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I. Etat de l’art

2. Les stratégies de lutte intégrée contre le PGI

En réalité, l’évolution des connaissances en termes de gestion des contraintes de l’environnement sur les productions agricoles conduit depuis quelques années les scientifiques et les professionnels à reconsidérer leurs pratiques pour le développement de systèmes agricoles innovants, équilibrés et durables. En résumé, il convient mieux de s’adapter à ces contraintes que de chercher à y remédier (Archimede et al, 2014; Mandonnet et Ceresita, 2016). C’est dans cet objectif qu’un modèle de lutte intégrée contre le parasitisme gastrointestinal (PGI) a été développé à l’URZ (Mahieu et al, 2009) tel que représenté par la figure 2. Cette méthode combine plusieurs techniques de contrôle du PGI qui en fonction de leur application à long ou court terme seront abordées dans le chapitre suivant.

Figure 3. Schéma de lutte intégrée contre le parasitisme gastrointestinal (PGI ; Mahieu et al, 2009).

2. Les stratégies de lutte intégrée contre le PGI

Sur la thématique du parasitisme des petits ruminants deux principaux axes de recherches sont développés, à long et moyen-court terme (figure 3).

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Figure 4. Représentation des différentes stratégies de la lutte intégrée selon un gradient du temps.

2.1. Les stratégies applicables à long terme

2.1.1. La sélection génétique

Il s’agit d’améliorer la réponse de l’hôte contre les infestations par les NGI par la sélection de lignées ou de races d’animaux génétiquement résistants et/ou résilients. En effet, une part significative de la variabilité individuelle de la résistance vis-à-vis des infestations par les NGI est sous contrôle génétique (Mandonnet et al, 2001; Baker et al, 2003). La faisabilité de différents programmes d’amélioration génétique a été étudiée dans le monde, à la fois en zones tempérées et tropicales, principalement chez les ovins et beaucoup moins chez les caprins (Mandonnet et al, 2001). Il a été mis en évidence dès 2001, une variabilité génétique de la résistance des caprins Créoles vis-à-vis des NGI. La plupart du temps, les programmes de sélection s’appuient sur le phénotypage de caractères pertinents tels que des performances zootechniques (e.g. croissance post-sevrage), des mesures d’anémie (certains nématodes sont hématophages), d’éosinophilie sanguine et d’OPG (nombre d’œufs par gramme), dans des conditions d’infestation naturelle (au pâturage) ou expérimentale (Gunia et al, 2011, Gunia et al, 2013a). Une évaluation économique de ces caractères a été réalisée de manière à avoir une vision concrète de leur impact au niveau des élevages (Gunia et al, 2013b). La caractérisation des mécanismes sous-jacents à la résistance génétique, devrait permettre d’identifier de nouveaux biomarqueurs de la résistance et/ou de la sensibilité, qui permettraient d’améliorer l’efficacité des schémas de sélection en allégeant les protocoles de phénotypage classiques.

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Récemment, une équipe américaine a démontré que l'interleukine13 (IL-13) était à l’origine du renforcement du péristaltisme intestinal provoquant le détachement des parasites de la paroi intestinale (Corley et Jarmon, 2012). Ainsi, les chèvres résistantes aux parasites exprimeraient plus d’IL-13 que les chèvres sensibles, ce qui indique l'expression d'IL-13 comme biomarqueur potentiel pour identifier les chèvres résistantes à Haemonchus.

2.1.2. La vaccination

L’approche vaccinale, nécessite l’identification d’antigènes de protection des NGI qui affectent le plus les petits ruminants. Malgré les efforts de recherches dans ce domaine (Matthews et al, 2016), les résultats des essais conduits jusqu’à aujourd’hui restent assez mitigés. Les nombreux antigènes testés (recombinants ou non) ont permis de diminuer la charge parasitaire de 30 à 40% (Nisbet et al, 2013) par exemple pour Teladorsagia

circumcincta. Ce niveau de protection pourrait s’avérer suffisant si l’approche vaccinale

s’inscrit comme pour les autres approches, dans un schéma de lutte intégrant différentes méthodes (Torres-Acosta et Hoste, 2008; Mahieu et al, 2009). Il reste néanmoins à évaluer cette approche pour les autres espèces de NGI qui prévalent chez les petits ruminants (i.e. H.

