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PARTIE 2 CADRE THEORIQUE

II. Les stratégies d’apprentissage

Lorsqu’il effectue un travail de conception d’un outil didactique, le concepteur planifie les tâches dans le but d’induire un comportement particulier de la part des apprenants. De par la consigne, la présentation et le découpage des tâches, des questions, l’organisation du contenu et l’agencement entre les tâches intermédiaires, le concepteur influence indirectement le comportement des apprenants. La tâche prescrite est de cette manière définie par les didacticiens, en s’inspirant de l’ergonomie, comme ce qui est

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attendu par le didacticien, ou ici concepteur de tâche web, à opposer à la tâche réalisée qui est ce qui est réellement compris et réalisé par les apprenants.

Nicolas Guichon (2006 : 89) met en avant l’intérêt pour un didacticien de s’intéresser à l’écart entre cette tâche prescrite et la tâche réalisée, pour déterminer l’adéquation ou les insuffisances dans les conditions de la tâche et de l’environnement de travail proposé à l’apprenant. Dans le but d’appréhender la tâche réalisée, et de mieux comprendre cet écart, il convient de prendre en compte l’intention qui est ce qui conduit l’apprenant à se représenter l’action, à planifier et à déclencher le processus de résolution

Cela nous amène à nous pencher sur les stratégies mises en œuvre par les apprenants dans le processus de résolution de la tâche.

1. Les différents types de stratégies

Dans l’étude de la phase d’expérimentation de notre mémoire, nous nous intéresserons aux stratégies auxquelles les apprenants auront eu recours pour résoudre les différentes tâches, et nous tenterons d’opposer ces stratégies à celles mises en œuvre lors d’interactions orales en présentiel, puis d’analyser les résultats produits par les apprenants à la lumière des stratégies mises en œuvre.

Il convient pour cela de s’intéresser à cette notion de stratégie. De Villers, (1992), cité par Cyr (1996 : 4) définit les stratégies comme un ensemble d’opérations conscientes permettant d’atteindre un objectif. Dans le domaine de l’apprentissage des langues, Faerch et Kasper (1983), puis O’Malley et Chamot (1990) distinguent tout d’abord les stratégies de communication qui peuvent être mises en avant quand l’apprenant se focalise principalement sur le maintien de l’échange. Les stratégies d’apprentissage au contraire sont mises en œuvre lorsque l’apprenant souhaite acquérir, intégrer et réutiliser la langue cible. D’autre distinctions peuvent être opérées, comme Cohen (1996, 1998, 2003) qui différencie les stratégies d’apprentissage (ce que fait un apprenant pour apprendre) et les stratégies d’usage (ce que fait un apprenant pour utiliser ce qu’il a déjà appris) de la manière suivante (Cohen 1996 : 2, cité par Tang 2012) : « tandis que les stratégies d’apprentissage d’une langue ont un objet explicite d’aider l’apprenant à améliorer ses compétences de la langue cible, les stratégies d’usage se concentrent principalement sur l’emploi d’interlangue chez l’apprenant ». Selon Cohen, trois types de stratégies d’apprentissage peuvent être identifiées : métacognitives (vise à faire réfléchir sur le processus d’apprentissage), cognitives (elles désignent les manipulations sur les structures

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de la langue, comme la pratique, la mémorisation, la déduction …), et les stratégies socio- affectives qui impliquent une interaction avec d’autres locuteurs (poser des questions, coopérer).

2. Stratégie, attention et apprentissage

Dans tous les cas, les stratégies sont consciemment mises en œuvre par les apprenants. Pour Chamot (2004 : 14) les stratégies d’apprentissage sont des pensées et des comportements conscients que l’apprenant utilise pour atteindre un but dans son apprentissage. L’attention peut être périphérique ou focalisée selon Schmidt (1994), cité dans Huot et Schmidt (1996). Pour ce dernier, l’apprenant doit être capable de les identifier quand on les interroge sur ce qu’il vient de faire ou de penser. Cela s’oppose donc au processus tel qu’il est décrit par Cohen, (2007 : 33) : « Une fois qu’un processus est automatique, il ne peut plus être une stratégie, car l’automatique signifie que l’habitude est l’inconscient dans ce contexte ».

