de sainte Dorothée, l'autre tentant d'attraper les lys de la Vierge. La ressemblance la plus frappante est celle des visages des deux enfants. Les visages des personnages de Boppard ont certes les yeux beaucoup plus ronds et grands, caractérisés également par une mise en valeur de la pupille noire séparée de l'iris blanc cerné d'un trait noir, que l'on retrouve uniquement dans le visage de saint Bernard. Néanmoins, les deux enfants lèvent la tête en un même mouvement, ils sont coiffés d'une chevelure

bouclée identique, leurs traits sont proches. La ligne du nez est en effet la prolongation du sourcil droit des enfants, la bouche est marquée par un trait horizontal noir renforcé par une autre marque inférieure. Les plis du menton propres à un petit enfant ressortent grâce à plusieurs courbes noires mettant en valeur l'épaisseur de la chair.

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