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DE L’ARCHITECTURE DU PRODUIT A L’ARCHITECTURE DE L’ORGANISATION DU

3. Architecture du produit et conception modulaire

3.7. Les méthodes de modularisation du produit

3.7.1. Introduction

Les outils d’aide à l’identification des modules dans un produit sont peu nombreux dans la littérature de l’ingénierie de la conception. Parmi elles, trois méthodes sont fréquemment référencées :

• Méthode heuristique pour l’architecture des fonctions,

• Méthode MFD (Modular Function Deployment),

• Méthode de “clustering” d’une matrice structurelle de conception (en anglais DSM pour

Design Structure Matrix).

Une étude comparative de ces trois méthodes a été réalisée par Holtta et Salonen [2003]. Pour notre part, dans cette partie, nous ne présenterons que les deux premières méthodes. La

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troisième étant celle que nous avons utilisée dans ce travail, elle sera traitée en détail dans le chapitre III.

Il est à noter que d’autres techniques, telles que la méthode de Hatley/Pirbhai [Zakarian et Rushton, 2001] et les graphes d’interaction [Kusiak et Huang, 1996], ont été également employées pour la conception de produits modulaires. Les travaux de Messac et al. [2002] ont utilisé des techniques de programmation pour formuler une fonction de pénalité pour une famille de produits. Siddique et Rosen [1999] ont proposé une approche de grammaire de graphes pour identifier la ressemblance dans une famille des produits et d’autres ont également utilisé des Algorithmes Génétiques (AG) [D’Souza et Simpson, 2003] pour rechercher les modules communs d’une plateforme.

Il est important de préciser que toutes ces méthodes sont susceptibles d’avoir comme résultats des architectures modulaires non-optimales et non- uniques. De plus, certaines méthodes sont liées à la définition de l’architecture du produit comme étant l’allocation des fonctions aux composants.

3.7.2. Méthode des heuristique s pour l’architecture des fonctions

Avant de présenter cette méthode, nous allons définir succinctement ce qu’est une heuristique. Une heuristique est une démarche (ou un algorithme) de résolution de problème, connue pour fournir un résultat proche de l’optimum (une « bonne solution »). La décision de proposer à l’utilisateur un choix parmi plusieurs bonnes solutions à la place d’un optimum illusoire est à conseiller, surtout lorsque les critères à optimiser sont multiples et mal explicités. Les heuristiques formalisent souvent l’utilisation de règles empiriques, tirées de l’expérience, du bon sens ou d’analogies. Comparées à un algorithme optimal, elles présentent l’avantage d’être plus facilement exploitables et compréhensibles par les utilisateurs qui peuvent alors mieux s’approprier les résultats proposés. Les heuristiques trouvent leur place dans les problèmes complexes qui nécessitent l’exploration d’un grand nombre de solutions possibles, car elles permettent d’atteindre rapidement des solutions qui ont le plus de chances de donner une réponse satisfaisante.

La méthode des heuristiques pour générer l’architecture des fonctions a été développée initialement par Stone et al., [1998, 2000]. Elle est basée sur trois heuristiques séparées qui permettent d’identifier les modules d’un produit. Son point de départ est la décomposition fonctionnelle développée par Pahl et Beitz [1996]. Elle est née d’observations d’un engin de maintenance. Un ensemble de fonctions de ce produit interagit par des flux d’information pour former des modules physiques. Ces observations se résument comme suit :

1- un flux peut traverser un produit en restant inchangé : ce sont les flux dominants. 2- un flux peut se ramifier pour former des chaînes de fonctions indépendantes.

3- un flux peut être converti en un autre.

Ces observations ont conduit Stone et ses coauteurs [1998, 2000] à la formulation de trois heuristiques :

• Heuristique des flux dominants : elle examine les flux à travers une arborescence

fonctionnelle, elle suit les flux jusqu’à ce qu’ils sortent du système ou subissent une transformation. Elle conclut à : s’il existe un ensemble de fonctions à travers lesquelles un flux passe jusqu’à la sortie ou la transformation, alors ces fonctions forment un module.

• Heuristique des flux ramifiés : elle examine les flux diverge nts ou convergents issus de

chaînes de fonctions parallèles. Chacune de ces chaînes peut devenir un module dont l’interface correspond au point de branchement de la chaîne.

• Heuristique du module de conversion-transmission : elle examine les flux convertis. Ces

flux sont convertis au niveau de certaines fonctions. On considère alors ces fonctions comme étant des modules à elles seules. Si dans une même chaîne de fonctions il y a plusieurs fonctions de conversion ou de transmission, alors ces fonctions délimitent un module de conversion-transmission.

Zamirowski et Otto [1999] proposent trois heuristiques additionnelles pour identifier les fonctions partagées dans un produit unique ou dans une famille de produit et les fonctions uniques propres à un produit donné. Ainsi, les fonctions qui partagent des flux similaires ou qui apparaissent plusieurs fois peuvent être regroupées pour former un unique module. Les fonctions uniques sont celles spécifiques à un seul produit, elles peuvent être regroupées pour former un module.

