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LES SYNDROMES THALASSÉMIQUES (28)

Dans le document TRANSFUSION ET THALASSEMIE (Page 51-56)

chapitre1 : diagnostic biologique des thalassémies

II- Physiopathologie des thalassémies

2. LES SYNDROMES THALASSÉMIQUES (28)

Le terme thalassémie est un terme générique pour désigner un tableau clinique résultant d’une diminution quantitative de la synthèse d’une chaîne de globine, c’est-à-dire de la partie protéique de l’hémoglobine. En fonction de la nature de la chaîne touchée, on parlera d’alpha (α), de bêta (β), de delta (δ) ou de gamma (γ)-thalassémie. Cependant, en pratique clinique, seules les deux premières entités sont cliniquement significatives puisque les taux d’HbA2 (α2δ2) et d’Hb F (α2γ2) sont physiologiquement très faibles (< 2 à 3 %) dès l’âge de deux ans environ qui correspond à ce qu’on pourrait appeler la maturité hémoglobinique.

Ce défaut quantitatif de synthèse d’une chaîne de globine pendant l’érythropoïèse entraîne de facto un déséquilibre du rapport ‘α-globine/β-globine’ dans les différentes cellules de la lignée érythrocytaire et in fine dans le réticulocyte et le globule rouge (GR) mature. Pour être exact, il faudrait plutôt parler du rapport ’chaînes de globine de type α/chaînes de globine de type β’. Ce rapport est physiologiquement régulé très finement pour être égal à 1. En d’autres termes, les chaînes de type alpha et de type bêta doivent être synthétisées à tout moment en quantités stœchiométriques car les chaînes libres de globine sont instables et précipitent dans les érythroblastes (surtout les chaînes alpha libres) [29]. Les mécanismes moléculaires sous-tendant cet équilibre de synthèse dans les conditions physiologiques ne sont que très imparfaitement connus et ils sont sans

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doute extrêmement complexes puisque les clusters α- et β-globine sont, on le rappelle, localisés sur des chromosomes différents (16 et 11 respectivement).

Les types d’allèles et d’anomalies β-thalassémiques [30]

Généralités

On distingue schématiquement 3 types d’allèles β-thalassémiques, en fonction de la quantité et/ou de la stabilité des chaînes bêta-globine résiduelles synthétisées par le chromosome 11 atteint :

– allèles β0-thalassémiques : aucune synthèse résiduelle de chaîne β-globine ; – allèles β+-thalassémiques : la synthèse de chaînes β-globine par le chromosome 11 atteint est sensiblement diminuée mais pas inexistante. Quand la diminution de synthèse est vraiment très faible, on parle parfois d’allèle β++-thalassémique ;

– allèles β-thalassémiques dominants (βdom) : synthèse de chaînes β-globine mais ces dernières sont tronquées, allongées ou de séquence anormale en terme de composition d’acides aminés et ne peuvent former de tétramères avec les chaînes alpha-globine. Ces chaînes présentent une grande instabilité et précipitent dans les érythroblastes entraînant une hémolyse prématurée très importante de la lignée érythrocytaire, aussi bien intravasculaire qu’extravasculaire.

Au niveau génétique, les anomalies β-thalassémiques sont représentées à plus de 90 % (en termes de fréquence) par des mutations ponctuelles et des délétions ou insertions courtes (< 3 bases généralement). Les 10 % restants sont constitués par des délétions larges emportant tout ou partie du locus HBB ou de la locus control région (LCR) du cluster β-globine qui gouverne la transcription de l’ensemble des gènes du cluster.

