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VERS LA COEVOLUTION DES ARCHITECTURES DES DOMAINES COUPLES

3. L’exploration des incertitudes

3.1. Les typologies références

3.1.1. Le management de l’incertitude selon Chapman et Ward

Chapman et Ward [2003] présentent le management de l’incertitude comme une approche qui a été initialement introduit pour donner un contrepoids à la gestion des risques en introduisant la possibilité de considérer les aléas comme une opportunité. Cependant, ces chercheurs affirment que le mana gement de l’incertitude a dépassé le cadre de cette opposition entre les menaces et les opportunités pour s’intéresser aussi aux sources des incertitudes, avant d’établir un plan d’action, pour les gérer et les classer en désirables ou non.

Dans ce cadre, l’incertitude définie par Chapman et Ward (et telle que nous l’utiliserons) s’apparente à une absence (ou un manque) d’informations autour de l’entreprise et plus précisément, dans les outils, modèles et données qui caractérisent l’entreprise et son fonctionnement. Toutefois, la typologie que proposent ces auteurs est beaucoup plus managériale et moins formelle que celle que nous visons, elle se résume comme suit :

• Incertitude sur la conception et la logistique : la nature des livrables en conception et

des processus qui les créent est un aspect fondamental de l’incertitude dans le projet. En principe, une grande part de cette incertitude est éliminée dans les stades amonts du cycle de vie du produit en spécifiant ce qui doit être fait, quand, comment, par qui et à quel prix. En pratique, une part appréciable de l’incertitude du projet persiste tout au long du cycle de vie du produit.

• Incertitude sur les relations fondamentales : la multiplication des acteurs humains et des

types d’entités organisationnelles (internes ou externes à l’entreprise) impliqués dans le projet forment une réelle source d’incertitude dans l’entreprise. Les relations entre ces différentes parties peuvent être complexes et ne pas utiliser des canaux formels. L’implication de plusieurs parties dans un projet introduit de l’incertitude (par ambigüité) autour des rôles et des responsabilités ainsi que sur les interactions formelles entre ces parties.

• Incertitude autour des objectifs et des priorités : avoir comme objectif l’amélioration de la performance du projet présuppose d’avoir une vision claire des objectifs du projet et des concessions à faire entre les objectifs et les contraintes. Essayer de gérer un projet quand cette vision manque est comme essayer de bâtir une tour sur du sable mou.

• Variabilité : la caractérisation des paramètres de projet est une source réelle

d’incertitude. Par exemple, il est possible d’ignorer quelles ressources et quelle durée sont nécessaires pour l’accomplissement d’une tâche. Cette incertitude est souve nt liée à un manque d’information ou de l’imprécision, plutôt que liée à une méconnaissance des risques et des aléas qui peuvent toucher le projet.

• Incertitude autour de la base des estimations : un champ important des incertitudes sont

les bases des estimations produites par les différentes parties du projet. Par exemple, il est souvent nécessaire de se baser sur des évaluations subjectives et des probabilités en absence de données statistiques appropriées qui permettent de déterminer "objectivement" les probabilités. L’incertitude au sujet de la base des évaluations peut dépendre de plusieurs facteurs méconnus ou inconnus : qui les a produites, sous quelles formes, pourquoi, comment et quand ont-elles été produites, à l’aide de quelles ressources ou sur la base de quelles expériences ?

• Incertitude associée à la nature conditionnelle des estimations. Les estimations produites

dans le cadre d’un projet sont toutes contraintes par des hypothèses et elles ne sont vraies ou justes que dans le cadre de ces hypothèses. Une source particulièrement importante d’incertitudes sur les estimations est liée à la non vérification et la non validation des hypothèses.

3.1.2. La typologie d’incertitude selon Loch, Pich et De Meyer

Un projet est communément vu comme l’agencement d’activités parallèles et séquentielles qui permettent de créer de la valeur [Morris et al., 1987], [Meridith et al., 1995]. Loch et ses coauteurs [Loch et al., 2000] conceptualisent le projet non comme un ensemble de tâches à réaliser, mais comme un ensemble de facteurs qui influent sur la création de valeur.

Ils définissent la valeur créée par Π, qui est une fonction de N paramètres w caractérisant i

l’entreprise et les projets qu’elle développe :

(w

w

)

N ,..., 1 Π = Π .

Les auteurs affirment que la plus-value du projet ne peut être prédite avec certitude, puisqu’il

faut caractériser un à un les paramètres w à qui on associe un domaine de définitioni D . Les i

sources d’incertitudes identifiés par les auteurs et liées à la caractérisation deΠ sont au

3.1.2.1. La complexité

Si on considère que les paramètres w sont directement déterminés par les responsables de i

l’entreprise. Ces paramètres peuvent être interdépendants et l’influence de cette

interdépendance sur Π peut échapper à ces responsables. Plus les couplages sont nombreux,

plus la complexité du modèle est grande. Ainsi, l’incertitude par complexité est liée à ces

couplages entre paramètres. S’il y a incertitude par complexité surΠ alors les responsables

sont incapables de spécifier tous les couplages entre les paramètres w impliquées dans la i

caractérisation de Π.

