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L‟incidence du « category management » sur l‟organisation marketing

4. L‟ENGAGEMENT DE LA DISTRIBUTION DANS LE PROCESSUS DE DÉVELOPPEMENT D‟UNE

4.3 L‟organisation actuelle de la fonction marketing dans les entreprises de distribution

4.3.3 L‟incidence du « category management » sur l‟organisation marketing

Le category management a pour objectif l‟optimisation de l‟assortiment, des promotions, du merchandising et du lancement de nouveaux produits à partir d‟une gestion intégrée de la chaîne de valeur à l‟échelle des catégories, c‟est-à-dire des regroupements de produits considérés comme cohérents du point de vue des consommateurs. Dans les entreprises de distribution ayant fait le choix d‟introduire le category management dans leur organisation, la gestion de chaque catégorie est confiée à un « category manager ». Comme le précise Camman et Livolsi [2009, p. 153], « la coordination aux différentes étapes du processus de gestion de la catégorie repose sur des échanges d’informations permanents entre niveaux hiérarchiques, fonctions et entreprises (fournisseurs et distributeurs). Les décisions en matière d’assortiment impliquent une connaissance précise des évolutions du marché et du comportement du consommateur ».

D‟après Benoun et Helliès-Hassid [2004] : « Le category management a incité les distributeurs à "sortir du cadre", à adopter de nouveaux modes de raisonnement, à rechercher l'amélioration de leurs résultats en mettant une dose plus forte de marketing dans leur gestion ». L‟entrée en scène des category managers est donc en soi une manifestation du renforcement du rôle du marketing dans les entreprises de distribution. Le category manager a donc naturellement vocation à endosser une part significative du contenu de la fonction marketing.

La question se pose alors de savoir comment s‟articule l‟action des category managers avec celle de la direction du marketing et des autres composantes de l‟organisation. La difficulté réside dans le fait que le category manager « est quelqu'un qui se mêle de tout, parce que finalement tout le regarde » 130. La transversalité de la fonction impose donc une coordination étroite avec les autres composantes de l‟organisation et est susceptible de conduire à des conflits de territoire. Les distributeurs ayant fait le choix de développer cette approche ont généralement rattaché les category managers aux directions « marchandises ». Le périmètre d‟activité des directions du marketing s‟en est trouvé réduit d‟autant, alors que celui-ci consiste pour partie à servir de support au travail des category managers (fourniture de données et d‟études sur les comportements des clients, assistance à la définition des plans de merchandising…).

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Au total, l‟engagement des entreprises de la grande distribution dans la fonction marketing s‟est opéré selon des modalités organisationnelles très diverses qui imposent de distinguer la fonction marketing et la direction du marketing. Certains distributeurs de grande taille n‟ont pas de direction du marketing, ou bien celle-ci est reléguée dans les profondeurs de l‟organigramme. Chez beaucoup d‟autres, la direction du marketing doit partager le périmètre de la fonction marketing avec d‟autres directions, souvent plus puissantes. Finalement, la configuration dans laquelle la fonction marketing est pour l‟essentiel encapsulée dans une direction dédiée est l‟exception et non la règle.

La diffusion du category management constitue une manière alternative de gérer la fonction marketing, qui réduit naturellement les prérogatives de la direction du marketing, sauf à supposer que les category managers lui soient directement rattachés, ce qui aujourd‟hui est exceptionnel131. Au-delà de la grande variabilité observée parmi les entreprises de distribution, la direction du marketing (quand elle existe) tend donc à occuper une position de fonction support. Sa mission est moins décisionnelle et opérationnelle qu‟organisationnelle. Elle consiste alors à mettre au point des méthodes, à exploiter des outils, à définir des cadres pour la réflexion stratégique.

Il reste à savoir si la place relativement modeste des directions du marketing dans l‟organisation des grandes entreprises de la distribution est l‟indice de difficultés rencontrées dans le processus de montée en compétence ou si, au contraire, elle témoigne d‟une approche plus globale de « l‟orientation-client » qui passe par le morcellement de la fonction marketing entre les différentes composantes de l‟organisation afin de conduire à la formation d‟une culture marketing. Il est possible que les entreprises de distribution soient convaincues, comme l‟affirmait David Packard (Hewlett-Packard), que « le marketing est trop important pour qu’il soit laissé aux hommes de marketing »132. L‟éclatement de cette fonction dans l‟organisation (ou le rattachement à la direction générale dans les plus petites structures) pourrait aussi traduire la centralité des compétences marketing dans les activités de commerce, ce qui conduirait logiquement à dénier à quelques spécialistes le droit de s‟en arroger l‟exclusivité. L‟éclatement des fonctions marketing dans l‟organisation ne signifie pas pour autant que le département marketing soit absent ou faible133. En revanche, son rôle est très différent d‟un département marketing qui concentrerait toutes les fonctions.

Les questionnements relatifs à la place de la fonction marketing dans les entreprises de distribution font écho aux interrogations plus générales sur la place du marketing dans les organisations actuelles. Quel est le rôle du marketing, quelle place cette fonction doit-elle prendre dans des entreprises de plus en plus « orientées marché », où chacun partage cette culture et où toutes les fonctions participent peu ou prou aux processus de relation client ? Une façon de faire consiste à donner à la direction du marketing un simple rôle d‟orchestration des ressources et des capacités –

131 Soulignons l‟exception notable qu‟a constituée un temps Leroy Merlin par la présence d‟un « directeur du

marketing et des achats » (Jean-Philippe Zunino).

132 « Marketing is too important to be left to the marketing people ». 133 Moorman et Rust [1999].

avec focalisation prioritaire sur les méthodes et dispositifs pour connecter les clients à l‟organisation – autour des enjeux liés à l‟offre, aux programmes relationnels et aux performances financières134. Mais à l‟opposé, on peut imaginer que le marketing prenne en charge certains processus « orientés client », dans une perspective nettement plus opérationnelle. Entre ces deux solutions radicales, la mise en œuvre de projets transversaux et le déploiement d‟un category management ambitieux peuvent constituer une voie moyenne réaliste et pertinente. Nous reprendrons cette discussion sur les enjeux organisationnels après avoir exploré les modalités par lesquelles les distributeurs sont montés en compétence dans le domaine marketing.