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Les types de changements et de leur caractérisation

CHAPITRE 3 LA DÉTECTION DE DIFFÉRENCE ET DE CHANGEMENT

3.2 Les types de changements et de leur caractérisation

Lorsque nous nous penchons sur la question de la variation de l’occupation et de l’usage du territoire d’une région donnée, nous nous intéressons à des changements qui s’échelonnent sur d’assez longues périodes dans la plupart des contextes d’analyse. Nous pouvons penser à l’étalement urbain, à la désertification ou encore à la conversion de zones agricoles au profit du développement périurbain par exemple.

Il est important de noter que la conversion de l’utilisation du territoire est souvent ce qui nous intéresse dans l’analyse d’images satellitaires, car il est très important pour nous de pouvoir effectuer le suivi de l’évolution de notre environnement pour que nous puissions évaluer l’impact qu’ont nos activités sur notre écosystème.

Ce contexte d’analyse est relié au traitement de données satellitaires dans des travaux de recherche provenant de plusieurs domaines tels que la géographie, l’analyse d’impact environnementale ou l’urbanisme par exemple. Ces contextes d’analyse présupposent une échelle temporelle assez longue pour mener des analyses qui sont typiquement développées analytiquement avant d’être mises en œuvre. Ce contexte nous permet donc de nous abstraire d’une certaine portion de la complexité avec laquelle nous devons composer dans une situation de gestion de catastrophe.

À l’antipode de ce qui précède, nous retrouvons des situations ponctuelles qui sont provoquées par des événements catastrophiques. Dans ce cas de figure, le délai disponible pour réaliser les traitements et les analyses est très court. Ce contexte d’analyse est donc essentiellement une réaction à une situation catastrophique soudaine et imprévisible. Il va de soi qu’ici le principe directeur qui sous-tend les travaux est l’urgence de la situation. Il est donc impératif d’utiliser toutes les sources de données qui sont disponibles pour permettre d’effectuer l’analyse des changements survenus dans la zone affectée. Lors d’une telle situation, l’échelle temporelle est très courte en ce qui concerne le travail à faire.

Les types de changements auxquels nous nous intéressons dans cette situation sont spontanés et n’ont habituellement pas de précurseurs immédiats qui pourraient être des indices des changements à venir. Lorsque nous analysons une région pendant une longue période, à l’aide de STIS par exemple, les tendances de changement peuvent nous aider à prévoir le type de variations qui peut survenir à une classe donnée, ce qui peut, dans certains cas, être modélisable. Lorsque le travail de suivi des changements s’échelonne sur une longue période, ces informations peuvent être utilisées pour contraindre les types de conversions acceptées à des scénarios réalistes. Cette possibilité mime d’une certaine manière certains de nos

mécanismes d’interprétation de l’information visuelle. L’exemple du poteau dans la forêt, mentionné plus tôt, est relié à ceci. Un concept fonctionnel régit ce que nous interpréterons en fonction de ce qui est plausible pour un contexte donné.

Par contre, dans une situation de catastrophe il n’est pas possible de modéliser les tendances de conversion plausibles pour une région et d’arriver à inclure ces informations au processus d’analyse étant donné la conversion d’allégeance spontanée des pixels d’une classe vers une autre.

Nous comprenons que la distinction qui existe entre ces deux contextes temporels a un impact considérable sur la conceptualisation du problème ainsi que sur le choix des techniques qui seront utilisées pour réaliser le traitement des images et aussi sur ce qui sera mis en œuvre pour effectuer la détection, la quantification et le suivi des changements survenus.

À titre d’exemple de ce que ces contextes de résolution impliquent, prenons un cas qui est d’actualité et d’intérêt général, la conversion du territoire agricole comme ce qui est traité dans (Rudorff et al., 2009). Nous assistons depuis quelques années à une forte croissance du prix de certaines denrées alimentaires. Nous savons que ce phénomène est en partie dû au développement de l’agriculture dédiée à la production d’éthanol qui sert à contrer la raréfaction des produits combustibles dérivés du pétrole. À ceci il faut ajouter un autre élément qui contribue à ce phénomène, les conditions météorologiques défavorables qui ont affecté plusieurs pays récemment et qui ont provoqué des pénuries de certains produits alimentaires. Pour nous permettre d’évaluer la contribution de chacun de ces éléments à la croissance du prix des denrées alimentaires, nous pouvons étudier d’une part les taux de conversion de territoires agricoles, qui seront stables d’une année à l’autre et modélisable, et de l’autre, la portion des territoires agricoles qui ont subi des dommages reliés aux conditions météorologiques. Ces derniers ne devraient pas présenter les mêmes caractéristiques d’année en année, car l’impact des conditions météorologiques ne devrait durer qu’une année ou que quelques années au plus.

