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Chapitre V La dyslexie

4. Les théories d’un déficit du traitement auditif

L’ensemble des théories explicatives de la dyslexie postulant l’existence d’un trouble du traitement auditif de bas niveau sont compatibles avec la théorie phonologique. Elles postulent que le trouble phonologique est une conséquence d’un déficit du traitement auditif (cf. Figure 18).

99 Figure 18

Adapté de Ramus (2001). Schéma représentant les processus cognitifs déficitaires d’après la théorie phonologique (encadrés en noir) et les théories d’un déficit du traitement auditif et leurs conséquences

comportementales (encadrées en rouge).

4.1. La théorie d’un déficit des traitements auditifs rapides

La théorie d’un déficit des traitements auditifs rapides a été initialement proposée par Tallal (1980). Elle a en effet mis en évidence que les enfants dyslexiques présentaient un déficit aussi bien en discrimination de fréquence que dans une tâche de jugement d’ordre temporel (Temporal Order Judgment ; TOJ) lorsque la présentation des stimuli était rapide. Dans cet article fondateur, on présente aux enfants dyslexiques deux sons purs de 100 Hz et 305 Hz et d’une durée de 75 ms. Après une période d’entrainement, les participants devaient appuyer sur le bouton correspondant (un pour chaque fréquence) dans l’ordre dans lequel les stimuli avaient été présentés. Il est apparu que les participants dyslexiques obtenaient de moins bons scores que les participants contrôles lorsque l’ISI était court (i.e., 8 à 305 ms) réduisant le temps de traitement, alors que les performances des deux groupes étaient identiques lorsque l’ISI était long (i.e., 428 ms). La même observation a été faite pour la tâche de discrimination de fréquence. De plus, Tallal a mis en évidence que le déficit lorsque l’ISI est court est équivalent dans les deux tâches, ce qui suggèrerait que ce déficit traduit une incapacité des participants dyslexiques à traiter les stimuli auditifs rapides. Ceci entrainerait alors une impossibilité de traiter les transitions rapides de formants permettant de discriminer les phonèmes (cf. Figure 19).

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Figure 19

Tiré de Tallal et Gaab (2006) . Deux spectogrames représentant les syllabes /ba/ et /da/. La différenciation entre les deux phonèmes /b/ et /d/, caractérisée par des transitions formantiques différentes se fait dans les premières 40 ms. La distinction entre les deux stimuli dépend donc de la

capacité à traiter des changements de fréquence rapide.

Toutefois, il est apparu que les déficits en termes de traitements auditifs n’étaient pas spécifiques aux stimuli présentés de façon rapides. En effet, les dyslexiques présentent des scores moins élevés que les participants contrôles dans les tâches de discrimination de fréquence, quel que soit l’ISI utilisé (ISI = 800 ms ; Ahissar et al., 2000; ISI = 1000 ms ; Banai & Ahissar, 2006; ISI = 400 ms ; France et al., 2002; ISI = 300 ms ; McAnally & Stein, 1996). Certains auteurs trouvent même une différence entre contrôles et dyslexiques uniquement lorsque l’ISI est long (Share, Jorm, Maclean, & Matthews, 2002). Une autre critique apportée à cette théorie est que tous les dyslexiques ne présentent pas de déficit, en effet, seuls 30 à 60% des dyslexiques testés ont montré un déficit en traitement auditifs rapides (Adlard & Hazan, 1998; Ramus et al., 2003; Rosen & Manganari, 2001).

Enfin, certaines études n’ont pas retrouvé ce déficit en traitement de transition de formants (Mody, Studdert-Kennedy, & Brady, 1997; Nittrouer, 1999; Rosen & Manganari, 2001). Toutefois ces études présentent des biais méthodologiques qui diminuent l’impact de leur absence de résultat (cf. p106 et p205).

Bien que la théorie portée par Tallal et ses collègues soit critiquée et puisse être en partie remise en cause, l’idée d’un déficit auditif à l’origine du trouble phonologique est toujours d’actualité, et d’autres théories explicatives ont été développées.

