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3 Concepts

3.3 Les représentations

3.3.4 Les représentations de la schizophrénie dans les médias

Il nous semble nécessaire de survoler les messages que les médias véhiculent car un certain nombre de personnes ne rencontre la maladie mentale que par le biais de ceux-ci et qu’« Il existe dans les médias une vision très négative et une présentation déformée des malades mentaux, que ce soit dans la presse écrite, la télévision ou le cinéma.3 »

1 Tiré de MOLINER, Pascal. Formation et stabilisation des représentations sociales. In : La dynamique des représentations sociales : pourquoi et comment les représentations se transforment-elles? Sous la dir. de MOLINER Pascal. Coll. « Vies Sociales ». Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, 2001. p. 15-41

2 Tiré de MUGNY, Gabriel. QUIAMZADE, Alain. et TAFANI, Eric. Dynamique représentationnelle et influence sociale. . In : La dynamique des représentations sociales : pourquoi et comment les représentations se transforment-elles? Sous la dir. de MOLINER Pascal. Coll. « Vies Sociales ». Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, 2001. p. 123-161

3 Tiré de KOHL, Frantz-Samy. Les représentations sociales de la schizophrénie. Paris : Masson, 2006. 146 p.

3.3.4.1 La presse écrite

En premier lieu, la presse écrite, toujours à la recherche de sensationnel, n’hésite pas à associer un diagnostic médical, tel que celui de schizophrénie à certains faits divers tragiques.

« Les titres et contenus d’articles insistent habituellement sur les liens étroits entre maladie mentale, violence et dangerosité.1 »

Ainsi le 21 novembre 2008, les lecteurs du quotidien Le Parisien, pouvaient lire à la rubrique fait divers un article titré « L’effarant récit du meurtrier schizophrène » dans lequel est relaté le meurtre d’un jeune homme commis par une personne souffrant de schizophrénie. Le « meurtrier schizophrène » est présenté comme abruti pas ses médicaments, agissant sous l’influence de ses voix, n’éprouvant aucun remords et utilisant la psychiatrie pour fuir la justice.

Plus près de chez nous, le journal Le Matin du 29 juillet 2009, publie un article au titre accrocheur, « Elle décapite et mange son bébé ». Le premier paragraphe nous explique évidemment que la jeune mère était « diagnostiquée schizophrène », puis s’en suit une foule de détails plus sordides les uns que les autres pour aboutir à une remise en question de la prise en charge psychiatrique.

Dans un autre registre, Le Temps présente le 7 janvier 2011, un éditorial intitulé

« Elections fédérales : vaincre la schizophrénie », le terme schizophrénie ne représente, ici, plus une maladie mais il est utilisé dans le sens de contradiction ou paradoxe.

Il faut cependant garder à l’esprit que la presse écrite peut jouer un rôle d’information et de déstigmatisation de la pathologie, Le Nouvelliste du 18 janvier 2010 nous en donne un exemple, avec ce témoignage titré « La schizophrénie, ça n’arrive pas qu’aux autres » qui relate le chemin parcourut par la mère d’une personne souffrant de schizophrénie.

« Toutes les campagnes d’information, toutes les initiatives de lutte contre la stigmatisation, tous les efforts dédiés à démontrer qu’il n’existe pas de corrélation entre schizophrénie et violence peuvent être anéantis par la diffusion dans les médias d’un seul fait divers impliquant un malade mental. Ce type d’événement,

1 Tiré de GIORDANA, Jean-Yves. La stigmatisation en psychiatrie et en santé mentale.

Issy-les-Moulineaux : Elsevier-Masson, 2010. 241 p.

aussi tragique soit-il, ne peut malheureusement être toujours évité. Il n’est pas non plus possible d’en interdire ou même d’en contrôler la médiatisation, les canaux d’information des journalistes étant multiples : police, pompiers, professionnels dans des établissements de soins, témoins, etc. Les faits divers sont, par ailleurs, en passe d’occuper et plus en plus la une de l’actualité, étant selon toutes les études ceux pour lesquels lecteurs et téléspectateurs manifestent le plus d’intérêt.1. »

3.3.4.2 La télévision

La télévision est un autre vecteur de représentations négatives de la maladie mentale et plus particulièrement de la schizophrénie.