contortus, T. colubriformis). Récemment, il a été développé un vaccin contre Haemonchus

nommés « Barbervax® ». Les tests réalisés sur les moutons donnent des résultats prometteurs mais insuffisants pour une commercialisation (Besier, 2014). Mais dans tous les cas, la formulation du vaccin qui sera développée pour l’espèce caprine devra être efficace à tous les stades physiologiques car les chèvres ne développent pas la même immunité à Haemonchus que les moutons (Hoste et al, 2010).

2.2. Les stratégies applicables à moyen-court terme

Des stratégies à plus court terme, parfois déjà mises en œuvre sur le terrain, font également l’objet de nombreux travaux qui ont pour objectifs d’une part d’affiner la compréhension des mécanismes sous-jacents pour une application plus efficiente et d’autre part d’optimiser l’intégration de ces différentes méthodes.

2.2.1. La gestion du pâturage

La gestion des pâturages a été stratégiquement utilisée pendant des décennies en combinaison avec les traitements anthelminthiques et le concept de refuge parasitaire dans le but de réduire

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la contamination des pâturages et le taux de ré-infestation par les NGI (Bailey et al, 2009). La détermination du mode de gestion du pâturage adéquat repose sur la connaissance de l'épidémiologie des parasites et de leurs interactions avec l'hôte dans des conditions climatiques données (Barger, 1999). Ainsi l’objectif de cette stratégie est de trouver un compromis entre le risque d'infestation par NGI (Aumont et al, 1991) et la valeur (Archimède et al, 2000) du fourrage disponible (Cruz et al, 1989). Elle a conduit à suggérer un séjour des animaux d’une semaine sur une parcelle donnée et quatre semaines de repousse entre deux passages des animaux sur la même parcelle (Mahieu et al, 2011). Par ailleurs, un autre moyen efficace est la réduction du taux de chargement en petits ruminants qui permet de diluer le risque parasitaire (Mahieu, 2013). En termes de stratégie de dilution, il peut aussi être développé un système au pâturage associant des animaux avec des niveaux de résistance et/ou une réceptivité à des espèces de NGI différentes (Mahieu, 2014, d’Alexis et al, 2014).

Il a été suggéré que d'autres techniques semi-industrielles telles que les champignons nématophages (Chandrawathani et al, 2002) et la faune coprophage (d'Alexis et al, 2009) pourraient être utilisées pour réduire la contamination du pâturage.

2.2.2. Les traitements sélectifs ciblés

Cette stratégie a pour objectif de réduire la pression de sélection créée par une utilisation trop systématique des anthelmintiques et donc l’émergence de souches de NGI résistantes. La méthode FAMACHA©, mise au point par une équipe Sud-Africaine, consiste à limiter l’utilisation des anthelmintiques au sein d’un troupeau en ne traitant que les animaux les plus infestés qui sont identifiés grâce à une notation de la couleur de la muqueuse occulaire qui reflète le niveau d’anémie (van Wyk et Bath, 2002). De cette manière la pression de sélection des anthelmintiques ne s’exerce pas sur toute la population de NGI mais au sein d’un troupeau grâce à la présence d’animaux « refuges » qui hébergent des NGI sans pour autant diminuer leur niveau de production (i.e. croissance, lait…). Cette méthode a été adaptée avec succès aux caprins Créole en conditions d’élevage locales (Mahieu et al, 2007).

