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Partie 3. Les défis liés à la mise en œuvre du CTV, conformément aux dernières

7.2. Partie 2 Les acquis et les limites du CTV au Burkina Faso

7.2.7. Discussion – Partie

7.2.7.7. Les ressources humaines Les agents de santé

Nos analyses ont montré que l’ensemble des prestataires qui ont participé à notre étude n’avait pas reçu de formation pour la mise en œuvre du CTV et que certains prestataires avaient des difficultés, en l’occurrence pour annoncer un résultat VIH positif (18,5%) [143]. Le manque de formation des prestataires CTV en milieu urbain et rural du Burkina Faso a été documenté ailleurs [92, 114]. De l’ensemble des pays de l’étude MATCH, c’était les agents

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de santé du Burkina Faso qui déclaraient le plus souvent avoir des difficultés pour recueillir le consentement des femmes enceintes en PTME (63% versus 14% pour le Kenya et 2% pour l’Ouganda) [138]. Et une analyse plus récente a montré que les dernières sessions de formation en CTV organisées par le ministère de la santé pour les agents de santé dataient de 2008, et qu’en 2015 seulement 54% des prestataires communautaires qui étaient en poste avaient bénéficié d’une formation en counseling VIH [119]. Le manque de formation des prestataires pourrait être une source de démotivation ou un argument pour ne pas offrir le CTV, et affecter ainsi la qualité des services [144, 145, 146]. En Tanzanie, une étude a montré que les prestataires qui avaient reçu une formation en CTV offraient six fois plus souvent le test que les autres [145].

Dans les formations sanitaires, le nombre d’agents de santé est insuffisant pour d’une part offrir le CTV et d’autre part gérer la grande affluence des patients et/ou des femmes enceintes [91, 92, 113, 138]. La formation des prestataires qui requiert des ressources financières semble être un défi majeur et les participants à l’enquête sur l’acceptabilité et la faisabilité des dernières directives de l’OMS l’ont parfois relevé. Mais sans une formation adéquate, les insuffisances constatées dans l’offre du CTV pourraient s’accentuer si le pays décidait de mettre en œuvre, ne serait-ce que quelques orientations des dernières directives de l’OMS. En effet, comment changer les pratiques et innover sans former? Si après avoir eu un entretien avec les consultants pour les préparer au test, les prestataires ont du mal à recueillir le consentement et à annoncer un résultat VIH positif, cela serait plus compliqué quand ils n’auront plus l’opportunité de discuter suffisamment avec les clients avant de faire le test. La suppression du conseil pré test nécessite une formation plus approfondie des prestataires sur le conseil post test du résultat VIH positif. Si cela n’est pas fait, les faibles taux de partage du statut avec les partenaires chez les PVVIH qui persistent au Burkina Faso (moins de 40%) [89, 137, 147] seraient un réel obstacle au dépistage du couple et à la mise en œuvre des stratégies innovantes, telle le dépistage des partenaires à partir d’une PVVIH index. Afin de minimiser les coûts, des formations sur site pourraient être organisées. Les manuels de formation en un jour, conçus par l’OMS pourraient également être d’une grande utilité si ceux-ci sont mis à jour.

Some et al. ont également observé que par manque de motivations, un grand nombre d’agents de santé formés en PTME n’étaient plus à leur poste [114]. La même situation a été observée ailleurs [140, 148]. Des formes de motivation pour les agents de l’Etat devraient également être définies. L’expérience du Rwanda qui a mis en œuvre un financement basé sur les résultats dans le cadre du CTV pourrait être répliquée dans des districts pilotes. Il pourrait également s’agir de la création ou de la dynamisation de cadres de rencontres de prestataires au niveau des districts, où les personnes impliquées dans le CTV pourraient s’exprimer et se sentir valoriser dans leurs tâches quotidiennes.

Les prestataires communautaires

La situation actuelle des prestataires communautaires semble être critique au niveau international. Pendant que l’OMS tente de convaincre les pays de les responsabiliser davantage pour l’offre du CTV, ceux-ci ont du mal à les impliquer comme il faut. Une analyse conduite en 2015 a montré qu’il y a eu une désertion de nombreux prestataires communautaires formés pour d’autres emplois, faute de ne plus bénéficier d’une rémunération quelconque pour les activités de CTV qu’ils ont mis en œuvre. C’est le cas également au Lesotho où entre 2011 et 2012 le nombre des prestataires communautaires est passé de 487 à 165, avec des conséquences sur l’offre du CTV (baisse de 15% dans la même période) [149]. La désertion des prestataires communautaires par manque de motivation est comparable à la mobilité des agents de santé.

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Or l’existence de la stratégie communautaire qui est l‘une des plus dynamiques après la PTME était un avantage pour aller vers la délégation complète des tâches (test de laboratoire par les conseillers), comme recommandé par les dernières directives de l’OMS. Mais cela passe par la définition d’un statut pour les prestataires communautaires et la conduite d’un processus de mobilisation de ressources pour leur rémunération. Au Burkina Faso, des tentatives de rattachement de ceux-ci au ministère de la santé auraient déjà été entreprises, mais sans succès [150]. Et jusque-là l’opinion des décideurs et acteurs du Burkina Faso reste mitigée sur la question, certains d’entre eux évoquant surtout des contraintes budgétaires. Les 16 000 ASBC que le Burkina Faso a entrepris de recruter pour «contribuer à la résolution des problèmes de santé des populations» auraient pu être responsabilisés pour le CTV mais le niveau de base requis pour leur recrutement est la classe de CM2. Les normes et directives du dépistage ne définissent pas le niveau minimum requis pour être prestataire CTV, mais la majeure partie des prestataires CTV au Burkina Faso ont au moins le niveau secondaire (97% dans notre analyse) [143]. L’ensemble des ASBC ne pourront peut-être pas mettre en œuvre le CTV mais ceux qui répondront au profil requis pourront être formés pour l’offre des services aux populations. Cependant une revalorisation des paiements prévus pour les ASBC qui s’élèvent à 20 000 FCFA (30 euros) par mois serait nécessaire. En effet, dans le cadre du financement du Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, la somme de 50 000FCFA (76 euros) est actuellement rétribuée aux prestataires communautaires qui offrent le CTV. Pour une délégation complète des taches du CTV aux ASBC, il serait nécessaire de renforcer leurs capacités. Cependant une étude pilote sera nécessaire avant toute prise de décision dans ce sens.