« Dans cette étude de grande ampleur2 analysant plus de 20’000 dialogues tirés de près de 1'500 programmes diffusés par dix chaînes de télévision, il constate que les personnes ayant des troubles psychiques sont représentés comme

« amorales ». Elles suscitent la peur et un désir d’évitement. De plus, environ 70% des personnages étiquetés comme malades mentaux sont décrits comme violents (alors que la violence ne concerne que 40% des autres individus mis en scène).3 »

Dans certaines séries policières telles que « Les Experts » ou « Esprits criminels », il n’est pas rare de constater que le tueur recherché durant l’épisode souffre de schizophrénie. Il agit généralement sous influence des ses hallucinations ou délires, se prenant parfois pour quelqu'un d’autre. Ce personnage inspire souvent de la pitié au téléspectateur, surtout après que celui-ci ai découvert sa misérable vie ou son enfance dramatique.

Les émissions de télévision, grand publique, traitant de phénomènes de société ne sont pas en reste quand à l’image qu’elles donnent de la maladie mentale. Le 16 novembre 2010, par exemple, TF1 diffusait un numéro d’Enquêtes et Révélations, tristement intitulé « Fous dangereux, paranoïaques, schizophrènes : voyage au cœur de la folie » et devant lequel le téléspectateur pouvait frissonner en assistant au quotidien des UMD (Unités pour Malades Difficiles).

1 Tiré de GIORDANA, Jean-Yves. La stigmatisation en psychiatrie et en santé mentale.

Issy-les-Moulineaux : Elsevier-Masson, 2010. 241 p.

2 Etude réalisée dès 1981 par le professeur GERBNER, G., université de Pennsylvanie.

3 Tiré de GIORDANA, Jean-Yves. La stigmatisation en psychiatrie et en santé mentale.

Issy-les-Moulineaux : Elsevier-Masson, 2010. 241 p.

Cette destination semblant être à la mode, M6 n’hésite pas à la mettre au programme de son émission Enquête Exclusive du 7 mars 2010, nommée

« Hôpitaux psychiatriques : voyage au cœur de la folie » dans laquelle il est essentiellement question de patients ayant commis des actes criminels.

3.3.4.3 Le cinéma

Les œuvres cinématographiques ne font naturellement pas exception à la diffusion d’images déformées de la maladie mentale. De plus, lorsqu’elles traitent de ce sujet, l’objectif est souvent d’impressionner, voire de terroriser le spectateur.

Dès les années 60, de célèbres films d’épouvante tels que « Psychose » (1960) d’Alfred HITCHCOCK, ou « Répulsion » (1965) de Roman POLANSKI, mettent en scène d’effrayants tueurs, dont le diagnostic de schizophrénie est clairement énoncé au public.

Différemment, le film « Vol au dessus d’un nid de coucou » (1975) de Milos FORMAN donne une vision fortement négative des établissements psychiatriques. A commencer par l’hospitalisation remplaçant la prison pour notre héros, puis par l’autorité excessive exercée par l’infirmière cheffe, en passant par des séances d’électrochocs frisant la torture et pour terminer par une lobotomie des plus douteuses.

« Domino a notamment étudié l’impact du film « Vol au dessus d’un nid de coucou1 » en faisant passer au public un questionnaire portant sur les attitudes vis-à-vis des malades mentaux, avant et après le visionnage du film. Il retient de sa recherche une influence très négative sur le public, avec renforcement de la peur et du rejet. »2

D’autres œuvres cinématographiques peuvent générer de la confusion au sujet de la schizophrénie, mais sans pour autant la stigmatiser. Nous pensons ici au film « Un homme d’exception » (2001) de Ron HOWARD qui relate la vie de John NASH, mathématicien de génie, souffrant de schizophrénie, et qui pourrait amener le spectateur à associer cette pathologie à une intelligence supérieure à la norme.

1 Etude réalisée en 1983 par G. DOMINO.

2 Tiré de GIORDANA, Jean-Yves. La stigmatisation en psychiatrie et en santé mentale.

Issy-les-Moulineaux : Elsevier-Masson, 2010. 241 p.