Les mutations β-thalassémiques

Des mutations ponctuelles du gène HBB peuvent donner naissance aux 3 types d’allèles β-thalassémiques décrits plus haut en fonction de leur localisation (figure 3) :

– mutations β0-thalassémiques : il s’agit principalement des mutations touchant le codon d’initiation ou les sites d’épissage (deux premières ou dernières bases d’un intron). Dans le premier cas, l’étape de transcription sera complètement abolie ; dans le second, c’est l’épissage du pré-ARNm β-globine qui sera totalement annihilé par l’absence des séquences consensus d’épissage en début (GT) ou en fin d’exon (AG). Les mutations non-sens et les délétions/insertions courtes entraînant un décalage du cadre de lecture (frame-shift en anglais) donnent également naissance à des allèles β0-thalassémiques mais uniquement quand ces anomalies touchent les deux premiers exons du gène. En effet, dans ce cas-là, l’ARNm bêta est dégradé prématurément par la machinerie cellulaire (système NMD pour non-sense mediated decay) avant l’étape de traduction, ce qui évite la synthèse d’une chaîne de globine très anormale et instable [31] ;

– mutations β+-thalassémiques : il s’agit souvent de mutations au niveau des séquences promotrices du gène HBB qui ont pour conséquence une fixation moindre (mais pas nulle) des facteurs de transcription. Les zones concernées sont principalement les boîtes TATA, CAAT et la boîte CACCC qui est dupliquée. Peuvent également appartenir à cette catégorie des mutations introniques (hors des sites d’épissage) qui créent des sites alternatifs d’épissage et diminuent ainsi l’efficacité de l’épissage normal sans l’abolir totalement et des mutations au niveau de la région 3’-UTR (un-translated région) qui affectent l’addition de la queue poly-A à l’ARNm épissé ;

– mutations β-thalassémiques dominantes : elles sont relativement rares mais très importantes à diagnostiquer car elles sont associées à une expression clinique

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relativement sévère, même à l’état hétérozygote, en raison de la composante hémolytique associée. Il s’agit typiquement de mutations faux-sens ou ‘frame-shift’ au niveau de l’exon 3 du gène HBB. En effet, dans ce cas-là, le système NMD n’est pas activé et l’ARNm β ‘anormal’ s’accumule ce qui entraîne une apoptose des érythroblastes. Un ou deux exemples de chacune de ces catégories de mutations sont répertoriés dans le tableau 2 et une liste quasi exhaustive de toutes les mutations bêta-thalassémiques décrites à ce jour est disponible sur le site HbVar.

Tableau 2 : Quelques exemples des différents types de mutations β-thalassémiques. Type de mutation Localisation sur HBB Nomenclature usuelle Nomenclature HGVS HbVar ID β0-thal. Codon initiation Codon 0 ATG->ATT HBB:c.3G>T 780

Exon 1 Codon 39 (C->T) HBB:c.118C>T 845 Site épissage IVS-I-1 (G->A) HBB:c.92+1G>A 817

β+-thal. Promoteur -88 (C->T) HBB:c.-138C>T 756 Intron 1 IVS-I-5 (G->A) HBB:c.92+5G>A 822

β-thal dominante

Exon 3 Codon 124 (-A) HBB:c.375delA 954

β-thal silencieuse 3’-UTR – Site polyA Poly A (T->C) ; AATAAA->AACAAA HBB :c.*+110T>C 968

HGVS: Human genome variation society ; HbVar ID : identification sur HbVar

Les larges délétions β-thalassémiques

On en distingue de deux types principaux, l’un relativement fréquent et l’autre extrêmement rare :

– délétions emportant le gène HBB (figure 4) : elles emportent soit le gène HBB uniquement (β0-thal.), soit les gènes HBD et HBB ((δβ)0-thal.) soit l’intégralité du cluster β-globine ((εγδβ)0-thal.). Les conséquences hématologiques sont les mêmes à l’âge adulte que celles des allèles β0-thalassémique à la différence près que le taux d’HbA2 n’est pas augmenté dans les deux derniers cas. Certaines délétions qui emportent les gènes HBB, HBD et parfois HBG1 induisent une persistance de l’HbF à l’âge adulte qui atténue le phénotype delta-bêta-thalassémie en bloquant la commutation γ vers β qui se produit normalement entre 3 mois et 2 ans. Ce blocage est dû à la délétion de la région située entre les gènes Aγ et δ, zone de fixation de la protéine BCL11A indispensable à la répression des gènes gamma de globine à l’âge adulte [32] ;

– délétions emportant la locus control région (LCR) : il s’agit de délétions plus ou moins larges qui emportent tout ou partie de la région qui régule la transcription de l’intégralité du cluster β-globine.

