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5. LES MODALITÉS DE LA MONTÉE EN COMPÉTENCE MARKETING

5.1 Les spécificités du marketing de la distribution

Le marketing actuel est le fruit d‟une histoire dont les origines modernes remontent au milieu du 19ème siècle135. Au cours de cette longue histoire de 150 ans, le marketing des entreprises de

distribution s‟est progressivement distingué par des pratiques commerciales spécifiques. Le nombre d‟ouvrages sur le marketing de la distribution est également important, preuve s‟il en est que ce domaine présente des caractéristiques à part136. Il en va de même sur le plan académique, où le marketing de la distribution représente un champ particulièrement actif137.

5.1.1 Les grands traits du marketing dans la distribution

Soulignons certaines des dimensions par lesquelles le marketing de la distribution se distingue du marketing des biens de consommation :

135 Volle [2010].

136 Par exemple, Orsoni et al. [1987], Chetochine [1992], Volle [2000], Filser et al. [2001], McGoldrick [2002],

Ducrocq [2006], Cliquet et al. [2006], Dioux et Dupuis [2009].

137 Sur le plan académique, la distribution est reconnue comme un champ ancien. Ainsi, le Journal of Retailing

(1925), revue académique majeure dans le champ du commerce, précède de 10 ans le Journal of Marketing (1936). Les revues spécialisées sur le marketing de la banque ou du tourisme, qui sont pourtant des secteurs

économiques majeurs, sont bien plus tardives. Il existe plusieurs revues académiques de haut niveau sur la distribution, ce qui n‟est le cas d‟aucun autre secteur économique.

- Une offre qui s‟étend sur un large périmètre. Là où le marketing de l‟industriel se concentre généralement sur quelques gammes de produits, celui du distributeur s‟applique à un ensemble de produits pouvant être à la fois très large et hétérogène. C‟est dans la grande distribution alimentaire que ce trait atteint son paroxysme, l‟offre d‟un hypermarché pouvant s‟étendre sur plusieurs centaines de milliers de références renvoyant à des catégories de produits et des univers de consommation profondément hétérogènes.

- Un contact direct avec ses clients. Dans le commerce en magasin, les clients sont présents physiquement dans le point de vente pour un temps déterminé. Ils y vivent donc une expérience (au sens anglo-saxon du terme) dont les paramètres peuvent être la cible d‟actions spécifiques de la part du distributeur (l‟aménagement du magasin, le merchandising, la stimulation sensorielle…). L‟influence directe que le personnel du distributeur travaillant au contact de la clientèle exerce sur l‟expérience client est un facteur important qui distingue le distributeur de l‟industriel, mais le rapproche des autres acteurs des services (banque, hôtellerie, transport aérien...).

- Une double source de valeur : la valeur directement associée aux produits qu‟il a choisi de vendre (mais dont une part importante est hors de son contrôle), et la valeur qui découle de son intermédiation et qui transite par des éléments tangibles (ceux qui agissent sur le contenu de l‟expérience vécue par les clients dans le point de vente) et intangibles (l‟image de l‟enseigne, son contenu symbolique, le capital de confiance qui lui est attaché…).

- Une dimension géographique. La puissance d‟une entreprise de distribution ne s‟analyse pas d‟abord au niveau international ou national, mais au niveau local. Une enseigne est par essence multi-locale, présente dans des dizaines, voire des centaines ou des milliers de zones de chalandise différentes. La performance globale de l‟enseigne est donc l‟agrégation des performances obtenues sur ces marchés.

- Une organisation en réseau. Le management marketing d‟un réseau présente des spécificités. D‟autres activités sont certes concernées par cette problématique (constructeurs automobiles, banques…), mais la taille des réseaux, leur variété (succursales, franchisés, adhérents, associés…) et leur dimension logistique font des réseaux de distribution un monde à part. Le marketing d‟enseigne doit se combiner avec un marketing de sites, dans des réseaux qui ne suivent pas mécaniquement les instructions centrales. Les enjeux de mise en œuvre de la stratégie marketing, sa déclinaison, sont donc essentiels.

5.1.2 Des ressources et des capacités marketing spécifiques ?

Les ressources et les capacités qui sous-tendent la compétence marketing dans la distribution se distinguent-elles significativement de celles associées à la compétence marketing en général ? Autrement dit, s‟agit-il de ressources et de capacités spécifique au secteur ?

Sur le plan des ressources, certaines enseignes, notamment dans le non-alimentaire, disposent de marques plus puissantes que celles de nombreux industriels. La taille du portefeuille clients se révèle également une ressource assez unique, même comparativement aux plus grandes marques.

Les capacités des distributeurs surpassent probablement celles de nombreux autres secteurs dans les domaines suivants : la profondeur des informations issues des données de vente ou des données de cartes (cartes de fidélité et cartes privatives) ; les capacités en matière de merchandising (notamment au niveau « macro-merchandising », celui du concept), même si certains industriels majeurs ont la capacité d‟appuyer les enseignes, ainsi que les méthodes d‟animation commerciale, de construction des assortiments et de pricing. La capacité à décliner très localement une stratégie nationale ou régionale (assortiment, prix…) est probablement l‟une des capacités les plus spécifiques des entreprises de distribution, notamment dans l‟alimentaire138.

En revanche, on ne peut pas affirmer que les capacités suivantes soient particulièrement spécifiques aux entreprises de distribution : le développement des marques propres (car les méthodologies sont bien souvent calquées sur celles des industriels), la communication (car les leviers sont de plus en plus proches d‟un secteur à l‟autre, même si le prospectus reste un levier fortement associé au commerce139), les études marketing (car les méthodes sont largement partagées avec les industriels), les services (car ils sont souvent inspirés d‟autres secteurs, comme les produits financiers ou le tourisme), la vente en ligne (car les pure players disposent de capacités au moins aussi affirmées que les distributeurs en place).

Au fond, les distributeurs disposent de ressources uniques relativement à leurs partenaires industriels. Ces ressources sont à la fois tangibles (notamment financières) et intangibles. Dans ce dernier registre, la puissance de la marque et la richesse des informations sur le client sont critiques. Relativement aux industriels, les capacités sont également spécifiques dans bien des domaines. Il en va ainsi de l‟intelligence du marché, de la réactivité et du déploiement local d‟une stratégie.

L‟acquisition permanente de nouvelles ressources et l‟adaptation régulière des capacités organisationnelles constituent naturellement un enjeu majeur dans un contexte concurrentiel en forte mutation.