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Chapitre 3 : Communication spatiale dans un environnement virtuel collaboratif

1 Les systèmes de référence et les représentations spatiales

Un opérateur doit pouvoir effectuer des tâches de localisation ou de manipulation d’objets dans l’espace en fonction de sa perception de l’environnement. Il doit alors commencer par construire une représentation de la situation qui inclut le codage des informations concernant les positions des objets dans l’espace ainsi que les opérations possibles sur ces objets. Cette représentation lui permettra de planifier des actions simples (localiser un objet, saisir un objet, déplacer un objet, déposer un objet,…etc.) ou des actions plus complexes (emboiter deux objets, déplacer un objet en respectant certaines contraintes, décrire la position de l’objet à un partenaire,…etc.). La planification de toutes ces actions sur les objets, ainsi que leurs exécutions, requièrent que la représentation spatiale de l’opérateur soit la plus précise possible. Celle-ci est incluse dans sa représentation globale de la situation.

Pour définir une représentation spatiale de son environnement, un opérateur doit se baser sur ce qu’on appel un système de référence.

1.1

Définitions

Pour coder les coordonnées spatiales d’un objet, un opérateur doit utiliser un système de référence. Cela consiste à utiliser un repère dans l’espace et à donner une direction à celui-ci. On peut définir deux catégories de systèmes de références :

• un système de référence égocentré, • un système de référence exocentré.

Si l’opérateur veut définir la position d’un livre sur une table (voir la Figure 21), il peut le localiser de deux manières différentes : i) par rapport à lui-même : « le livre se trouve sur ma droite», dans ce cas le repère est centré sur le corps de l’opérateur (ou l’observateur). On parle alors d’un système de référence égocentré. L’opérateur peut aussi localiser cet objet ii) par rapport à un autre objet de l’environnement « le livre se trouve sur la gauche de mon écran ». Dans ce cas, le repère est centré sur un objet de l’environnement. On parle alors d’un système de référence exocentré (ou allocentré).

1.1.1

Système de référence égocentré

Dans un système de référence égocentré, c’est le corps de l’observateur (ou une partie de son corps) qui sert de point de repère pour localiser et déplacer les objets de l’environnement. L’observateur se base alors sur les informations proprioceptives le renseignant sur sa propre position et celle de ses segments corporels dans l’espace (Blouin, et al., 1993). Ce système de référence est privilégié lorsqu’il s’agit d’effectuer une action comme saisir un objet, effectuer des rotations mentales, ou viser une cible (Birdgemen, 1999). Le codage de la position spatiale de l’objet est donc déterminé par la perspective de l’opérateur sur l’environnement. Ce système est fortement dépendant de la position de l’opérateur dans l’espace (et de son point de vue).

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1.1.2

Système de référence exocentré

Un système de référence exocentré (appelé aussi allocentré) est construit en se basant sur les indices externes liés à l’environnement de l’opérateur et qui restent stables (fixes) lorsque le corps de celui-ci est en mouvement (Blouin, et al., 1993). Ce type de système est privilégié pour localiser un objet, une personne ou tout simplement une zone de l’espace (faisant référence à un environnement : au milieu, au dessus, devant…). Ce référentiel est approprié pour créer ou accéder à une représentation, lors d’une description spatiale d’une pièce ou encore la lecture d’une carte. Un système de référence exocentré (« point de vue de l’objet ») permet donc d’avoir une vue plus globale de l’environnement (un codage cartographique des informations spatiales).

Figure 21 : Utilisation des systèmes de référence pour localiser un livre ; dans un système exocentré, l’opérateur se base sur un objet latéralisé et fixe (l’écran) pour localiser le livre. Dans un système de référence égocentré l’opérateur

se base sur sa propre position pour localiser le livre. Dans un système de référence exocentré relatif, l’opérateur se base sur la balle qui est un objet non latéralisé pour localiser le livre.

Il est important de faire la distinction entre deux types de systèmes exocentrés :

Un système exocentré absolu

Ce système est lié à un repère absolu dans l’environnement de l’opérateur. Il peut alors s’agir des directions cardinales (nord, sud, est, ouest) ou encore d’un objet fixe et orienté (voir plus loin) dans l’environnement. Par exemple, la présence d’une statue dans l’environnement permet à l’opérateur de localiser les objets par rapport à celle-ci dans un repère absolu (devant, derrière, à gauche ou à droite de la statue). Cette localisation est neutre c'est-à-dire qu’elle est indépendante de la position de l’opérateur dans l’espace. Elle correspond à une vision plus globale de l’environnement.

Pour qu’un objet de l’environnement soit utilisé comme repère absolu il doit donc être fixe et orienté (c'est-à-dire qu’il a une gauche, une droite, un haut, un bas, un devant et un derrière clairement définis). L’orientation de cet objet qu’on appellera à partir de maintenant la latéralisation est alors définie selon les critères fonctionnels de l’objet (Levinson, 2003). Par exemple, l’avant d’un bâtiment est le coté par lequel on entre dans celui-ci et le devant d’une télévision correspond à son écran,…etc.