Nous remarquons que les principaux critères de modularisation sont fonctionnels et indépendants de l’architecture physique du produit. Cette méthode est présentée comme étant idéale pour la conception de famille de produits [Holtta et Salonen, 2003] mais elle présente le défaut d’être dépendante de l’interprétation et de la décision humaine. Cette méthode ne peut pas être automatisée et de ce fait ne peut être appliquée sur des produits complexes [Otto et Wood, 2001]. Pour des présentations plus approfondies de cette méthode et surtout de la démarche de mise en œuvre, nous conseillons la lecture des travaux de Dahmus et al. [2000], Otto et Wood [2001] et Holtta et Salonen [2003].

3.7.3. Méthode MFD

La méthode MFD (Modular Function Deployment) est une méthode de modularisation plus orientée management qu’ingénierie. Elle a été développée par Erixon [Erixon, 1996 ; Ericsson et Erixon, 1999]. Cette méthode est aussi basée sur la décomposition fonctionnelle et elle est dédiée à la modularisation d’un produit unique.

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La méthode MFD est basée initialement sur 12 « pilotes de modularité », ce nombre monte jusqu’à 23 avec Blackenfelt [2001]. Le tableau I-1 présente et explique les 12 pilotes initiaux.

Reconduction Une partie du produit peut être réutilisée et reconduite dans plusieurs produits.

Evolution technologique

Les pièces sont susceptibles de subir des changements en raison des demandes de clients ou des innovations technologiques. Il est important de pouvoir adapter les interfaces de sorte que la nouvelle technologie puisse être introduite sans remettre en cause l’ensemble du produit.

Développement du produit

Modifications

planifiées L’entreprise a l’intention de développer et de changer certaines parties du produit. Spécifications

variables

Pour prendre en compte la personnalisation des produits efficacement, un concepteur devrait tâcher d’assigner toutes les variations à un petit nombre de composants.

Variabilité

Style Les modules de style contiennent les composants qui peuvent être altérées pour créer des variations du produit.

Unité en commun Les composants et fonctions en commun entre plusieurs produits permettent le partage d’une unité de production. Production

Processus et/ ou

organisation Des pièces exigeant le même processus de production sont groupées ensemble. Qualité Essais séparés La possibilité de tester séparément chaque module avant la livraison à

l’assemblage final peut contribuer à l’amélioration de la qualité. Achats Disponibilité des

fournisseurs Modules standard d’achat disponibles chez les fournisseurs externes. Service et

maintenance

Les composants nécessitant une maintenance peuvent être groupés ensemble pour former un module qui facilite les opérations de remplacement et de réparation. Amélioration Il faut donner aux clients la possibilité de faire évoluer leur produit.

Après-vente

Recyclage Le nombre de matériaux dans chaque module devrait être limité. Les matériaux facilement recyclables peuvent former un module séparé.

Tableau I-1. Les pilotes de la modularité dans la méthode MFD

Dans sa stratégie de développement de produits modulaires, une entreprise peut utiliser un ou plusieurs des pilotes présentés dans le tableau I-1. Elle applique ensuite la démarche de MFD qui comprend cinq étapes :

1- Clarifier la spécification du produit en utilisant une matrice QFD [Akao, 1990] avec les pilotes de modularité qui remplacent les besoins des clients.

2- Analyser les fonctions et sélectionner les solutions techniques.

3- Identifier les modules possibles en utilisant la matrice MIM (Module Indication Matrix)

4- Evaluer les concepts en testant les interfaces entre les modules. 5- Améliorer chaque module.

L’identification des modules de la méthode MFD se fait en classant les fonctions selon un score croissant. Les fonctions participant à un même pilote de modularité sont candidates pour

former un module. Blackenfelt [2000] propose un rapprochement entre la méthode MFD et l’outil DSM, que nous décrirons ultérieurement.

La méthode MFD présente l’avantage de laisser le choix aux ingénieurs de définir les stratégies de modularisation en jouant sur les pilotes. Ce même avantage est l’un des inconvénients de la méthode qui reste dépendante des ingénieurs dans le choix des modules et de leurs tailles, ceci a pour conséquence de limiter la possibilité d’automatiser la méthode et d’avoir la même architecture d’un utilisateur à un autre (faible reproductibilité).

3.7.4. Besoin d’une autre méthode de modularisation

Les deux méthodes de modularisation présentées ci-dessus montrent certes plusieurs avantages mais aussi certaines limites :

• Elles dépendent des choix des ingénieurs à certains moments de la démarche de

modularisation.

• Elles ne peuvent pas être automatisées et sont difficilement exploitables sur des

exemples complexes où une assistance par un traitement informatique serait souhaitable.

• Elles sont essentiellement adaptées à l’espace fonctionnel.

Ces limites font que, comme d’autres chercheurs, nous opterons pour une autre méthode de modularisation, à savoir la méthode de clustering des matrices DSM. Celle-ci permet à la fois de modéliser les architectures par les DSM et de générer des architectures modulaires « satisfaisantes », à travers l’utilisation d’un algorithme de clustering.