101 4.2. La théorie du déficit de la perception du rythme

Goswami et son équipe ont ainsi proposé une théorie s’intéressant aux différentes variations du rythme de parole. Tout d’abord, les variations rapides (entre 30 et 50 Hz) correspondant à la structure fine du signal et aux caractéristiques phonémiques, comme les transitions formantiques. Puis les variations apparaissant à un rythme de 4 à 7 Hz, correspondant au rythme syllabique, et enfin, les variations plus lentes, correspondant à l’intonation ou la prosodie avec un rythme de 1-2 Hz. La bonne perception de ces rythmes est nécessaire à la distinction des syllabes au sein du signal continu qu’est le signal de parole. En effet, la perception de la prosodie et du stress lexical est liée à la conscience phonologique, même chez les enfants pré-lecteurs (Beattie & Manis, 2014; Goodman, Libenson, & Wade-Wooley, 2010). Particulièrement, c’est la bonne perception des syllabes qui va permettre ainsi de développer la conscience phonologique. L’hypothèse soutenue par Goswami et ses collègues (Goswami et al., 2002; Leong & Goswami, 2014; Richardson, Thomson, Scott, & Goswami, 2004) est que les personnes dyslexiques présentent des difficultés dans la perception des rythmes syllabique et prosodique. Plus spécifiquement, les dyslexiques percevraient moins les modulations d’amplitude que les normo-lecteurs. Dans l’article original, Goswami et al., 2002 ont présenté une sinusoïdale de 500 Hz avec une profondeur de modulation d’amplitude de 50%, à une fréquence de 0.7 Hz. Le temps de hausse d’amplitude, variait de 300 ms (i.e., percept d’un son continu dont l’intensité varie) à 15 ms (i.e., percept correspondant à un rythme ; cf. Figure 20). Les participants, dyslexiques et contrôles devaient indiquer leur percept en fonction du temps de hausse d’amplitude. Les résultats ont révélé que les participants dyslexiques présentaient une courbe de réponse plus plate que les sujets contrôles, c’est-à-dire qu’ils étaient moins sensibles au changement de temps de hausse d’amplitude. De plus, les résultats à cette tâche étaient corrélés aux tâches de conscience phonologique, RAN, mémoire phonologique et lecture.

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Figure 20

Tiré de Goswami et al., (2002). Exemple de stimulus, lorsque que le temps de hausse d’amplitude était (a) de 15 ms et (b) de 300 ms.

Goswami et al., interprètent ces résultats comme une difficulté à détecter les

perceptual centers ou P centers. Les P centers correspondent, dans le signal de parole

au moment de perception et sont associés avec une augmentation rapide de l’énergie sur le milieu de la bande spectrale. Leur détection permet ainsi de mieux différencier les syllabes et donc devraient influencer les performances en conscience phonologique. De façon intéressante, cette sensibilité au rythme est corrélée avec les compétences phonologiques dans plusieurs langues, notamment en chinois, n’utilisant pourtant pas le système alphabétique (Goswami et al., 2011). Plus généralement, les compétences rythmiques sont liées aux compétences linguistiques (Goswami, Huss, Mead, Fosker, & Verney, 2013; Huss, Verney, Fosker, Mead, & Goswami, 2011). Cette théorie ne permet toutefois pas d’expliquer les autres troubles auditifs observés au sein de la population dyslexique. Nous allons donc nous intéresser à la théorie du déficit d’ancrage qui vise à expliquer différents résultats de la littérature observés sur les tâches auditives.

4.3. La théorie du déficit d’ancrage (Anchor Theory)

Ahissar et collègues (Ahissar, 2007; Ahissar et al., 2006) ont également développé une théorie intéressante puisqu’elle permet à la fois d’expliquer le trouble phonologique et le manque de consistance des données de la littérature sur les traitements auditifs centraux dans la dyslexie. D’après cette théorie, les dyslexiques auraient des difficultés à former une ancre perceptuelle. C’est à dire qu’ils ne parviendraient pas à conserver en

103 mémoire à court-terme une représentation du stimulus, de ce fait dans les tâches demandant une comparaison entre deux stimuli, typiquement un standard et une cible (i.e., paradigme AX). Dans une tâche de discrimination de fréquence, Ahissar et al., (2006) mettent en évidence que les participants dyslexiques obtiennent des scores inférieurs à ceux des contrôles lorsque le paradigme utilise la répétition d’un même ton de comparaison. Dans ce cas, les dyslexiques ne bénéficient pas de la répétition de A. Alors que les participants contrôles comparent simplement X à leur représentation de A, les dyslexiques, eux, effectuent une comparaison à chaque essai entre les deux stimuli. Une telle comparaison est plus coûteuse cognitivement, la tâche est donc plus difficile et les scores sont moins bons. En effet, de façon intéressante, lorsque les deux sons purs sont changés à chaque essai (i.e., condition sans référence) les deux groupes obtiennent des performances similaires (cf. Figure 21).

