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3. L ES CONCEPTIONS DE LA RELATION CHEZ LES ACTEURS DU TRAVAIL SOCIAL

3.1 Les conceptions de la relation dans la documentation scientifique

3.1.3 Les travaux sur la relation en Europe francophone

À l’instar de l’analyse précédente, les définitions et les finalités de la relation ont été dégagées des écrits scientifiques européens francophones20. Les travaux les plus récents de 6 auteurs ont été étudiés, à raison de 3 articles par auteur, pour un total de 18 textes. L’exercice a permis de faire ressortir des angles d’entrée divers de la relation, de même que plusieurs points communs à l’ensemble des travaux. Ce sont donc les résultats de cette analyse qui feront l’objet de la section suivante.

20 Nous tenons à remercier le professeur Marc-Henry Soulet pour l’ensemble des références fournies

sur le sujet. Un effet de méthode relatif à notre recension des écrits scientifiques ne nous a pas permis d’accéder à ces travaux sur la relation. Le manque d’accès à plusieurs articles, francophones et européens particulièrement, peut être attribué au fait que ces derniers ne sont pas systématiquement répertoriés dans l’une ou l’autre des banques de données généralement utilisées en contexte universitaire québécois. Compte tenu de cette limite méthodologique, il va de soi qu’une exhaustivité des travaux francophones européens sur la question n’est pas assurée.

3.1.3.1 La relation d’accompagnement. Divers travaux ont abordé la relation sous l’angle de l’accompagnement (Giuliani, 2007, 2008; Vrancken, 2006, 2007, 2010). Les nombreuses transformations sociales ayant modifié les formes traditionnelles du travail social basées sur la protection et l’assistance (Vrancken, 2010), la relation s’établissant entre TS et usager suit désormais le mode d’un accompagnement favorisant l’engagement de l’usager dans un projet susceptible de le relier au social. La relation devient ainsi le lieu où sont conclues des ententes entre le TS et l’usager et où est élaborée une base commune d’actions prioritaires (Giuliani, 2007). Reposant sur l’établissement d’un contrat, le processus d’accompagnement demeure collé aux expériences sociales et aux difficultés telles que vécues par l’usager. Puisqu’il s’agit dorénavant de viser l’engagement de l’usager dans les mécanismes d’aide sociale mis à sa disposition, la nécessité d’intervenants sociaux incarnant l’action publique se voit accrue. C’est dès lors un travail social qui « se met en action par l’intermédiaire d’intervenants rompus aux techniques relationnelles et aux conduites d’entretiens » (Vrancken, 2010, p. 6) qui se voit préconisé. Pratique irréductiblement relationnelle donc, l’accompagnement fait de l’usager, de ses potentialités et de ses ressources personnelles, environnementales et sociales le centre des préoccupations du TS.

3.1.3.2 La relation de proximité. Impliquant une forme de rapprochement de l’usager et de son quotidien, le travail d’accompagnement qu’accomplit le TS comporte une dimension de proximité que d’autres ont fait ressortir (notamment Breviglieri, 2005, 2008). Une telle proximité permet une compréhension aiguë de l’expérience sociale de l’usager et offre une opportunité d’actualisation du travail de médiation du TS en ce qu’elle favorise la création de liens sociaux et encourage l’échange social. La proximité contribue ainsi à la transformation d’un rapport au monde par la construction de nouvelles façons d’habiter ce monde (Ibid., 1999). Ce processus se réalise de manière plus spécifique au cours de relations de proximité dans le cadre desquelles le TS incite l’usager à accroître ses engagements au sein de

sphères sociales diversifiées et construit avec lui une base d’entente commune à travers l’établissement d’un contrat.

3.1.3.3 La relation diplomatique. Les travaux sur la clinique du social (Laval et Ravon, 2005; Ravon, 2002), ont mis en évidence la modification des formes de relation entre TS et usagers. Traditionnellement apparentée à un rapport pédagogique, la relation s’est vue progressivement considérée en termes d’accompagnement social au sein duquel l’individu n’est non plus considéré comme un être carencé ou défaillant, mais comme un sujet vivant une expérience sociale négative ayant des répercussions jusque dans son identité propre. Une « clinique du social » s’est alors développée comme façon d’apporter la reconnaissance de la souffrance psychique causée par un manque d’échange social. Le rôle du TS ne se rapproche donc plus de celui d’un éducateur, mais de celui d’un diplomate. Tout en demeurant rattaché à une institution, le TS est amené à se rapprocher des usagers et à négocier la définition du problème et les modalités à mettre en place pour le résoudre (Laval et Ravon, 2005). Le TS se retrouve ainsi dans une position d’intermédiaire entre l’individu et l’institution, position qui doit à la fois viser la reconnaissance des individus, au sens d’Honneth (2000), et leur inscription dans des espaces collectifs offrant la réponse à leurs droits sociaux. La relation constitue un pilier important, car elle incarne le lien social qui fait souvent défaut aux usagers (Ravon, 2002). Elle agit donc à la fois comme moyen et comme fin de l’action pour le TS.

3.1.3.4 La relation anthropologique. L’accent sur la dimension anthropologique de la relation en travail social est également ressorti de l’analyse des travaux menés en Europe francophone (Garnier, 1998a, 1998b, 2000). Cette perspective conçoit l’aide apportée par le TS dans son utilité sociale en ce qu’elle agit sur la capacité sociale des individus qui a été altérée par la vie. Par sa double fonction, celle d’une réaffiliation sociale identitaire et celle d’une réaffiliation sociale contributive, la relation constitue une condition essentielle de production et de retissage du lien social. La réaffiliation

sociale identitaire concerne la singularité de l’usager et de ses appartenances et permet par là une reconnaissance de sa dimension individuelle (Garnier, 1998b). L’entretien individuel sert, ici également, à la fois de fin et de moyen, car l’espace d’échange créé « est, en lui-même, une expérience de sociabilité » (Ibid., p. 191). La réaffiliation sociale contributive renvoie pour sa part à la question de l’utilité sociale, c’est-à-dire à la contribution et à la participation de l’usager à la société (Ibid.). L’espace de la relation favorise ainsi la reconnaissance de l’individu en tant qu’être social, capable de relations, et en tant que citoyen participant à la construction de la réalité sociale.