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Les sphingosine kinases

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La voie Sphingosine kinase / Sphingosine 1 phosphate

2. La voie SphKs/S1P

2.1. Les sphingosine kinases

Les sphingosine kinases (SphKs) sont des lipide-kinases qui, en présence d’ATP, catalysent la phosphorylation de la sphingosine en S1P. Ces enzymes ubiquitaires sont très conservées au cours de l’évolution puisque des séquences putatives ont été mises en évidence dans une trentaine d’espèces réparties dans quatre règnes du vivant. On les retrouve ainsi chez les microorganismes unicellulaires, les insectes et les végétaux. Chez les mammifères, l’activité sphingosine kinase a été mise en évidence pour la première fois dans les années 1970 dans le foie de rat, le cerveau de bœuf et les plaquettes humaines (Keenan and Maxam 1969, Stoffel et al. 1973, Louie et al. 1976). Deux enzymes, aux origines géniques différentes, sont responsables de cette activité, il s’agit de la SphK1 et la SphK2, nommées selon leur ordre de découverte et de caractérisation. La SphK1 a été purifiée pour la première fois par le groupe de Sarah Spiegel à partir d’un rein de rat puis chez la souris (Kohama et al. 1998, Olivera and Spiegel 1998). Ce même groupe a découvert la forme humaine de la SphK1 par homologie de séquence avec celle de la souris, puis a identifié les formes murine et humaine de la SphK2 (Liu et al. 2000a, Nava et al. 2000). La SphK1 et la SphK2 présentent des différences d’expression lors du développement embryonnaire de la souris, la SphK2 étant exprimée plus tardivement, ainsi que des différences de distribution tissulaire et de localisation intracellulaire. Ainsi, la SphK1 a une expression presque ubiquitaire puisque son ARNm est retrouvé dans le poumon, la rate, le cœur, le thymus,

le cerveau et le rein, alors que l’expression de la SphK2 est principalement restreinte au cœur, au foie et aux reins (Liu et al. 2000a, Melendez et al. 2000). Ceci suggère que ces deux enzymes peuvent avoir des fonctions physiologiques différentes.

2.1.1. Propriétés structurales

Il existe trois isoformes de la SphK1, nommés SphK1a, SphK1b et SphK1c, générés par épissage alternatif. L’isoforme SphK1a, majoritaire chez l’homme, est constituée de 384 acides aminés (environ 42,5 kDa). De même, il existe deux variants d’épissage de la SphK2, nommés SphK2a et SphK2b. L’isoforme SphK2b, majoritaire chez l’homme, est constitué de 654 acides aminés (environ 69,2 kDa). Les termes « SphK1 » et « SphK2 » désignent respectivement l’ensemble de leurs isoformes (Billich et al. 2003, Taha et al. 2006) (Figure 17).

Figure 17. Variants d’épissage et domaines d’homologie des SphKs.

La SphK1 et la SphK2 partagent 47% et 43% d’identité de séquence en acides aminés entre leurs régions N- terminale et C-terminale, respectivement. SK : sphingosine kinase. D’après Pitson, 2011.

Bien que différentes de part leur taille, la SphK1 et la SphK2 présentent un haut degré de similarité au niveau de leurs séquences peptidiques (Figure 17). En effet, la séquence de la SphK1, plus petite, s’aligne presque intégralement avec des régions de la séquence de la SphK2. Cette dernière possède une partie N-terminale plus longue ainsi qu’une insertion polypeptidique riche en proline dans sa région centrale (Pitson 2011).

Cinq domaines hautement conservés au cours de l’évolution, nommés C1 à C5, sont communs aux SphKs (Kohama et al. 1998, Pitson 2011). Les domaines C1, C2 et C3 constituent leur domaine catalytique, le site de liaison à l’ATP se situant sur le domaine C2. A ce niveau, la mutation du résidu glycine 82 en acide aspartique créé un mutant catalytiquement inactif de la SphK1 (Pitson

aspartique 178 chez l’homme et 177 chez la souris, est particulièrement impliqué (Yokota et al. 2004). Les domaines C1, C2, C3 et C5 présentent des homologies de séquences avec la céramide kinase et les diacylglycérol kinases alors que le domaine C4 est plus spécifique des SphKs (Sugiura et al. 2002, Taha et al. 2006).

