• Aucun résultat trouvé

2. L’effet synergique des odeurs végétales sur les réponses des insectes aux phéromones

2.4. Les techniques pour identifier des phérosynergistes végétau

Les travaux pour identifier les phérosynergistes végétaux sont nombreux dans la littérature. Mais il y a très peu d’exemples aboutissant à un phérosynergiste synthétique compétitif avec le matériel végétal sur le terrain.

Les odeurs de matériaux végétaux sont qualitativement et quantitativement caractérisées à l’aide de couplage chromatographie en phase gazeuse – spectrométrie de masse (CPG- SM). Par exemple, 18 composés isolés à partir de banane inoculée avec de la levure, Saccha-

romyces cerevisiae, (Phelan & Lin, 1991) et sept composés isolés de la pâte à pain de blé inoculé avec de la levure (Lin & Phelan, 1991a) ont été identifiés et quantifiés. Les odeurs de quatre plantes-hôtes de R. palmarum [le cocotier, le palmier à huile, la canne à sucre et

Jacaratia digitata (Solms)] ont été caractérisées à l’aide de CPG-SM à la suite de collectes

successives de leurs effluves au cours de la fermentation où plus de 100 composés ont été identifiés (Rochat et al., 2000a ; Tableau 4).

Parfois des mélanges synthétiques reconstitués à partir de la caractérisation d’odeurs de matériaux végétaux ont montré de l’attractivité ou un effet phérosynergique intéressant sur le terrain. Chez Glischrochilus quadrisignatus (Say) et G. fasciatus (Olivier), le mélange

synthétique d’odeur de pâte à pain (contenant de l’acétaldéhyde, de l’acétate d’éthyle, de l’éthanol, du propanol, du 2-méthylpropanol, du 2-méthylbutanol et du 3-méthylbutanol à des doses individuelles bien précises) a été aussi attractif que la pâte à pain ou la banane inoculée avec de la levure sur le terrain (Lin & Phelan, 1991b). Chez Carpophilus lugubris, ce mélange synthétique a été non seulement aussi attractif que la pâte à pain mais il a montré aussi un effet phérosynergique intéressant sur le terrain (Lin et al., 1992). Chez R. palmarum, les mélanges G et H cités précédemment phérosynergistes compétitifs avec ≈ 600 g de canne à sucre, ont été obtenus par criblage de terrain à partir des données analytiques.

En général deux méthodes ont été utilisées pour sélectionner les molécules ou les mélanges actifs comme les phérosynergistes parmi un nombre très important de composés identifiés chez les plantes-hôtes des insectes :

2.4.1. Les méthodes électrophysiologiques

Les techniques d’électrophysiologie comme l’électroantennographie (EAG), l’enregis- trement unitaire et le couplage de ces méthodes avec la CPG, surtout la CPG-électroantenno- graphie (CPG-EAG ; abrégée en CPG-EAD par certains auteurs), ont été largement utilisées pour cribler les composés actifs d’une odeur végétale au niveau périphérique. Par exemple, chez Anthonomus grandis, les enregistrements unitaires sur l’antenne ont révélé des classes de neurones sélectivement réceptifs aux odeurs de cotonnier : l’odeur de feuille verte, un composé aromatique (bénzaldéhyde), les monoterpènes (linalool et trans-β-ocimène) et les sesquiterpènes (β-caryophyllène et β-bisabolol) (Dickens, 1989 & 1990). Chez Metamasius

hemipterus sericeus, l’acétate d’éthyle, le propionate d’éthyle et le butyrate d’éthyle ont été

détectés au niveau antennaire dans une analyse CPG-EAG de l’odeur de la canne à sucre (Perez et al., 1997). Chez R. phoenicis, l’acétate d’éthyle, le propionate d’éthyle, le propio- nate d’isobutyle, le butyrate d’éthyle et l’isobutyrate d’éthyle ont été détectés au niveau antennaire dans une analyse CPG-EAG avec l’extrait d’odeur de stipe de palmier à huile (Gries et al., 1994a). Chez R. ferrugineus, le pentanol et le hexanol ont été actifs au niveau antennaire dans un criblage des alcools par EAG (Gunawardena & Kern, 1994). Un criblage EAG a été également réalisés avec certains terpènes (Gunawardena, 1994b).

