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2. L’HETEROGENEITE DE LA LIAISON « TGV-DEVELOPPEMENT DES TERRITOIRES » :

2.3. Mise en évidence de l’hétérogénéité des potentialités d’usage dans les villes étudiées

2.4.1. Des stratégies d’appropriation diverses de la part des acteurs publics 47 

2.4.1.1. Les stratégies d’appropriation en termes de transport 47 

Dans le contexte spécifique des grands projets d’infrastructures, les acteurs locaux n’ont généralement qu’une faible marge de manœuvre pour ce qui concerne les décisions d’investissement. Ils peuvent toutefois intervenir en amont pour négocier la desserte. Ainsi à Lille, c’est Pierre Mauroy, fort de son intervention dans le dossier du Tunnel sous la Manche, qui rassemble les élus dès 1987, au sein de l’association « TGV-gares de Lille », pour faire en sorte que les TGV Nord et Transmanche se croisent à Lille et non en Picardie, comme prévu initialement. Ces élus financent alors la moitié du surcoût de la desserte à Lille.

Des gares TGV urbaines ont ainsi émergé au cœur des villes (Lille-Europe, Lyon Part-Dieu) ou leur périphérie (Massy, Marne-la-Vallée). Les dessertes TGV ont aussi permis de rénover des gares anciennes (Le Mans, Marseille Saint-Charles), il a enfin créé des gares-aéroports (Roissy CDG, Lyon Saint-Exupéry) (Troin, 2010). Les élus sont donc les promoteurs de ces gares nouvelles. Certes, ils ne sont pas les seuls acteurs dans ce “jeu” ferroviaire, la SNCF

48 et RFF faisant des propositions et arrêtant les décisions après avis de l’État. Comme le rappelle Manonne (2010), les choix d’implantation de gares résultent d’un arbitrage entre enjeux et contraintes, dictés par l’organisation de l’espace et susceptibles de modifier les structures et dynamiques spatiales. Les contraintes, quel que soit le niveau d’échelles, sont de trois types :

 contraintes techniques liées aux caractéristiques des LGV et aux modalités d’exploitation de la gare ;

 contraintes physiques, réglementaires, environnementales et paysagères liées à l’insertion spatiale des lignes et des gares ;

 contraintes financières imposées par la maîtrise des coûts d’infrastructures.

Mais dans les compromis (par exemple une gare pour deux villes dans le cas de Metz et Nancy), le partage des financements, le mixage du technique (une gare de plein champ ne nuit pas à la vitesse élevée souhaitée par l’exploitant pour relier les villes principales entre elles et autorise des dépassements de rames) et du politique (“la gare nouvelle sera le fer de lance de notre développement économique”), les élus locaux ont de grandes responsabilités (Troin, 2010).

Si cette négociation de la desserte est possible pour les plus grandes villes et elle l’a été pour Lille ou encore Reims, elle reste cependant difficile pour les villes petites et moyennes. Ainsi, la desserte de la gare de Saverne par le TGV était expérimentale pour deux ans. Si elle est à ce jour maintenue la deuxième phase de la LGV Est-européenne risque de la supprimer. Le déploiement du TGV peut donc conduire à une réduction importante des gares desservies (même si le nombre de gares TGV augmente). Si les grandes agglomérations continuent à être bien irriguées, des agglomérations de taille petite et moyenne sont parfois mises à l’écart. Et la desserte de ces gares ne peut se maintenir sans une mobilisation forte de la population, du monde associatif et des élus, comme ce fut le cas à Auray.

b) Pour améliorer l’intermodalité

Il s’agit également d’organiser un maillage du territoire régional par des dessertes TER, ou des agglomérations par des dessertes urbaines et de créer d’indispensables pôles d’échanges. Ainsi sur la LGV Est, alors que la DUP prévoyait a minima l’organisation de la desserte TGV dans la région Champagne Ardenne, la négociation prévue par la loi SRU devait permettre de construire le nouveau périmètre TER et d’optimiser les dessertes suivant les facteurs économiques et sociaux, le potentiel d’usagers, d’optimisation des capacités, et d’aménagement du territoire. Le conseil régional Champagne-Ardenne et le conseil général des Ardennes ont ainsi financé un raccordement TER entre le réseau TER et la gare Champagne-Ardenne afin d’améliorer cette irrigation.

De la même manière, à la fin des années 90, les élus régionaux du Nord - Pas-de-Calais ont également engagé une réflexion pour une utilisation régionale de la LGV. Il s’agissait de faire du TER GV un véritable outil d'aménagement du territoire. Le concept développé repose sur un principe simple : « toutes les agglomérations de la Région à moins d'une heure de la métropole lilloise ». L'objectif est de rapprocher les territoires régionaux de Lille, métropole "locomotive", pour faciliter l'accès à l'emploi et aux études. Le TGV a donné à Lille une véritable identité internationale. Les premiers TER-GV ont ainsi vu le jour en 2000, la SNCF étant au départ réticente à ce service régional.

A Metz, les acteurs semblent également partager le constat que le réseau TER suite à la mise en place de la desserte TGV a permis de faire bénéficier le territoire le plus largement possible du service TGV. Quelques lignes ont été modifiées et les horaires des TER ont été revus pour faciliter l’interconnexion avec le TGV. Néanmoins, la localisation de la gare Lorraine, au milieu de nulle part et non reliée au réseau TER peut poser question.

49 L’interconnexion avec le réseau urbain a pour sa part peu évolué. En effet, un projet de 2 lignes de BHNS dit « Mettis » est en cours de réalisation à Metz. Il permettra d’améliorer l’accessibilité de la gare de Metz qui est confrontée à une congestion forte de son quartier et plus globalement du centre-ville avec des vitesses commerciales des bus très faibles. Mais au moment de la mise en service de la LGV, peu de choses avaient changé.

Ce n’est pas le cas à Lille où dès le départ, le prolongement de la ligne du VAL en 1995 permet d’accéder à la nouvelle gare Lille Europe, dotée en outre d’un nouvel arrêt de tramway depuis 1994. L’ensemble du dispositif de transports publics contribue ainsi à unifier la métropole à travers un renforcement de la centralisation des dessertes ferrées communautaires sur les deux gares de Lille.

Il en va de même à Nantes, où les transports urbains ont toujours constitué un axe structurant de la ville. Nantes a en effet été la dernière ville à arrêter le tramway et la première à le remettre en service. De nombreuses innovations sont depuis venues améliorer la qualité des transports urbains à Nantes : chronobus, tram-train.

L’accessibilité urbaine à la gare reste également développée en parallèle avec la mise en place de parkings dédiés, même si de nouvelles formes d’accès se développent (vélos, etc.). De même, la desserte en tramway de la gare Champagne-Ardenne (qui n’était pas initialement prévue) traduit cette volonté d’irriguer le territoire de l’agglomération rémoise en améliorant l’intermodalité.

Dans les plus petites villes en revanche, ce type d’actions n’a pratiquement pas été évoqué, compte tenu de leur taille.

Figure 4 Station de V’Lille à la gare Lille Europe