Figure 21

Tiré de Ahissar (2007). Just Noticable Difference (JND ; i.e., plus petite différence percue) en fonction du type de paradigme utilisé : sans ton de comparaison à gauche et avec un ton de comparaison à droite.

C = Contrôles et D = Dyslexiques.

La même observation est faite en modalité visuelle, les dyslexiques sont moins bons à discriminer deux fréquences spatiales uniquement si elles sont présentées l’une après l’autre (Ben-Yehudah & Ahissar, 2004). Quand les deux fréquences spatiales sont présentées simultanément sur le même écran alors les participants dyslexiques sont tout aussi performants à les discriminer que les participants contrôles.

Cette théorie présente l’avantage de proposer une seule explication pour de nombreux domaines connus pour être déficitaires dans la population dyslexique comme la mémoire de travail, les difficultés auditives et visuelles (Amitay, Ben-Yehudah, Banai, & Ahissar, 2002; Ramus et al., 2003; White et al., 2006) et la plus grande sensibilité au bruit (Dole, Hoen, & Meunier, 2012; Sperling, Lu, Manis, & Seidenberg, 2005; Ziegler,

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Pech-Georgel, George, & Lorenzi, 2009). Elle explique également les troubles de la conscience phonologique. En effet, certains auteurs suggèrent que les mauvaises performances des dyslexiques aux tâches de conscience phonologique seraient dues à un déficit d’accès aux représentations phonologiques plutôt qu’à des représentations mal spécifiées (Boets et al., 2013; Ramus & Szenkovits, 2008). L’Anchor Theory postule également que c’est la nature des tâches qui génère les mauvaises performances. Ainsi, la tâche de RAN demande de faire référence un grand nombre de fois à un petit set de stimuli. Les participants contrôles vont donc maintenir en mémoire l’image correspondant au mot et y accèderont rapidement alors que les participants dyslexiques auront plus de difficulté parce qu’ils ne créeront pas cet ancrage. Ahissar (2007) postule donc que les résultats des dyslexiques à cette tâche seraient équivalents à ceux des sujets contrôles si le nombre de stimuli était plus important.

A l’origine, cette théorie présente tout de même une limite importante, en effet, si elle permet d’expliquer les déficits associés à la dyslexie, elle ne permet de créer un lien direct avec les compétences en lecture (Ahissar, 2007). Toutefois, Ramus et Ahissar (2012) postulent que l’incapacité à effectuer une ancre perceptuelle peut mener à terme à une mauvaise représentation des régularités de la parole (comme les transitions formantiques) et donc à de mauvaises représentations phonologiques.

Une autre limite de cette théorie serait de ne reposer que sur des données comportementales et ne permet pas, pour l’instant, d’expliquer les données électrophysiologiques.

4.4. La théorie de l’instabilité du traitement auditif

L’équipe de Kraus et collègues (Hornickel, Anderson, Skoe, Yi, & Kraus, 2012; Hornickel, Chandrasekaran, Zecker, & Kraus, 2011; Hornickel, Knowles, & Kraus, 2012; Hornickel & Kraus, 2013; Kraus et al., 1996; White-Schwoch et al., 2015) s’est intéressée à la stabilité des réponses du système nerveux aux sons de paroles. Le raisonnement étant que chez les enfants dyslexiques la réponse du système nerveux aux stimuli auditifs est instable, de ce fait les représentations phonologiques sont instables. Les auteurs postulent alors que cette instabilité rend plus difficile l’accès à la conscience phonologique durant la période préscolaire. En retour, le mauvais développement de la conscience phonologique diminue la stabilité des réponses du système nerveux aux sons de paroles.

Ainsi, Hornickel et Kraus (2013) ont étudié la réponse du tronc cérébral à la présentation de syllabes (i.e., speech Auditory Brainstem Response ; ABR). Cent enfants âgés de 6 à 13 ans ont été testés, ils étaient divisés en trois groupes mauvais, bons ou moyens lecteurs. L’analyse des résultats a mis en évidence que les réponses ABR des bons lecteurs étaient beaucoup plus stables dans le temps et présentaient moins de variabilités inter-essais que pour les dyslexiques (cf. Figure 22)

105 Figure 22

Tiré de Hornickel et Kraus (2013). Représentation graphique des réponses du tronc cérébral aux syllabes d’un bon lecteur à gauche et d’un mauvais lecteur à droite. A. les essais sont triés en fonction du moment de leur présentation, 1ere ou 2eme moitié de l’expérience pour illustrer la fatigue neuronale. B.