Bien que ces techniques soient efficaces pour un criblage rapide des molécules sémio- chimiques potentiellement actives au niveau antennaire, elles ne peuvent pas indiquer le rôle comportemental des composés sélectionnés.

2.4.2. Les tests comportementaux

Les tests olfactométriques en conditions contrôlées au laboratoire ont été développés pour étudier le rôle des odeurs végétales sur la réponse comportementale des insectes. Les mélanges synthétiques d’odeurs de banane et de pâte à pain ont été respectivement aussi attractifs que la banane pour Carpophilus hemipterus (L.) (Phelan & Lin, 1991) et que la pâte à pain pour Carpophilus lugubris Murray (Lin & Phelan, 1991a) dans les tests de comporte- ment effectués au laboratoire à l’aide d’un tunnel du vol.

Les tests comportementaux ont été également utilisés pour démontrer l’effet phérosy- nergique de matériaux végétaux surtout chez les coléoptères de petite taille comme Sitophilus

zeamais (Walgenbach et al., 1987) et les Nitidulides (Blumberg et al., 1993). Saïd (2003) a validé l'effet phérosynergique du jus de canne à sucre et de l'acétoїne chez R. palmarum dans un olfactomètre à quatre voies modifié pour la grande taille de cette espèce et équipé d'un stimulateur olfactif adapté à la volatilité importante des produits testés.

Dans certains cas, particulièrement chez les insectes de grandes tailles comme les

Rhynchophorus spp., il est difficile d'étudier dans un olfactomètre, l'ensemble de la chaîne

comportementale intervenant dans l'attraction à longue distance par le message olfactif. Contrairement aux lépidoptères ou aux coléoptères de petites tailles comme les Nitidulides, pour lesquels l'étude de la phase de vol jusqu'à la source d'odeur est possible en tunnel de vol, les efforts pour étudier la réponse des grands coléoptères sont limités à une phase de marche à courte distance. Cette phase correspond uniquement à la phase finale de la chaîne comporte- mentale ou à l’accès à la source odorante et ne traduit pas l'attraction des insectes à longue distance par les odeurs. Cette limite conduit souvent à des résultats contradictoires entre le laboratoire et le terrain. Par exemple chez R. ferrugineus, l’éthanol, le propanol, l’isopropanol, le pentanol et l’isopentanol ont été attractifs dans un olfactomètre en Y mais pas sur le terrain (Gunawardena & Gunatilake, 1993 ; Gunavardena & Herath, 1995).

Il est donc nécessaire que l’effet phérosynergique de produits actifs au niveau anten- naire ou au niveau du comportement en olfactomètre soit validé sur le terrain par le piégeage.

Les produits phérosynergiques peuvent être criblés directement sur le terrain par le piégeage. Ainsi, par exemple chez R. cruentatus, l’acétate d’éthyle et le (S)-(-)-lactate d’éthyle ont montré un effet phérosynergique compétitif avec 0,5 kg de stipe de Sabal

palmetto (Walter). Ces produits ont été criblés parmi 28 molécules issues de la fermentation

Dans ce contexte, le présent travail, décrit dans les chapitres suivants, a eu pour but de caractériser un phérosynergiste synthétique pour faciliter l’essor du piégeage de R. ferru-

gineus, dans une perspective d’application agronomique. Nous avons utilisé des techniques

différentes : 1) caractérisation de l’odeur du cœur de dattier à l’aide de CPG-SM ; 2) identifi- cation de composés actifs de l’odeur du cœur de dattier au niveau antennaire par EAG et CPG-EAG et enfin 3) criblage de mélanges ou de produits à propriétés phérosynergiques mis en évidence aux points 1 et 2 ou décrits dans la bibliographie par piégeage sur le terrain.