Cet exemple nous permet de souligner les caractéristiques importantes des changements qui peuvent être analysés en utilisant des images satellitaires. La première est que les changements du type conversion d’utilisation sont progressifs et que leurs tendances peuvent être suivies à relativement longue échelle. Par contre, il n’en est pas de même pour les changements provoqués par des événements ponctuels comme les conditions météorologiques ou les catastrophes naturelles ou autre.

Néanmoins, ces deux types de changements provoqueront des phénomènes similaires, mais à des échelles temporelles bien différentes. Intuitivement, nous pouvons nous attendre à beaucoup de conversion de l’occupation du territoire, car il s’agit du mode principal d’évolution de notre environnement.

Par contre, lorsque nous parlons de catastrophes majeures il y a d’autres types de changements auxquels nous pouvons nous attendre. En fonction d’une région spécifique, il est fort probable que nous soyons en mesure d’identifier et de quantifier des conversions temporaires comme le débordement d’une rivière dans une zone inondée par exemple. Mais encore, il peut arriver que des phénomènes, jusqu’alors inexistants dans une région, apparaissent soudainement comme la désertification de l’est de l’Afrique après l’apparition de la faille du Rift20, ou encore que d’autres classes qui étaient présentes dans une région disparaissent. Après une éruption volcanique d'envergure, il est fort probable qu’il y ait, pour une région donnée, disparition de certains types d’occupation du territoire qui sont à proximité du volcan comme l’agriculture ou des zones résidentielles et apparition d’autres types d’occupation du sol.

La probabilité que ce type d’apparition/disparition de classes se produise est tout de même faible, car la taille des images qui sont utilisées est considérable. Il est donc peu probable que des phénomènes de ce genre affectent toute la région décrite par une image uniformément. Par contre, les effectifs de chaque classe, ici nous parlons du nombre de pixels à l’étude appartenant à une classe, varieront plus ou moins selon l’ampleur du phénomène. Le suivi de

ces variations de peuplement pourra donc être utilisé comme indicateurs de changements potentiels.

Il est important de répéter que pour que nous puissions dire qu’il y ait eu un changement il faut que les données soient liées. Qu’il s’agisse d’une zone géographique, d’un groupe d’intervenants ou encore de la tenue de soirée de madame, tout changement implique qu’il y a eu variation de l’état d’une entité entre deux instances de mesure. Si les données ne sont pas liées, temporellement et géographiquement dans notre cas, il convient d’utiliser différence plutôt que changement.

Nous voyons que c’est de l’analyse des résultats de la classification du contenu conceptuel des images que nous vient la possibilité d’effectuer une comparaison de l’occupation du territoire d’une région donnée. Sans cette classification du contenu des images en classes conceptuellement uniformes et mutuellement exclusives il serait essentiellement impossible de comparer les images en fonction de leur composition sémantique.

Donc, avec seulement les images, dépourvues de la signification que nous associons à leur contenu, nous ne pouvons essentiellement rien faire d’un point de vue analytique et descriptif. Ces images ne sont que des séquences de valeurs numériques qui en soi ne nous offrent rien d’utile si nous ne nous attardons pas à les décortiquer et à classifier leur contenu en classes conceptuellement homogènes. Par contre, une fois la représentation conceptuelle établie, nous pouvons de cette nouvelle représentation réaliser les opérations d’analyse de la variation du contenu conceptuel des images d’une série.

Comme plusieurs combinaisons de données sources peuvent être envisagées pour ce type d’analyse et que chacune d’elles a des particularités qui lui sont propre il faudra en premier lieu reconnaitre et évaluer ces caractéristiques pour être en mesure de choisir la meilleure méthode de comparaison de leur contenu. Nous poursuivons ce chapitre avec l’analyse de ces combinaisons puis nous passerons par la suite à une description de ce que ces combinaisons

impliquent du point de vue du traitement et de l’analyse d’images en vue d’identifier leurs variations et différences de contenu.