Les essais sont triés en fonction de leur ordre de présentation (paire ou impaire) pour illustrer la variabilité des réponses neuronales.

De façon intéressante, cette théorie rend également compte de la difficulté des personnes (adultes et enfants) dyslexiques (Bradlow, Kraus, & Hayes, 2003; Dole et al., 2012; Ziegler et al., 2009) ou même des enfants pré-lecteurs issus de famille à risques (Boets, Ghesquiere, van Wieringen, & Wouters, 2007) à percevoir la parole dans le bruit En effet, la présence de bruit va rendre encore plus difficile la perception du signal de parole, augmentant son instabilité (i.e., le bruit masque les informations redondantes du signal de parole) et augmentant la fatigue neuronale et donc la variabilité des réponses du système nerveux. De plus, bien que la situation de parole dans le bruit soit transitoire, elle est fréquente, et les difficultés de traitements de la parole récurrentes pourraient à terme entraver le développement du langage. Ainsi, Boets et al. (2011) ont mis en évidence dans une étude longitudinale que la capacité des enfants de kindergarten et en première année d’école primaire à percevoir la parole dans le bruit ainsi que la sensibilité à la modulation de fréquence permettait de prédire les compétences en lecture. Ces résultats ont été répliqués dans une étude électrophysiologique, mettant en évidence que la précision avec laquelle la parole dans le bruit est traitée par le système auditif chez les enfants de 3 ans prédit les compétences en pré-lecture l’année suivante (White-Schwoch et al., 2015).

De façon générale, les dyslexiques présentent des compétences auditives instables et peu répliquables, c’est d’ailleurs la critique majeure apportée à la littérature s’intéressant aux TTA dans la dyslexie.

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4.5. Les TTA dans la dyslexie développementale

La littérature s’intéressant aux liens entre les TTA et la dyslexie développementale est très importante mais peu consistante. En effet, de nombreuses études trouvent des résultats contradictoires dus vraisemblablement à des différences méthodologiques, que ce soit au niveau du choix des tests psychoacoustiques, ou des critères de sélection de la population dyslexique. Cependant certains tests ont mis en évidence de façon consistante des différences significatives entre la population dyslexique et la population contrôle. Nous présentons ici les tests les plus utilisés ainsi que ceux constituant la BECAC ayant déjà été testés sur une population dyslexique. Ainsi, il a été démontré que les participants dyslexiques sont généralement significativement déficients dans beaucoup de tests impliquant un traitement spectral des stimuli. En effet, les études testant les compétences en discrimination de fréquence montrent généralement un déficit chez les dyslexiques (Ahissar et al., 2006; Ahissar et al., 2000; Amitay et al., 2002; Baldeweg et al., 1999; Banai & Ahissar, 2006; Cohen-Mimran & Sapir, 2007; France et al., 2002; Hari, Saaskilahti, Helenius, & Uutela, 1999; McAnally & Stein, 1996). Toutefois, certaines études ne mettent pas en évidence de différence significative (N. I. Hill, Bailey, Griffiths, & Snowling, 1999). Certaines de ces études ont de plus mis en évidence des corrélations significatives entre les performances en discrimination de fréquence et les compétences en lecture (sur l'ensemble de la population : Baldeweg et al., 1999) ou en conscience phonologique (uniquement sur le groupe dyslexique : Banai & Ahissar, 2006) et même en mémoire de travail (sur l’ensemble de la population et uniquement sur le groupe dyslexique : Ahissar et al., 2006).

La discrimination de durée a été moins étudiée que la discrimination de fréquence, et les résultats sont peu clairs. Chez les adultes il semble que la discrimination de durée ne soit pas déficitaire chez les dyslexiques (Baldeweg et al., 1999) bien qu’une corrélation significative avec les scores aux tâches de lecture apparaisse sur l’ensemble de la population. Sur une population d’enfants les résultats sont contradictoires, il semble que les enfants dyslexiques soient moins performants que les enfants contrôles lorsque les sons purs utilisés sont relativement courts (i.e., 100 ms) mais pas lorsqu’ils sont plus longs (i.e., 400 ms ; Banai & Ahissar, 2006). Enfin en utilisant du matériel verbal, Richardson et al. (2004) ont montré que les enfants dyslexiques étaient moins performants que les enfants contrôles à discriminer la durée de deux exemplaires du même pseudo-mot (i.e., [ata]). Cette étude a également mis en évidence des corrélations significatives entre les performances à ce test et les scores en lecture, orthographe et lecture de pseudo-mot sur l’ensemble de la population.