La séquence de la SphK1 contient plusieurs autres sites d’intérêt, parmi lesquels :

- Deux séquences d’export nucléaire (NES) permettant la relocalisation de l’enzyme au cytoplasme (Inagaki et al. 2003) ;

- Quatre motifs de liaison au calcium et à la calmoduline nécessaires à la translocation de l’enzyme au niveau de la membrane plasmique (Kohama et al. 1998, Pitson et al. 2000a, Sutherland et al. 2006);

- Plusieurs sites de modifications post-traductionnelles dont des sites de phosphorylation par la protéine kinase C (PKC) et un site de phosphorylation par ERK1/2 (Extracellular

signal-Regulated Kinases 1/2) sur le résidu sérine 225, crucial pour l’activation de la SphK1

(Pitson et al. 2000a, Pitson et al. 2003);

- Un motif permettant l’interaction de la SphK1 avec TRAF2 (Tumor necrosis factor Receptor-

Associated Factor 2) (Xia et al. 2002).

De même, la séquence de la SphK2 contient d’autres sites d’intérêt, parmi lesquels :

- Une séquence de localisation nucléaire (NLS) et une séquence NES, (Igarashi et al. 2003b, Neubauer and Pitson 2013) ;

- Une séquence de neuf acides aminés similaire à celles retrouvées dans la séquence des protéines pro-apoptotiques « BH3-only » (Bcl2 Homology domain 3). Cette séquence permettrait l’interaction de la SphK2 avec la protéine anti-apoptotique Bcl-xL (B-Cell

Lymphoma extra large) (Liu et al. 2003a) ;

- Plusieurs sites de modifications post-traductionnelles dont des sites de phosphorylation par la PKC par ERK1/2 (Hait et al. 2007).

En 2013 a été décrite la structure tridimensionnelle de la SphK1. Cette structure a été obtenue par cristallisation des résidus 9 à 364 de la SphK1a humaine avec une résolution d’environ 2 angströms. Elle procure de nouvelles informations quant à l’interaction entre la SphK1 et son substrat, la sphingosine, ainsi que sur la réaction catalysée par cette enzyme et sur son interaction avec des inhibiteurs spécifiques (Wang et al. 2013, Wang et al. 2014c).

La structure de la SphK1 se révèle être proche de celle de la diacyglycérol kinase. La SphK1 présente une poche hydrophobe, localisée en C-terminal, permettant la liaison avec la

sphingosine. La conformation de cette poche assurerait la spécificité du substrat de l’enzyme. La chaine carbonée de la sphingosine se placerait dans cette poche hydrophobe alors que les groupements amine et alcools de sa tête polaire formeraient des liaisons hydrogène avec les résidus acide aspartique 81, sérine 168 et acide aspartique 178 de la SphK1. Ceci confirme l’implication du résidu 178, situé dans le domaine C4, dans l’interaction avec la sphingosine (Yokota et al. 2004).

La co-cristallisation de la SphK1 avec l’ADP montre que le groupement polaire de la sphingosine serait très proche du groupement phosphate de l’ADP et que le résidu acide aspartique 81 catalyserait le transfert d’un groupement phosphate de l’ATP vers la sphingosine. Ainsi, la mutation du résidu acide aspartique 81 en alanine créé un mutant dénué d’activité de phosphorylation (Wang et al. 2013).

2.1.2. Propriétés biochimiques !

!

Les substrats pouvant être phosphorylés par la SphK1 sont la D-erythro-sphingosine, ou sphingosine (Km=15,6µM), et la D-erythro-dihydrosphingosine, ou sphinganine (Km=20µM) (Pitson et al. 2000a, Billich et al. 2003). La D,L-threo-dihydrosphingosine (DHS, Ki=5,9µM) et la N,N-diméthylsphingosine (DMS, Ki=7,8µM) sont des inhibiteurs compétitifs de la SphK1 (Pitson

et al. 2000a).

L’activité enzymatique de la SphK1 est optimale à 37°C et pH 7,4. Elle requiert la présence d’ions Mg2+ et peut être stimulée par l’ajout de Triton-X100. A l’inverse, l’activité de la SphK1 diminue en présence d’ions Ca2+ et Mn2+ et est inhibée en présence d’ions Fe2+, Zn2+ et Cu2+ ainsi qu’en présence de NaCl et KCl à des concentrations trop élevées (Liu et al. 2000a, Pitson et al. 2000a). Les substrats de la SphK2 sont plus nombreux. En effet, la SphK2 peut phosphoryler la D-erythro- sphingosine (Km=13,8µM), la D-erythro-dihydrosphingosine, la phytosphingosine, la DHS et le FTY720 (Ki=18,2µM), un analogue de la sphingosine (Liu et al. 2000a, Billich et al. 2003). La DMS (Ki=12µM) est un inhibiteur non compétitif de la SphK2. Contrairement à la SphK1, l’activité de la SphK2 peut être stimulée par des concentrations élevées en NaCl et KCl mais sera inhibée en présence de Triton-X100 et d’albumine sérique bovine (Liu et al. 2000a).

