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Les relations des éducatrices avec les parents

5. Les relations de travail des éducatrices des SGMS

5.6 Les relations des éducatrices avec les parents

Les parents confient leurs enfants au service de garde de l’école afin de faire coïncider leurs occupations quotidiennes avec les heures d’école de leurs enfants. En partageant quotidiennement la garde des enfants, les éducatrices et les parents entretiennent entre eux une relation particulière. Les relations avec les parents ont été traitées abondamment par les participants lors des entretiens. Ils sont nombreux (P01, P04, P05, P08, P11, P12, P15, P16, P18) à qualifier de positives leurs relations avec les parents. Par contre, les propos de quelques participants ont révélé des difficultés face à certains « parents-payeurs » et « parents-rois ».

Les participants nous ont déclaré avoir une relation privilégiée avec les parents. Cette position privilégiée s’explique par certains participants par la grande fréquence des rencontres.

[...] nous on a la meilleure relation qu’on ne peut pas avoir avec le parent et l’enfant parce qu’on voit les deux, et plus souvent que l’enseignant en général. Les parents vont arriver le matin puis nous on va connaître l’humeur du parent, on va connaître l’humeur de l’enfant aussi. Il va arriver le matin, lui là « ça n’a pas bien été tu me le diras s’il y a quelque chose parce qu’on vient de le chicaner dans l’auto » peu importe, on est au courant de beaucoup beaucoup de choses comparées aux enseignants. (P08, 109-114)

La plupart des éducatrices ont avec les parents des rencontres fréquentes et directes, à la différence des enseignantes, qui communiquent par écrit, par téléphone, ou lors des quelques « rencontres de parents » annuelles. La majorité des participants (P01, P03, P06, P07, P08, P10, P12, P13, P14, P15, P17, P18) relatent des consultations entre parents et éducatrices, souvent concernant le comportement de l’enfant. Plusieurs éducatrices, plus précisément celles d’expérience, déclarent que des parents leur demandent parfois conseil concernant les interventions à préconiser auprès de leurs enfants :

[...] Les parents, ils en ont un ou deux [enfant] puis eh oui, je pense qu’il y en a pour qui c’est plus difficile de gérer des situations problématiques, mais y a beaucoup de parents qui se fient sur notre expérience et sur notre jugement puis qui aiment se faire aider aussi, se faire conseiller. Ils sont très ouverts. (P07, 120-123)

Les échanges, qui s’allongent davantage à la fin de la journée que le matin, permettent aux parents et éducatrices de discuter du comportement et de la manière dont ils interviennent dans leur milieu respectif. À cet effet, ils sont plusieurs (P01, P05, P09, P10, P13, P15, P17) à souligner qu’une bonne relation avec les parents a des répercussions positives sur leurs pratiques. Elles aident à mieux intervenir auprès des enfants et amélioreraient leurs comportements. Les théories de Bronfenbrenner (1979) proposent que la continuité entre les différents milieux du microsystème aide au développement des enfants.

La relation de « service » entre les éducatrices et les parents peut occasionner des frictions. Des participants (P01, P02, P03) ont décrit les relations avec les parents comme étant teintées par le phénomène de « parents-payeurs, ». Contrairement à l’école, les SGMS sont facultatifs et payants. Les éducatrices doivent répondre aux attentes des parents quant à la programmation, aux activités ou à la manière d’intervenir. Par exemple, les parents s’attendent à ce que leur enfant soit content d’être au service de garde (P12, 447), que leur enfant se sente en sécurité (P14, 397-405) que leur enfant ait mangé son lunch (P09, 374). Les parents entretiennent donc des attentes face au travail des éducatrices et se réservent le droit, parfois, de critiquer les interventions réalisées par le personnel du service de garde. À cet égard, certains participants (P02, P10) ont exprimé leurs difficultés face aux « parents-rois. » Un éducateur explique : « C’est difficile, quand tu aurais à corriger par exemple une situation, un comportement, quelque chose avec un enfant [puisque] pour les parents, les enfants sont parfaits » (P02, 45-47). Le même éducateur poursuit : « Je me fais souvent ramener à l’ordre

dans le sens où moi, j’ai un travail d’éducateur et je dois veiller à ce que les clients soient bien servis » (P02, 338-339).

En considérant ces derniers éléments sur les relations des éducatrices avec les parents, nous sommes portés à considérer les SGMS comme des organisations de types clients/services. La garde des enfants est un service offert aux parents qui sont conséquemment considérés comme des clients. Par prolongement, leurs enfants le sont aussi, bénéficiant des services. Les idées exprimées par le courant de la théorie des organisations qui étudient les organisations de services comme les écoles, les hôpitaux, les services sociaux ou la police, correspondent à la situation des SGMS telle que décrite par les éducatrices rencontrées. Les SGMS présentent des caractéristiques fondamentales propres aux organisations de types clients/services (Hasenfeld, 1983). « Les matériaux de base sont des humains, dépositaires de valeurs culturelles et dotés d’une identité sociale et morale » (Tardif et Lessard, 1999, p. 105). Nos analyses nous ont permis de constater que les relations de travail des éducatrices avec leurs collègues pouvaient s’avérer harmonieuses ou problématiques selon les caractères de chacun. Plus important encore, nous avons mis en évidence qu’il existe une relation particulière, développée quotidiennement entre l’éducatrice et les élèves, que nous avons décrite d’amicale et maternelle. Cette étroite relation constitue le « noyau dur » du travail des éducatrices, appuyant notre hypothèse que les SGMS sont des organisations de types clients/services (Tardif et Lessard, 1999, p. 106).

Il est maintenant temps de conclure avec ce chapitre concernant des relations de travail des éducatrices des SGMS. Nous avons découvert que dans la majorité des cas, les échanges avec d’autres personnes responsables de l’enfant (enseignants, parents, techniciens en éducation spécialisée, direction) concernaient le comportement, l’autonomie et la socialisation des enfants. Nos résultats montrent que les éducatrices entretiennent des liens privilégiés avec les parents, des liens qui semblent plus significatifs que ceux vécus avec les autres acteurs scolaires. À l’avis des éducatrices, les parents sont conscients de leur potentiel éducatif alors que les acteurs scolaires semblent moins enclins à le reconnaître. La proximité des éducatrices avec les enfants fait de cette catégorie de travailleuses du système éducatif une référence en

termes de familiarité avec les enfants, un baromètre de l’humeur et du comportement au quotidien (P14, 199).