« Le livre est à ma droite » « Le livre est sur la gauche de l’écran » Représentation spatiale individuelle dans un SR égocentré Représentation spatiale individuelle dans un SR exocentré absolu « Le livre est devant la balle » Représentation spatiale individuelle dans un SR exocentré relatif

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Un système exocentré relatif

Le repère spatial correspond à des objets dont l’orientation dans l’espace n’est pas fixe (un objet mobile) ou impossible à déterminer clairement. Par exemple, une balle n’a pas forcement un devant et un derrière. Dans ce cas, l’opérateur localise les objets en référence à cet objet, mais cette localisation sera également dépendante de son propre point de vue (dans la Figure 21,le livre se trouve « devant la balle » parce qu’il se trouve entre l’opérateur et la balle, si l’opérateur était de l’autre coté de la table, le livre serait vu comme étant « derrière la balle » parce que la balle se trouverait entre lui et l’opérateur).

1.2

Choix du système de référence à utiliser

Selon plusieurs auteurs, le choix d'un système de référence plutôt qu'un autre serait déterminé par : les contraintes de la tâche, la disponibilité des indices contextuels et leur nombre (Carlson-Radvansky & Jiang, 1998; Desmurgeta, Pélissona, Rossettia, & Prablanca, 1998; Verjat, 1994). Ainsi, dans une tâche consistant à effectuer un jugement concernant la position d'un objet (dans un référentiel égocentré ou exocentré), Carlson-Radvansky et Jiang (1998) démontrent que la sélection d'un référentiel égocentré versus exocentré implique l'inhibition du système de référence non sélectionné, ceci se traduisant par une augmentation du temps de réponse lorsque le système de référence dans lequel la réponse doit être produite diffère de celui spécifié par un indice préalable. En opposition à ce résultat, Presson (1980, cité par Verjat, 1994) montre qu’on peut recourir à la fois à un système égocentré et un système exocentré.

Par ailleurs, selon certains auteurs, la présence d’indices contextuels favorise le choix d’un système exocentré. Ainsi, Blouin et al. (1993) observent dans une étude expérimentale que les gestes de pointage vers une cible visuelle sont plus précis en présence d’indices visuels, par rapport à la situation où les pointages sont réalisés dans le noir. Ce résultat laisse penser qu'en présence d'un contexte visuel les opérateurs se place dans un système de référence exocentré.

De sont coté, Verjat (1994) regroupe dans une revue de la littérature, les éléments qui semblent avoir une influence sur le choix d’un système de référence plutôt qu’un autre. Selon elle, les facteurs en question sont :

• L’orientation (ou la latéralisation de l’objet de référence), • Le rôle et les exigences de la tâche à effectuer par l’opérateur, • L’aspect statique ou dynamique de l’opérateur.

Donc le choix d’un système de référence plutôt qu’un autre semble dépendre de plusieurs facteurs. De plus, l’utilisation de différents systèmes de référence simultanément n’est pas impossible.

Ces facteurs seront traités en détails dans la suite de ce chapitre.

1.3

Utilisation des Systèmes de Référence dans les Environnements

Virtuels : Points de vue, navigation et manipulation

On s’intéresse maintenant à l’utilisation des systèmes de référence dans les environnements virtuels. Dans un environnement virtuel en 3D, le point de vue est dicté par la tâche à accomplir. La manipulation du point de vue est une activité essentielle pour réaliser une tâche dans ce type d’environnement (se déplacer par exemple). Non seulement, cette manipulation favorise l’immersion visuelle mais aussi l’exploration de l’environnement 3D et aide donc à la construction dynamique

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d’une représentation spatiale de l’environnement. Lors d’une interaction dans un EV, un utilisateur peut avoir deux possibilités :

• Il peut être « présent » à l’intérieur même de la représentation spatiale de l’EV. Il a alors ce qu’on appel un point de vue à la première personne (first person perspective). C’est le cas par exemple des jeux vidéo FPS (First Person Shooter). Dans ce cas, le champ visuel de l’utilisateur simule celui du personnage qu’il incarne dans le jeu. On parle alors d’une perspective égocentrée (à ne pas confondre avec le système de référence égocentré). Cette perspective favorise l’immersion de l’utilisateur dans l’EV (Leigh & Johnson, 1996),

• L’utilisateur peut aussi avoir un point de vue plus global de la scène. Ce point de vue permet à l’utilisateur de survoler la scène. On parle alors d’un point de vue bird-eye

Plusieurs EV permettent l’utilisation simultanée des deux points de vue. Ceci permet à l’utilisateur d’avoir plusieurs perspectives de son environnement et de pouvoir profiter des avantages de chacune d’elles. Des recherches ont montré que dans un EV, le point de vue égocentré est mieux adapté aux manipulations fines et précises d’objets et aux ajustements (manipulation d’objet au dessus d’une table par exemple) alors que le point de vue global est plutôt préféré pour les manipulations d’objet à plus grande échelle, ou alors pour avoir une idée plus globale sur la disposition des objets dans l’espace (Leigh & Johnson, 1996; Stoakley, Conway, & Pausch, 1995).

ou d’une perspective exocentrée (à ne pas confondre avec le système de référence exocentré). Cette perspective favorise l’exploration de l’EV.

Il sera alors intéressant d’étudier les échanges d’information spatiale dans le cadre d’une situation collaborative impliquant deux partenaires qui ont une perspective égocentrée de l’EV.

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