Les délétions décrites au niveau de cette région semblent indiquer que c’est la région HS3 qui est primordiale pour la transcription du cluster β-globine puisque son absence est le point commun à toutes les délétions de ce type entraînant une (εγδβ)0-thalassémie [33]. Au niveau hématologique, l’hypochromie et la microcytose apparaîtraient dès la vie embryonnaire puisque les gènes HBE, HBG1 et HBG2 d’expression embryonnaire et fœtale sont également inactivés.

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Tableau 3 : Les caractéristiques génétiques et cliniques des bêta-thalassémies

Variante Chromosome 11, anomalies génétiques Signes et symptômes Trait bêta-thalassémique Une Aucuns Bêta-thalassémie intermédiaire

Deux, diminution légère à modérée de la synthèse de

globine bêta

Gravité variable des symptômes de thalassémie majeure Bêta-thalassémie majeure Deux; diminution importante de la synthèse de globine bêta Gonflement abdominal, retard de croissance, irritabilité, ictère, pâleur, anomalies squelettiques,

splénomégalie; transfusions sanguines

requises toute la vie Traduit avec l’autorisation de Alpha and beta thalassemia, le 15 Août 2009, vol. 80, no 4, American Family Physician Copyright ©2009 American Academy

of Family Physicians. Tous droits réservés. Physiopathologie alpha thalassémie (34)

L’alpha-thalassémie est due à une anomalie de l’hémoglobine. L’hémoglobine est constituée de quatre « briques », appelées chaînes, assemblées entre elles.

En cas d’alpha-thalassémie, les chaînes α sont produites en plus petite quantité, ce qui conduit à l’impossibilité de fabriquer suffisamment d’hémoglobine et donc à une diminution de la quantité d’hémoglobine dans les globules rouges.

La fabrication des chaînes α est commandée par deux gènes alpha, α1 et α2, localisés sur le chromosome 16. En fait, comme chaque personne possède deux exemplaires de tous ses chromosomes, elle possède deux chromosomes 16 et donc deux exemplaires des gènes α1 et α2, soit quatre gènes α. Lorsqu’un seul, ou deux, des quatre gènes a est altéré (muté), il n’y a aucune conséquence pour la santé ou alors seulement très légère. L’anomalie de trois gènes α entraîne des symptômes souvent modérés, voire exceptionnellement sévère (alpha-thalassémie intermédiaire). La variabilité de sévérité est due, dans ce cas, au fait que les deux gènes α1et α2 ne sont pas équivalents en terme de production de chaîne α. Par conséquent, selon que les mutations affectent deux gènes α, un gène α1 et un gène α2, ou deux gènes α2, elles n’ont pas les mêmes répercussions sur la production de chaîne α. Enfin, si les quatre gènes α sont mutés, la vie n’est, en règle générale, pas possible (mort in utero).

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Tableau4 : Récapitulatif des α thalassémies [35]

Tableau 5 : Les caractéristiques génétiques et cliniques des alpha-thalassémies (ORPHANET)

Variante Chromosome 16,

délétion d’allèles Signes et symptômes

Porteur silencieux

d’alpha-thalassémie Un sur quatre Aucuns Trait alpha-thalassémique Deux sur quatre Aucuns Hémoglobine Constant Spring Production réduite de

globine alpha Silencieux ou légers Alpha-thalassémie intermédiaire

avec présence importante d’hémoglobine H

(hémoglobinose H)

Trois sur quatre Anémie hémolytique modérée à grave, érythropoïèse inefficace dans une moyenne mesure, splénomégalie, changements osseux variables Alpha-thalassémie majeure avec

présence importante d’hémoglobine de Barts (hydrops fetalis de Barts)

Quatre sur quatre Hydrops fetalis non immun, généralement fatal

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III. Clinique des thalassémies

Dans cette rubrique on parlera des manifestations cliniques des thalassémies et de leur transmission génétique.

A.Les alpha thalassémies (36)

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