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A) Les textes connus dans leur version originale

2) Les traités de mesurage rédigés en hébreu

477 Deux paragraphes se suivent : taksīr al-qubūrī [mesurage du qubūrī] et taksīr ūt a-aôām [mesurage du

poisson de table]. Nous gardons une transcription française du terme qubūrī car aucune traduction du terme ne semble convenir dans ce cadre.

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Cette appellation semble locale car dans la géométrie savante le makhrū désigne le cône.

479 [Ibn al-Qāī, 1957], p. 86.

480 [Ibn ar-Raqqām, 1986] ; [Djebbar, 2005] ; p.24.

481 [Djebbar et Aballagh, 2001], p. 111-112.[Djebbar et Aballagh, 2001]

482 [Djebbar, 1980], p. 106-107.

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a) le ibbur ha-Mešiah we-ha-Tišboret484 d’Abraham Bar iyya.

Abraham Bar iyya (m. ca. 1145) rédige en 1116 un ouvrage sur le mesurage et le découpage : le ibbur ha-Mešiah we-ha-Tišboret [Livre sur le mesurage et le calcul]485. Précisons d’ores et déjà qu’il existe une version latine, le Liber embadorum, réalisée par Platon de Tivoli qui n’est pas identique au texte original mais en conserve le contenu et la structure486.

Ayant vécu à Saragosse où il aurait exercé d’importantes fonctions qui transparaissent dans son nom latinisé Savasorda [āib a-ura - chef de la police], Abraham Bar iyya s’est inévitablement approprié une partie de la culture scientifique de l’Andalus. Si l’on en croit le prologue du ibbur ha-Mešiah we-ha-Tišboret, il souhaite transmettre ce qu’il a appris à ses coreligionnaires, et notamment aux juifs sépharades de France487. Le décalage entre la culture géométrique de l’Europe latine et celle de l’Andalus serait, selon les propres mots de l’auteur, à l’origine de la rédaction de ce même ouvrage488. Scandalisé par les erreurs commises par les

agrimensores de l’époque, il insiste notamment sur le mesurage des terres. De ce fait,

l’ouvrage est conçu pour ceux qui s’occupent de la répartition des terres, des achats et des ventes ainsi que des héritages.

Le livre est divisé en quatre chapitres. Le premier chapitre est une présentation générale des objets et des propriétés géométriques dont il sera question dans la suite de l’ouvrage. L’auteur propose notamment une classification des figures planes : le cercle, les trois types de triangles (équilatéral, isocèle, scalène) et cinq classes de quadrilatères (carré, rectangle, losange, parallélogramme, quadrilatère quelconque). Sont ensuite définis quelques éléments arithmétiques comme le nombre, la racine carrée, le carré, le cube et la racine cubique. Ce premier chapitre s’achève sur l’énoncé et la démonstration de propositions euclidiennes en relation avec la méthode des aires du Livre I des Eléments et avec les premières propositions du Livre II489.

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Nous donnons ici la transcription des lettres hébraïques utilisée par T. Lévy.

485 Traduction en catalan par J. Millàs I Vallicrosa d’après l’édition de M. Guttmann ; [Abraham Bar iyya, 1912]; [Abraham Bar iyya, 1931].

486 Texte édité par M. Curtze ; [Curtze, 1902].

487 [Abraham Bar iyya, 1931], p. iii.

488 Ibid., p. 5.

489 On retrouve notamment les propositions 33, 35, 36, 37, 38, 41 du Livre I des Eléments et les propositions 4, 5, 6, 7, 9, 10 du Livre II ; Ibid., p. 16-30.

Le second chapitre, le plus important quantitativement, étudie le mesurage des figures planes, et les calculs qui s’y rapportent. L’ordre d’exposition des figures est : le carré, les triangles, les quadrilatères n’ayant pas tous leurs côtés égaux et leurs angles droits, le cercle et ses portions, les polygones. Dans sa section sur le cercle, l’auteur présente une table des cordes et des arcs.

Quant au troisième chapitre, il aborde le découpage des figures planes : triangles, quadrilatères et figures circulaires. Abraham Bar iyya mentionne, en guise de remarques, le découpage du pentagone et de l’hexagone490. Le chapitre est fractionné en trois sections en fonction de la figure plane à découper. Dans chaque section, les problèmes sont organisés selon le nombre croissant de parties à découper : 2, 3, 4 ou plus. La première section traite du triangle, la seconde des quadrilatères et la troisième des figures circulaires. Il est intéressant de voir que l’auteur partage, de manière originale, la section des quadrilatères en trois familles : ceux dont les deux diagonales les partagent également, ceux dont une seule des deux diagonales les partage également, et enfin ceux dont aucune de leurs diagonales ne les partage de manière égale. Tous les problèmes sont démontrés. Même si nous ne notons qu’une seule référence explicite aux Eléments d’Euclide491, Abraham Bar iyya s’inspire directement de la méthode des aires du Livre I, et de la théorie des rapports des Livres V et VI. Notons aussi une trace du vocabulaire pratique du découpage de terrains avec l’expression « champ triangulaire » qui revient dans deux problèmes492.

Enfin le dernier chapitre se concentre sur le mesurage des solides. Cette partie est concise et Abraham Bar iyya y omet les démonstrations difficiles. Les solides sont répartis en trois groupes : les solides sans pointe (cube, parallélépipède rectangle, prismes droits, cylindres), les solides à pointe (les pyramides dont la base est un triangle, un carré ou tout autre polygone à côtés égaux mais à angles différents, le cône), enfin la sphère et ses portions. Ce chapitre se termine avec l’explication de la manière de mesurer des terrains, et notamment de la manière de tracer une perpendiculaire.