2.1.3. Propriétés biologiques

Les souris knock-out (KO) pour la SphK1 ou pour la SphK2 sont viables et ne présentent pas d’anomalie phénotypique, alors que les souris KO à la fois pour la SphK1 et pour la SphK2 meurent au stade embryonnaire (E13,5) en raison d’une maturation incomplète de leurs systèmes cardiovasculaire et nerveux (Allende et al. 2004b, Mizugishi et al. 2005). En particulier, la délétion spécifique de la SphK1 et de la SphK2 dans les érythrocytes est létale au stade embryonnaire (E11,5-12,5) (Xiong et al. 2014). Ceci suggère que les SphKs possèdent des fonctions biologiques partiellement redondantes. Cependant, bien qu’il soit clairement établi que la SphK1 soit une enzyme pro-proliférative et anti-apoptotique, les rôles de la SphK2 sont plus ambigus. En effet, des études ont montré que la SphK2 pouvait avoir un rôle pro-prolifératif ou pro-apoptotique selon le modèle utilisé (Maceyka et al. 2005, Van Brocklyn et al. 2005). De même, la SphK1 et la SphK2 ont des rôles opposés dans la régulation de la biosynthèse du céramide. En effet, la SphK1 diminuerait les taux de céramide en phosphorylant la sphingosine, alors que la SphK2 favoriserait la conversion de sphingosine en céramide (Maceyka et al. 2005). De tels effets pro- apoptotiques peuvent s’expliquer par la présence d’un domaine « BH3-only » dans la séquence peptidique de la SphK2 (Maceyka et al. 2005). De plus, la présence de motifs NES et/ou NLS dans les séquences peptidiques des SphKs suggère que la production de S1P est compartimentalisée dans la cellule, ce qui pourrait permettre de comprendre les différentes fonctions biologiques des SphKs.

2.1.4. Régulation et localisation des SphKs

L’activité catalytique de la SphK1 peut être stimulée par de multiples messagers pro-prolifératifs, tels que des facteurs de croissance, des cytokines ou des hormones (Taha et al. 2006) (Tableau 7). Bien que la SphK1 soit principalement cytosolique, des études ont montré que son activation s’accompagne de sa translocation à la membrane plasmique. Ainsi, la majorité des activateurs de la SphK1 vont induire sa phosphorylation par ERK1/2 sur le résidu sérine 225, cette phosphorylation étant nécessaire à la translocation de l’enzyme vers la membrane plasmique et à l’augmentation considérable de son activité (Johnson et al. 2002, Pitson et al. 2003, Taha et al. 2006). Cette translocation confère à la SphK1 ses propriétés pro-prolifératives et son rôle pro-tumoral (Xia et al. 2000, Pitson et al. 2005), et est médiée par l’interaction de la SphK1 phosphorylée avec une phosphatidylsérine, phospholipide présent au niveau de la membrane plasmique (Stahelin et

al. 2005, Taha et al. 2006). L’acide phosphatidique et la protéine CIB1 (Calcium and Integrin-Binding protein 1) – qui se lie au site de liaison à la calmoduline de la SphK1 – sont également impliqués

dans la relocalisation de la SphK1 à la membrane plasmique (Delon et al. 2004, Jarman et al. 2010). La SphK1 peut aussi être relocalisée à l’enveloppe nucléaire où elle joue un rôle dans la progression du cycle cellulaire, ou bien être excrétée dans le milieu extracellulaire en conditions physiologiques ou de stress (Olivera et al. 1999, Kleuser et al. 2001, Ancellin et al. 2002, Waters et

al. 2003, Venkataraman et al. 2006, Tani et al. 2007).

La régulation de la SphK1 se fait également de part son interaction avec d’autres protéines. Par exemple, l’interaction de la SphK1 avec TRAF2 ou eiF1A (eukaryotic Initiation Factor 1A) va stimuler son activité, alors que son interaction avec la PP2A (Protein Phosphatase 2A) va l’inhiber (Xia et al. 2002, Barr et al. 2008, Leclercq et al. 2008).