2.2.3. Les plantes anthelminthiques

L’utilisation de ressources végétales contenant des substances actives ayant des propriétés anthelminthiques est également un moyen permettant de réduire l’utilisation des anthelmintiques de synthèse (Marie-Magdeleine et al, 2010; Hoste et al, 2012). Ces ressources étaient utilisées par les fermiers et les soigneurs traditionnels afin de traiter le parasitisme et

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améliorer les performances du bétail. Il a été démontré l’effet anthelmintique contre les NGI des petits ruminants de ces ressources dans différentes régions du monde (Hammond et al, 1997; Akhtar et al, 2000; Githiori et al, 2006) et singulièrement en Guadeloupe (Marie-Magdeleine, 2009). Le possible effet positif des métabolites secondaires issus des plantes comme complément dans la ration du bétail inclut des propriétés antioxydantes et anthelminthiques. Les tannins condensés (TC) ont montré des effets biologiques qui peuvent aider dans le contrôle des parasites internes résistants aux vermifuges et ainsi les TC présents dans les ressources végétales ont le potentiel d’être une des composantes des programmes de contrôle des parasites résistants (Athanasiadou et al, 2007; Hoste et al, 2005; Mahieu et al 2009).

2.2.4. La complémentation alimentaire

La dernière stratégie à moyen-court terme vise à améliorer la capacité de l'hôte à tolérer les effets négatifs (résilience) ou à contrôler les infestations par les NGI (résistance) par la complémentation alimentaire. De nombreux travaux montrent que l’amélioration du statut nutritionnel, permet de moduler la réponse de l’hôte en augmentant l’expression de nombreux médiateurs de la réponse antiparasitaire. Selon Houdijk et al (2012), la stratégie de complémentation doit tenir compte de la qualité nutritionnelle de la ration des animaux sous contrainte parasitaire au travers des apports protéiques et énergétiques. Chez les ruminants, les apports protéiques sont d’origine alimentaire et microbienne. Les protéines microbiennes seraient déficitaires en acides aminés indispensables à la synthèse de certaines molécules du système immunitaire (Houdijk et al, 2012). Tandis que, les protéines alimentaires auraient un profil d’acides aminés plus équilibré et efficient pour la synthèse de ces molécules. Ainsi, il serait préférable de complémenter en protéines les petits ruminants sous contrainte parasitaire. Par ailleurs, la complémentation énergétique favorise le développement de la flore ruminale et consécutivement la synthèse de protéines microbiennes.

Malgré ce constat, la part des protéines de la ration par rapport à l’énergie reste encore très discutée. En effet, la mise en place d’une réponse immunitaire est coûteuse à la fois en protéines et en énergie à cause des besoins métaboliques des cellules immunitaires, la synthèse des médiateurs de l’immunité et la réparation des tissus inflammatoires (Lochmiller et Deerenberg, 2000).

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Les conséquences métaboliques majeures du parasitisme sont un accroissement des besoins

énergétiques d’entretien se traduisant par une augmentation de la chaleur d’où l’apparition de fièvre (Verstegen et al, 1991) et une réduction de 30% de la digestibilité de l'énergie et des protéines de la ration (Dakkak, 1995). Les minéraux et les vitamines sont également nécessaires au développement d’une réponse immunitaire (Koski et Scott, 2003; McClure, 2008). Le parasitisme influence le métabolisme des os à travers des modifications d’absorption du phosphore et du calcium menant à une réduction de la croissance osseuse (van Houtert et Sykes, 1996). Les oligo-éléments (cuivre, Bang et al, 1990; sélénium, Mc Donald et al, 1989) peuvent impacter la résistance de l’hôte. Leur effet anthelminthique est visible aussi bien en influençant le métabolisme de l’hôte que le niveau de complémentation et améliorerait le niveau de minéralisation de l’hôte. Le rôle des micronutriments est relativement non décrit.

La problématique autour de la complémentation. La complémentation nutritionnelle est

depuis longtemps considérée comme un outil pour le contrôle des infestations par les NGI. Des essais croisant les effets de la complémentation nutritionnelle et du parasitisme par les NGI ont montré qu’une augmentation de la complémentation (protéique et/ou énergétique) réduit les pertes de production et les taux de mortalité (Sykes et Coop, 2001; Walkden-Brown et Kahn, 2001). C’est la raison pour laquelle nous ferons un état des lieux des interactions entre la nutrition et le parasitisme sous la forme d’une synthèse bibliographique quantitative. Ensuite nous utiliserons la puissance de l’outil statistique pour quantifier et prédire les effets du parasitisme sur les performances animales et l’effet de la nutrition sur les réponses animales au travers d’une méta-analyse.

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INTERACTION NUTRITION*PARASITISME :

SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE

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