3.1.2.2. La variabilité

Certains paramètres déterminantΠpeuvent ne pas être accessibles individuellement un par un

et ce par manque de moyens (coût important) ou par incapacité technique. Par contre, il est possible d’avoir accès à l’effet global de ces paramètres par une fonction de distribution F. les

auteurs proposent alors de transformer Π en une fonction de distribution en fonction de F.

L’incertitude par variabilité peut alors être estimée en calculant la variance deΠ.

3.1.2.3. Les risques

Cette situation est caractérisée par l’existence de certains paramètres sous la forme de variables aléatoires. Les auteurs utilisent des mesures de probabilité pour chacun de ces paramètres et proposent d’estimer le risque introduit par ces variables en utilisant la variance

de Π.

3.1.2.4. L’ambiguïté

L’équipe projet peut occulter (ou ne pas connaître) l’existence de certains paramètres. On

considère

(w

L+M+1,...,

w

N

)

ces paramètres. Selon toute logique, l’équipe ignore l’impact de ces

paramètres sur la valeur du projet, ce qui revient à leur donner une valeur par défaut dans le modèle réel.

En effet, si on considère que l’expression utilisée de Πest 2

Z Y X − −

=

Π . Cependant

l’expression réelle est Π=XW*YZ2. Dans ce cas, implicitement et en ignorant

l’existence de W, les responsables du projet utilisent inconsciemment le modèle réel avec W toujours égale à 1. Alors que dans la réalité W peut prendre une autre valeur que 1.

Une estimation de l’influence de l’incertitude par ambigüité sur Π est réalisée en calculant

l’amplitude des écarts sur les valeurs observées de Π.

Par définition même l’incertitude par ambigüité ne peut être anticipée puisqu’elle résulte de la non connaissance de l’existence de ces paramètres. Dans ce cas là, il est seulement possible de l’explorer au cours du projet en identifiant de nouveaux paramètres.

3.1.2.5. Le chaos

Supposons que les paramètres

(w

w

)

N M

L+ +1,..., sont interdépendants par une fonction

(

)

c

h

w

L+M+1,...,

w

N = . Le projet est chaotique dans le sens où un changement minime dans un

paramètre peut causer une complète réévaluation de tous les paramètres [Cohen et al., 1994].

Dans cette situation, il n’est pas possible d’estimer la valeur Πdu projet.

3.1.2.6. Récapitulatif

Le tableau V-1 résume la typologie adoptée par Loch, Pich et De Meyer, on y fait référence aux outils de représentation utilisés dans l’entreprise tels que les graphes et les arbres de décision et les méthodes telles que PERT et GERT.

Représentation Type Structure

Complexité           = N w w K 1 ω connu Variabilité

(w

1,...,

w

L

)

ne sont pas

individuellement connus : seulement leur influence collective peut être

estimée par une fonction de distribution

Risques

(w

L,...,

w

L+M

)

sont des variables

aléatoires.

Ambiguïté

L’équipe projet n’est pas consciente de l’existence de

(w

w

)

N M

L+ +1,..., . Le

projet est basé sur des paramètres par défaut

(

* ,..., *

)

1 w w L+M+ N Chaos Les paramètres

(w

w

)

N M L+ +1,...,

Sont interdépendant. Leur influence sur la valeur du projet ne peut pas être évaluée et leur influence ne peut

être étudiée un par un.

Cette typologie en cinq points se montre efficace pour une modélisation mathématique du projet basée sur les paramètres et attributs qui caractérisent tout élément impliqué dans le projet.

3.1.3. Analyse des typologies de référence

Il est facile de remarquer que les deux typologies que nous avons référencées reflètent deux niveaux de pilotage des projets en entreprise. La première typologie se situe à un niveau managérial et procédural tandis que la deuxième est beaucoup plus opérationnelle.

D’après la typologie de Chapman et Ward (Chapman et al. 2003), l’incertitude peut être issue de :

• La variabilité liée au choix de la valeur à attribuer aux paramètres ou informations

traités ;

• L’ambiguïté liée au sens et à l’utilisation du paramètre ou de l’information.

La typologie de Loch, Pich et De Meyer [Loch et al., 2000 ; Pich et al., 2002] nous la résumons comme suit :

• L’incertitude par ambigüité caractérise l’utilisation d’un modèle qui ne prend pas en

compte tous les paramètres ou toutes les entités. L’ambigüité dans son sens littéral provient alors des singularités qui peuvent avoir lieu sans qu’elles puissent être expliquées par le modèle tronqué.

• La complexité et le chaos sont liés à la difficulté de construire des modèles fidèles

lorsque le nombre d’éléments ou le nombre d’interactions devient très grand.

• La variabilité et les risques sont liés à la variabilité des éléments qui caractérisent le

modèle.

Dans notre cas, nous recherchons une typologie qui se situe entre les deux typologies de référence, une typologie qui puisse être utilisée dans les phases amont des projets de conception après que les décisions managériales aient été prises au niveau de l’entreprise et avant qu’on ait une connaissance approfondie de tous les paramètres caractérisant le projet.