Enfin, des stimuli externes comme l’hypoxie peuvent également activer la SphK1. En effet, des études ont montré que l’hypoxie augmente l’expression de l’ARNm de la SphK1 dans des cellules musculaires lisses et dans des cellules endothéliales, et stimule son activité dans des lignées cellulaires tumorales humaines (Ahmad et al. 2006, Ader et al. 2008, Anelli et al. 2008, Schwalm et al. 2008).

Bien que les mécanismes impliqués dans la régulation de la SphK2 soient moins clairs, il a été montré que des facteurs de croissance, des cytokines, ainsi que l’hypoxie sont capables de stimuler la SphK2 (Hait et al. 2005, Schnitzer et al. 2009). A l’instar de la SphK1, il a été montré que la phosphorylation de la SphK2 par ERK1/2 conduit à son activation (Hait et al. 2007).

La localisation intracellulaire de la SphK2 peut varier en fonction de la densité et du type cellulaire. La SphK2 possédant des séquences NLS et NES, elle peut donc se trouver dans le noyau comme dans le cytoplasme. Localisée dans le noyau, la SphK2 inhibe la synthèse d’ADN, et localisée au niveau du réticulum endoplasmique ou à la mitochondrie, elle pourrait induire l’apoptose (Maceyka et al. 2005, Taha et al. 2006, Chipuk et al. 2012). Ainsi, la localisation intracellulaire des SphKs participe largement à la régulation de leurs fonctions biologiques. Sachant que de nombreux stimuli conduisent à l’activation des SphKs et donc à l‘accumulation de S1P, des études se sont attachées à élucider les rôles et les mécanismes d’action de la S1P. Il a ainsi été montré que la S1P peut agir à la fois de façon extracellulaire et de façon intracellulaire (Spiegel and Milstien 2003, Strub et al. 2010).

Tableau 7. Principaux activateurs de la SphK1.

Activateur Mécanisme(s) d’action Effet(s) biologique(s) Référence(s) Facteurs de croissance

EGF Translocation à la membrane

plasmique Augmentation de la mobilité cellulaire (Meyer zu Heringdorf et al. 1999)

VEGF Non déterminé Augmentation de la

synthèse d’ADN (Olivera and Spiegel 1993, Shu et al. 2002)

PDGF Translocation à la membrane

plasmique

Augmentation de la mobilité cellulaire

(Olivera and Spiegel 1993) IGF Translocation à la membrane

plasmique Activation de ERK1/2 (El-Shewy et al. 2006, Gomez-Brouchet et al. 2007)

Ligands de RCPG

S1P Non déterminé Mobilisation de Ca2+ (Meyer zu Heringdorf et

al. 2001) LPA Translocation à la membrane

plasmique Augmentation de la survie cellulaire (Young et al. 1999)

Acétylcholine Non déterminé Mobilisation de Ca2+ (Meyer zu Heringdorf et

al. 1998) Cytokines

TNF-α Interaction avec TRAF2 Activation de NF-κB (Xia et al. 1998, Xia et al. 2002)

TNF-α, IL-1β Non déterminé Production de cytokines (Billich et al. 2005, Mastrandrea et al. 2005) Hormones

Oestradiol Translocation à la membrane

plasmique Prolifération cellulaire (Sukocheva et al. 2003) Prolactine Non déterminé Expression de la SphK1 (Doll et al. 2007) Dihydrotestostérone Activation de la voie PI3K/Akt Prolifération cellulaire (Martin et al. 2010) Esters de phorbol

phorbol-12-myristate-13-

acetate (PMA) Translocation à la membrane plasmique, phosphorylation Sécrétion de S1P (Mazurek et al. 1994) Autres

Vitamine D3 Transcription de la SphK1 Augmentation de la survie cellulaire

(Kleuser et al. 1998) LPS Translocation à la membrane

plasmique Activation de ERK1/2 et NF-κB

(Wu et al. 2004) LDL oxydés Non déterminé Prolifération cellulaire (Auge et al. 1999) Stimuli environnementaux

Hypoxie Production de ROS et activation de la PLD ; Expression de l’ARNm de la SphK1

Stabilisation de HIF-1α, Activation de ERK1/2 et p38 MAPK

(Ahmad et al. 2006, Ader et al. 2008)

Hyperglycémie Activation de la PKC et de

ERK1/2 Expression de molécules d’adhérence (Wang et al. 2005a)

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