L’ouvrage d’Abraham Bar iyya semble dans la filiation de la tradition andalouse représentée par Ibn ôAbdūn, même si d’un point de vue terminologique, il n’est pas toujours

490 Voir liste des problèmes en annexe.

491 « comme l’explique Euclide dans son livre des démonstrations ; [Curtze, 1902], p. 132.

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possible d’établir des liens. Remarquons cependant quelques points intéressants. Le rectangle, comme chez Ibn ôAbdūn, est le quadrilatère oblong dans la version hébraïque493 ainsi que dans la version latine. Dans la version latine au moins494, le trapèze est la figure dont la tête

est coupée, ce qui rappelle directement la terminologie utilisée plus tard par al-Mursī, et

indirectement celle d’Ibn ôAbdūn. Les solides particuliers repérés chez Ibn ôAbdūn ne se retrouvent pas dans le ibbur ha-Mešiah we-ha-Tišboret. Mais nous ne pouvons rien en conclure car Abraham Bar iyya a bien pu se limiter aux seuls solides usuels présents dans les pratiques outre pyrénéennes.

De plus, les problèmes du second chapitre ainsi que leurs résolutions semblent clairement issus de la tradition andalouse du mesurage dont un représentant est Ibn ôAbdūn. Même si nous reviendrons sur ces problèmes ultérieurement, une différence doit d’ores et déjà être mentionnée : l’auteur hébraïque démontre la plupart de ces problèmes.

Quant aux problèmes de découpage, leurs énoncés ont tous une relation directe avec la pratique de la division des terrains, mais ils sont aussi tous démontrés. La présentation et le contenu des démonstrations se rapprochent d’une pratique savante de type euclidien. Remarquons aussi qu’on ne trouve pas, comme dans certains manuels arabes d’Orient ou d’Occident, de problèmes pratiques faisant intervenir, par exemple, l’aménagement de chemins.

b) le Sefer ha-Middot attribué à Abraham Ibn Ezra

L’unique copie du Sefer ha-Middot [Livre des mesures] contient une attribution à Abraham Ibn Ezra (m. 1167)495 que nous considèrerons dans la suite comme l’auteur du texte496. Il existe une version latine du texte qui, apparemment, a été copiée au milieu du 12e siècle497. Nous n’avons aucun renseignement sur le traducteur probable de l’hébreu au latin, ni

493 D’après la traduction catalane de J. Millàs I Vallicrosa ; [Abraham Bar iyya, 1931], p. 15.

494 La traduction catalane utilise le terme « trapezi » qui cache la dénomination hébraïque originale.

495 Edition du texte hébraïque par T. Lévy et traduction anglaise dans [Lévy et Burnett, 2006].

496

Voir discussion à ce sujet ; Ibid., p. 63-66.

497 Edition de la version latine par Ch. Burnett et traduction anglaise dans Ibid. Un seul codex latin contient, à notre connaissance, le Sefer ha-Middot , ms. Oxford, Bodleian Library, Digby 51, fol. 38va-42vb. Ce codex présente de nombreuses concordances avec les travaux d’Abraham Ibn Ezra et de Platon de Tivoli ; [Lévy et Burnett, 2006], p. 70.

même sur ses relations avec Ibn Ezra498. Cette version complète la version hébraïque du début du texte tandis que la fin du texte en est absente.

Le Sefer ha-Middot se présente en deux parties. Le premier tiers est une arithmétique sans unité et logique apparentes. Il s’agit davantage de notes prises d’un livre d’arithmétique ou de notes d’étudiants que d’un exposé systématique.

La seconde partie, c’est-à-dire les deux tiers restant, est plus homogène et correspond à un traité sur le mesurage de figures planes et solides et la mesure de distances.

D’une manière plus précise, on y trouve d’abord des considérations générales sur le point, la ligne, la surface et les solides. Ensuite, Abraham Ibn Ezra propose de mesurer les figures planes usuelles : les triangles (équilatéral, isocèle, scalène, et rectangle), les quadrilatères (le carré, le rectangle, le losange, le parallélogramme, le trapèze et leurs différentes espèces), le cercle et ses portions. Enfin, il étudie le mesurage des solides avec, dans l’ordre, le cube, la pyramide à base carrée, la pyramide tronquée, le cylindre et le tronc de cône. Dans la dernière partie, il propose de mesurer la hauteur d’une colline, d’un arbre ou d’une tour ainsi que la profondeur d’un puits à l’aide, par exemple, d’un astrolabe.

Il est intéressant de noter que de nombreux problèmes sont, selon la terminologie actuelle, de type quadratique. Abraham Ibn Ezra est néanmoins un représentant, comme l’est Ibn ôAbdūn, des pratiques pré-algébriques puisque les objets et les opérations spécifiques à l’algèbre arabe du 9e siècle ne sont pas utilisés.

En plus de cette première information, le Sefer ha-Middot semble être dans la continuité de la tradition du mesurage de la Risāla d’Ibn ôAbdūn. En effet, de nombreux problèmes et leurs procédures de résolution sont communs à ces deux textes. Nous y reviendrons de manière précise lors de l’analyse comparative des problèmes mathématiques de certains textes sur le mesurage. Notre étude de la terminologie n’est pas aussi détaillée que pour les textes arabes de par le changement des langues de rédaction, l’hébreu ou le latin. Notons néanmoins que la version latine nomme le trapèze : figura cum capito amplo [la figure

dont le sommet est large] exactement comme Ibn ôAbdūn 499 . Quant aux solides

498 [Lévy et Burnett, 2006], p. 69-77.

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caractéristiques des pratiques andalouses, ils sont absents de l’exposé d’Ibn Ezra ; rien ne peut donc être conclu à ce niveau.