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CHAPITRE 3 LA DÉTECTION DE DIFFÉRENCE ET DE CHANGEMENT

3.1 La différence et le changement

En télédétection nous retrouvons deux types d’analyses portant sur les différences existant entre des images satellitaires. Ce qui distingue ces deux types de travaux est relié aux données utilisées ainsi qu’au contexte motivant l’analyse d’images d’une région déterminée. L’essence de cette distinction est reliée au concept de données liées et découle des concepts sémantiques associés aux termes différence et changement.

Pour nous aider à cerner ce que ces mots veulent dire, nous donnerons premièrement les définitions de ces termes pour nous permettre de faire ressortir ce que chacun d’eux sous- entend dans le contexte de la télédétection.

3.1.1 La différence

Penchons-nous en un premier temps sur le terme différence, qu’est-ce qu’une différence décelable entre deux, ou plusieurs, jeux de données? Ces différences sont-elles ce que nous pourrions appeler des changements? Si nous décelons une différence entre deux images, y a- t-il nécessairement eu un changement?

Qu’entendons-nous par différence lorsque nous parlons d’un événement ou d’une constatation provenant d’une observation? Pour nous permettre de bien décrire ce que ce concept sous-tend, nous utiliserons une définition mathématique provenant de la théorie des ensembles qui veut que :

« Soit deux ensembles A et B inclus dans un ensemble E. On appelle différence de l'ensemble A par l'ensemble B, l'ensemble noté D = A - B des éléments x de E qui appartiennent à A mais qui n'appartiennent pas à B. »17

Ce que ceci implique dans le contexte de la télédétection et de la détection de changement est qu’il peut y avoir soit des différences entre des jeux de données qui sont mutuellement exclusifs, qui ne sont pas des changements, ou des différences entre des jeux de données qui sont liées, ce qui peut constituer dans certaines situations, ce que nous qualifierions de changements.

Pour illustrer ceci, pensons à deux zones urbaines, comme celles de Montréal et de Québec par exemple, qui sont suffisamment distantes pour ne pas apparaitre en même temps au sein

17 Tiré de http://www.granddictionnaire.com/, site de l’Office de la Langue Française du Québec le 23 avril

d’une image satellitaire, mais qui sont photographiées presque à la même heure. Si les images proviennent du même satellite et qu’il n’y a pas de facteurs externes, comme les conditions climatiques qui viennent modifier les images, nous pouvons nous attendre à ce que la représentation soit très similaire du point de vue de la radiométrique.

Dans cette situation, parler de changements serait inutile, car il n’y a aucun lien entre les pixels de chacune des images et, conséquemment, il est impossible de pouvoir stipuler que tels ou tels pixel, ou portion de l’image, aient subit un changement entre la première et la deuxième instance de données.

Nous pouvons cependant supposer que l’occupation du territoire, décrite par chaque image, est différente et que chacune des classes représentées dans l’une ou l’autre des images, peut être comparée qualitativement et/ou quantitativement pour établir les différences existantes entre l’occupation du territoire de la ville de Québec par rapport à celle de Montréal pour une classe donnée.

Conséquemment, si nous nous intéressons à analyser la différence entre deux jeux de données représentant deux zones géographiques qui n’ont pas de recoupement de surface et qui ne sont donc pas liées d’un point de vue statistique, nous ne pouvons parler de changement. Ceci s’applique à tout jeu de données non liées, toute discipline confondue.

3.1.2 Le changement

Maintenant que nous sommes en possession du concept général de ce qu’est une différence, que pouvons-nous dire du changement? L’Office de la langue française du Québec définit un changement comme étant une :

« Modification par rapport à une situation antérieure. »18

18 Tiré de http://www.granddictionnaire.com/, site de l’Office de la Langue Française du Québec le 23 avril

Plus spécifiquement on peut affirmer qu’en télédétection, pour un pixel, une région ou un objet image :

« Le changement désigne le passage d'un état à un autre. »19

Le changement est donc un cas spécial de différence qui est contraint par la dépendance temporelle et géographique d’échantillons correspondants. Les échantillons doivent donc être liés. Si nous ne considérons pas les mêmes objets, à deux moments distincts, nous ne pouvons pas parler de changement, car il n’y a pas de relation entre l’état initial et l’état final qui nous permettrait d’affirmer qu’il y a eu ou non passage d’un état à un autre.

Nous comprenons maintenant qu’afin que le terme changement puisse être utilisé, il est impératif qu’il y ait une relation entre les jeux de données qui puissent exprimer la notion : « Avant nous avions ceci et maintenant nous avons... ». Il doit donc nécessairement y avoir transition entre deux états distincts mesurés, ou du moins mesurables, à des instants différents pour un même « objet » pour que nous puissions utiliser le terme changement. Ici nous devons nous souvenir que l’« objet » peut être un pixel, une région isolée par une procédure de segmentation, un objet image proprement dit ou tout autre élément identifiable dans les deux images ou autres instances de données.

Si nous reprenons l’exemple géographique de Québec et de Montréal nous pouvons dire qu’il est possible d’identifier les différences de peuplement des différentes classes d’occupation du territoire. Dans ce contexte, ceci revient à dire qu’il y a eu croissance ou décroissance de la surface au sol attribuable à une classe donnée, ou d’une définition d’une ou des classes d’occupation du territoire isolées dans les images des deux villes au sens des variables et/ou des prototypes descriptifs des classes. Par contre, nous ne pouvons dans cette situation parler des changements entre Montréal et Québec, ce qui est foncièrement dépourvu de sens, car les données ne sont pas liées. Nous pouvons cependant stipuler qu’entre la première et la seconde image de Québec, ou de Montréal, il y a eu changement dans tel ou tel quartier par

rapport à telle ou telle classe d’occupation du territoire. Ceci pourrait nous mener à mettre de l’avant des affirmations telle que :

« Entre 19ii et 19jj, à Québec il y a eu y% de croissance des zones constituées de parcs industriels et des infrastructures leur étant reliées par rapport à une croissance de z%, pour la même conversion d’usage du territoire, pour la région métropolitaine de Montréal pour la même période. Il y a donc une différence de croissance de (y-z)% entre les secteurs industriels de Québec et de Montréal, ce qui peut être indicateur du potentiel de croissance économique de… ».

Cette affirmation est une expression quantifiant la variation de l’occupation du territoire en fonction d’une combinaison de classes pour deux régions géographiquement séparées. Ceci suppose donc qu’il y ait eu analyse d’au moins quatre images pour que nous puissions établir la variation d’occupation du territoire pour chacune des villes. Pour ce faire, il faut nécessairement qu’il y ait eu analyse de deux images par ville, « les instants », qui seront comparés par la suite en fonction d’un critère donné. Nous avons donc deux composantes à cette affirmation, d’une part nous avons le changement d’occupation du territoire associé à l’infrastructure industrielle des villes de Québec et de Montréal, ce qui constitue une analyse de changement proprement dite, et de l’autre nous retrouvons la différence de croissance de ces classes entre ces deux villes pour une période donnée que nous classons comme une analyse de différence.