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III. GENESE DES COMPOSES SOUFRES VOLATILS

III.3. L ES C OMPOSES SOUFRES VOLATILS DANS LE FROMAGE

III.3.3. Les thioesters

Les thioesters (R-C(O)-S-R') sont des analogues des alkylesters (R-C(O)-O-R'): ils contiennent un soufre à la place d'un oxygène. Les S-méthylthioesters (par exemple, S- méthylthio-acétate, -propanoate, -butyrate, -isobutyrate et -isovalérate) sont dérivés de l'estérification d'un acide organique par le méthanethiol. Ils sont fréquemment trouvés dans plusieurs variétés de fromages (Urbach, 1997), spécialement dans les fromages à croûte fleurie (Berger et col., 1999b ; Khan et col., 1999 ; Sablé et Cottenceau, 1999 ; Lecanu et col., 2002). Ce sont des composés très odorants avec des notes de type fromage et chou-fleur cuit. Ils peuvent contribuer très largement à l'arôme du fromage étant donné leurs seuils de perception très bas, allant de 5 à 20 ppb (Sablé et Cottenceau, 1999). Par analogie aux alkylesters, les thioesters seraient formés par des voies semblables à celles aboutissant aux esters non soufrés, quelles soient enzymatiques ou chimiques (Lieu et col., 2004). Ainsi, on peut considérer que leur production dépendra du type de micro-organisme, des enzymes mis en place et de la disponibilité en réactants (thiols, acides gras, etc..).

Plusieurs souches de bactéries et de levures fromagères produisent des S- méthylthioesters. Par exemple, il a été démontré que les brévibactéries et les microcoques peuvent produire des S-méthylthioesters lors de leur croissance sur milieu complexe ou par bioconversion d’acides gras à chaîne courte (jusque six carbones) (Lamberet et col., 1997a, 1997b). De plus, les espèces d'Arthrobacter sp. et de B. linens sont les plus fortes productrices de S-méthylthioesters parmi les bactéries de surface des fromages (Bonnarme et col., 2001b). Parmi les levures, les souches de G. candidum sont celles que produisent les plus de S- méthylthioesters (Berger et col., 1999a). Cependant, la production de thioesters varie considérablement selon l'espèce considérée (Spinnler et col., 2001), mais également entre souches d'une même espèce (Berger et col., 1999a). Cette variabilité est vraisemblablement liée à leur capacité à produire du méthanethiol à partir de la méthionine.

Ainsi, les levures fromagères G. candidum, K. lactis, D. hansenii et S. cerivisiae sont incapables de produire du S-méthylthioacétate en absence de méthionine dans le milieu de culture (Spinnler et col., 2001). Walker et Simpson (1993) ont remarqué que l'ajout de méthanethiol favorisait la formation du S-méthylthioacétate par S. cerevisiae. Le potentiel élevé de G. candidum à produire des S-méthylthioesters, particulièrement du S-

méthylthioacétate, est attribué à sa capacité à produire de relativement grandes quantités de méthanethiol, le précurseur critique des S-méthylthioesters (Berger et col., 1999a ; Bonnarme et col., 2001a ; Spinnler et col., 2001). Par aillleurs, Arfi et col. (2002) ont démontré que le méthanethiol (généré à partir de la méthionine) est un facteur limitant pour la synthèse de S- méthylthioacétate chez K. lactis.

Le besoin en méthanethiol ou de son précurseur, la méthionine, pour la synthèse de S- méthylthioesters a été aussi démontré chez les bactéries. Par exemple, la production de S- méthylthioacétate par Micrococcus se fait exclusivement en présence de méthanethiol exogène ou d'une souche de B. linens productrice de méthanethiol (Cuer et col., 1979b).

En présence de méthanethiol, la synthèse de thioesters peut avoir lieu spontanément par voie chimique, et d’une manière plus efficace si les acides gras sont activés en acyl-CoA (Helinck et col., 2000). Cependant, dans le fromage, leur synthèse par voie enzymatique est leur principale voie de formation. Plus de 50% du S-méthylthioacétate synthétisé en présence de méthanethiol et d'acétyl CoA à pH 7 est attribué à l'activité de G. candidum (Helinck et col., 2000). Lamberet et col. (1997) ont montré que le pH optimal pour la biosynthèse de S- méthylthioesters dépendait du composé considéré mais qu'un même composé pouvait présenter des maxima à deux pH différents. Ceci a conduit à l’idée que la synthèse des thioesters pouvait être catalysée par plusieurs enzymes distinctes. Toutefois, les enzymes responsables de la synthèse des S-méthylthioesters n'ont pas encore été identifiées chez les micro-organismes fromagers.

Certains auteurs considèrent la possibilité qu'une enzyme de type thiol (ou méthanethiol) acyl-transférase soit impliquée dans la formation des thioesters (Walker et Simpson, 1993) en plus des lipases, estérases et acyl-transférases, amplement impliquées dans la formation des alkylesters (Liu et col., 2004). Cette enzyme, thiol acyl-transférase, serait semblable ou identique aux alcools acyl-transférases responsables de la formation des esters d'acétate chez les levures de brasserie et de vinification (Mason et Dufour, 2000). Les acyl- transférases sont des enzymes sulfhydriques qui catalysent le transfert d'acétyl-CoA (et probablement des acyl-CoA à chaîne carbonée plus longue) aux alcools en formant les esters. Leur activité est réduite dans de conditions d'aérobiose et par la présence d'acides gras, principalement insaturés (Mason et Dufour, 2000).

En plus de ces mécanismes, il a été démontré la possibilité de synthétiser des thioesters par des réactions de thio-estérification (acide carboxylique + thiol) ou thio-trans- estérification (ester + thiol) catalysées par des lipases fongiques immobilisées (Cavaille- Lefebvre et Combes, 1997 ; Caussette et col., 1997). Ces résultats suggèrent que les lipases peuvent jouer un rôle dans la biosynthèse des thioesters dans les matrices laitières, à condition que les précurseurs principaux, les thiols (par exemple, le méthanethiol) et les acides gras soient disponibles à des concentrations suffisantes et que l'activité de l'eau soit faible (Liu et col., 2004). En milieu aqueux, les lipases aussi bien que les estérases tendent plutôt à hydrolyser les esters qu'à les former (Liu et col., 2004).

En conclusion, la génération des S-méthylthioesters est contrôlée par la disponibilité des précurseurs, principalement les thiols (méthanethiol) et les acides gras, et les conditions physicochimiques (pH, température, activité de l'eau, potentiel d'oxydoréduction) du milieu fromager ou du milieu de culture liquide. La présence d'oxygène et d'autres composés chimiques risque de réduire la formation de thioesters, par la formation des produits alternatifs, pour exemple le DMDS et le DMTS (produits d'oxydation du méthanethiol) ou des alkylesters. De plus, la formation spontanée et la formation enzymatique des esters peuvent contribuer au développement de la flaveur des fromages, bien qu'il soit difficile de mesurer leurs contributions relatives.

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