Cette idée est accentuée par le modèle développé par Oxford (2011) qui montre que les stratégies d’apprentissage autorégulé sont des tentatives volontaires visant à gérer et à contrôler les efforts pour apprendre une L2, et sont de ce fait, en reprenant Afferbach, Pearson et Paris (2008) « des actions enseignables que les apprenants choisissent parmi des alternatives et emploient pour leur apprentissage ». Mais à la différence de Cohen, le modèle n’opère pas de distinction entre les stratégies d’apprentissage et d’usage.

Pour Winne et Perry (2000) cité par Oxford (2011 : 31) la mise en application de ces stratégies est définie sous le terme de « tactique ». Ils les définissent de la manière suivante « les tactiques sont des manifestations concrètes d’une stratégie ou d’une métastratégie par un apprenant particulier dans un contexte donné pour un but précis. […] En comparaison, les stratégies sont larges et générales et beaucoup de tactiques possibles peuvent se rapporter à une stratégie ».

Enfin, rappelons que le CECRL (2001 : 114) relie la notion de stratégie avec celle d’autonomie, puisque selon le texte, l’autonomie dans l’apprentissage d’une langue étrangère est caractérisée par le fait que l’apprenant est capable d’identifier son propre style cognitif et de développer ses propres stratégies d’apprentissage. L’interaction asynchrone, par le fait qu’elle amène l’apprenant à mettre en place des stratégies d’apprentissage, contribue donc au développement de l’autonomie de l’apprenant.

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3. Les stratégies lors de la réalisation des tâches.

Dans le but de confronter la tâche prescrite avec le résultat attendu lors de notre processus expérimental, ou pour reprendre la formulation de Mangenot (2011 : 8) de « confronter la conception pédagogique initiale avec la réalité du comportement des acteurs », nous allons nous intéresser aux stratégies mises en œuvre par les apprenants lors de la réalisation des tâches de notre unité test.

Dans son étude sur l’utilisation du téléphone mobile, Kim (2014) demandait à ses apprenants de réaliser des enregistrements vidéo sur une thématique donnée, en réponse à la vidéo d’un natif. Elle a alors pu relever, en interrogeant par la suite les apprenants dans des entretiens, trois stratégies utilisées par les apprenants qui devaient produire des enregistrements vidéo :

• Lire un texte préparé (et le cacher dans la vidéo) • Réciter un discours préalablement rédigé et mémorisé • Improviser à partir d’une prise de notes.

Dans ces entretiens, les apprenantes lui ont confirmé qu’elles regardaient les contributions des autres « pour s’inspirer avant de faire leurs propres réalisations et aussi les comparer aux réalisations des autres ». Il s’agit là aussi d’une stratégie. Il pourra être intéressant dans notre relevé d’information d’interroger les apprenants là-dessus.

L’observation et l’analyse des productions peuvent également aider le didacticien à mettre en évidence les stratégies utilisées par les apprenants pour réaliser les productions orales, par exemple, en tentant d’identifier la présence ou l’absence d’hésitations : pour Kebrat-Orecchioni (2005 : 33) « les hésitations se manifestent souvent dans l’oral improvisé lorsque les interlocuteurs font une conversation au quotidien. »

Kim (2014 : 202) distingue trois catégories pour classer les stratégies de production orale employées : plus ou moins grande spontanéité, répétition intense, mémorisation.

Nous tenterons de la sorte d’identifier les stratégies mises en œuvre par les apprenants lors de la réalisation des tâches de notre expérimentation, à travers l’étude de leurs productions orales, mais également en les interrogeant directement sur ces stratégies.

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Chapitre 4 – Le choix de l’interaction orale