La discrimination d’intensité a rarement été testée, mais deux études ont mis en évidence que les dyslexiques adultes (Amitay et al., 2002) et enfants (McArthur & Hogben, 2001) étaient moins performants à cette tâche que les contrôles. En revanche,

107 Ahissar et al. (2000) n’ont pas montré de différence entre les performances des adultes contrôles et des adultes avec une histoire de dyslexie à la tâche de discrimination d’intensité. Sur une population d’enfants Richardson et al. (2004) n’ont pas non plus mis en évidence de différences entre les performances des enfants contrôles et les enfants dyslexiques. Les résultats ne corrélaient pas non plus avec les compétences en lecture dans aucun des deux groupes. En revanche, ces scores étaient significativement corrélés avec la mémoire phonologique à court-terme à la fois dans l’étude de Richardson et al. (2004) et dans l’étude de Amitay et al., (2002).

Ensuite, dans des tests de backward masking ou masquage rétroactif, il semble que les participants dyslexiques (enfants et adultes) ne soient pas déficitaires comparativement aux contrôles (Hill et al. 1999 ; Ramus et al. 2003) et chez les adultes les performances à ce test ne sont pas corrélées aux compétences en lecture (Ahissar et al., 2000). En revanche, Rosen et Manganari (2001) trouvent un déficit en masquage rétroactif lorsque les stimuli utilisés sont des stimuli de parole.

Les tests de temporal order judgment (TOJ) ou jugement d’ordre temporel génèrent également des résultats assez confus. Ainsi, sur une population d’adultes Ramus et al. (2003) trouvent un déficit chez les sujets dyslexiques que la durée des stimuli soit longue (115 ms) ou courte (30 ms). Les compétences de jugement d’ordre temporel évaluées avec des stimuli variant soit en latéralisation soit en fréquence sont également apparues déficitaires dans la population dyslexique adulte (Ben-Artzi, Fostick, & Babkoff, 2005). Toutefois, seules les compétences en jugement d’ordre temporel fréquence étaient corrélées aux compétences en lecture et uniquement au niveau de l’ensemble de la population. Dans l’étude longitudinale de Share et al. (2002) les jeunes enfants se révélant dyslexiques en grandissant ne sont déficitaires à cette tâche que lorsque l’ISI est long (i.e., 400 ms) mais pas lorsqu’il est court (8 ; 15 ; 30 ; 60 ; 150 ms) contredisant ainsi les résultats de Tallal (1980).

Les études s’intéressant à la capacité à percevoir les modulations de fréquence présentent des résultats peu consistants. Ainsi, en 1998, Witton et al., trouvent cette compétence déficitaire chez les adultes dyslexiques lorsque cette modulation est relativement lente (2 Hz et 40 Hz) mais pas lorsqu’elle est rapide (240 Hz). Ces résultats sont partiellement répliqués par Ramus et al. (2003) qui trouvent une différence entre le groupe contrôle et le groupe dyslexique lorsque la modulation est de 2 Hz mais pas 240 Hz (condition 40 Hz non testée). Finalement, Hill et al., (1999) en estimant la plus petite modulation de fréquence détectée sur un son pur de 1 kHz et sur un son pur de 6 kHz ne trouvent pas de différence significative en détection de modulation de fréquence entre les dyslexiques et les contrôles.

Sur les tests de démasquage binaural, Hill et al., (1999) ne trouvent pas de différences entre les groupes dyslexiques et contrôles, alors que McAnnally et Stein (1996) mettent

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en évidence une moins bonne détection du signal par les dyslexiques que par les contrôles lorsqu’il est présenté en antiphase entre les deux oreilles.

Enfin, concernant la compréhension de parole dans le bruit, les dyslexiques adultes sont apparus déficitaires en reconnaissance de mot isolés (Dole et al. 2012). Les enfants sont également apparus déficitaires dans la plupart des études (Bradlow et al., 2003; Calcus, Colin, Deltenre, & Kolinsky, 2015; Ziegler et al., 2009). En revanche, Messaoud-Galusi, Hazan et Rosen (2011) n’ont pas mis en évidence de tel déficit sur une population d’enfants, que ce soit en reconnaissance de mots isolés ou de mots dans un contexte.

Comme cette partie le démontre, de nombreuses études ont mis en évidence la présence de TTA chez les dyslexiques, et également nombre d’entre elles ont mis en évidence des corrélations significatives entre les performances auditives et les compétences en lecture ou phonologique. Ramus et al. (2003) par exemple en calculant un score composite pour l’ensemble des tests auditifs trouvent une corrélation