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Les relations des éducatrices avec les enfants

5. Les relations de travail des éducatrices des SGMS

5.1 Les relations des éducatrices avec les enfants

Les éducatrices des SGMS sont responsables de groupes d’enfants avec lesquels elles entretiennent des relations au quotidien. D’emblée, la majorité des personnes interviewées (P01, P03, P04, P05, P06, P08, P09, P14, P17, P18) ont décrit cette relation comme étant particulièrement positive, voire enrichissante. Les interactions décrites par les participants nous montrent que les relations des éducatrices et des enfants sont amicales et maternelles, en plus de répondre à la définition d’« autoritaire » d’une façon qui leur est propre.

Le contexte souple et récréatif du SGMS permet aux éducatrices d’échanger avec les enfants. Plusieurs participants qualifient cette relation d’amicale.

[...] Je les vois souvent plus longtemps qu’ils voient leurs parents. Ça fait que, à un moment donné, plus on en donne, plus on en reçoit. Les enfants viennent s’asseoir sur nous, ils sont contents ils nous taponnent. Ils sont contents qu’on soit là puis ça, c’est payant. Il y a moins de chicane, ça fait moins de conflits, aussi envers nous, ils ont tendance à moins nous confronter. (P01, 160-165)

Bien que les services de garde prennent place à l’intérieur des établissements scolaires, nos entretiens nous ont permis de constater que les éducatrices en garde scolaire adoptaient une approche différente des enseignantes, une approche plus souple :

[…] les enfants sont dans un cadre rigide tout le temps qu’ils sont en période d’enseignement. Ce qui fait que je donne un peu plus de souplesse durant les heures que

je suis avec eux. Mais c’est sûr que tu es obligé d’avoir une attention particulière avec chaque enfant surtout chez les tout-petits. (P10, 79-84)

Effectivement, notre recherche montre que la relation diffère considérablement selon l’âge des enfants. De façon générale, les éducatrices adoptent une approche plus encadrante auprès des plus jeunes. Elles les obligent davantage à participer aux activités dirigées que les grands pour qui, les liens avec l’école sont plus fragiles. Une éducatrice qui travaille avec les plus grands précise que « c’est plus psychologique peut-être que de répondre aux besoins physiques comme chez les plus petits » (P05, 43-44). L’approche amicale est très importante avec les plus grands, âgés de dix à douze ans, qui n’ont pas nécessairement « le goût d’être là ». Un éducateur qui travaille avec les enfants de maternelle ainsi qu’avec les plus vieux explique :

[...] [Les plus vieux] ont le goût d’être chez eux puis il y en a surtout à cet âge-là que les parents, ils donnent la clé puis disent : « Tu t’en vas à la maison quand c’est fini. » Ça fait que là, on perçoit donc que la relation est différente au départ puisque, je te dirais que ça prend un bon mois, un mois et demi, avant que les liens se tissent serrés, mais ça se fait bien. Puis encore là, par l’humour, il faut être leur ami surtout à cet âge-là, être leur ami entre guillemets, mais tu sais, il faut être friendly avec eux. (P17, 320-326)

Les relations que les éducatrices entretiennent avec les enfants se qualifient aussi de maternelles (ou paternelles) selon certains participants (P02, P06, P09, P18). Une éducatrice d’expérience, travaillant avec des enfants du premier cycle du primaire, décrit cette relation :

[...] moi je suis très maternelle, je suis une mère, mais, je pense que j’ai la fibre maternelle, c’est pas rare que les enfants vont me serrer, qu’ils vont s’asseoir, qui vont vouloir s’asseoir sur moi, ils me font des câlins ils viennent me dire bonjour eh, un câlin, un bizou avant de partir. Je trouve ça, je les amène à être tellement à l’aise que c’est naturel [...]. (P06, 466-470)

Dans le même ordre d’idées, une éducatrice nous explique de quelle manière l’attention qu’elle porte aux enfants les rassure :

C’est de les rassurer de leur course folle du matin, de prendre du temps avec eux. […] C’est de prendre un petit peu de temps de s’informer d’eux autres, comment ça a été, qu’est-ce qui vivent aussi. Puis de prendre le temps d’être avec eux autres, de jouer, de s’intéresser en jouant aussi avec leur vécu. (P13, 28-32)

Cette dernière découverte n’a rien de surprenant dans un milieu où le lien affectif prend une place prépondérante entre l’éducatrice et l’enfant. Robinson, Rowland et Coleman

(1986) avaient identifié le rôle maternel comme une nécessité afin de répondre aux besoins de protection des enfants en milieu de garde.

Peu de personnes interrogées (P13, P16) nous ont spontanément parlé d’autorité en décrivant leurs relations avec les enfants. Cependant, deux éducateurs nous ont expliqué que c’est par une bonne relation développée avec l’enfant que s’articule une autorité particulière. « Nous on a pas d’autorité autre que la relation. Si la relation se fait bien, l’enfant est plus à même de collaborer » (P02, 254-255). L’autorité conférée à l’éducatrice provient de la relation développée avec l’enfant plutôt que du statut, que du « chapeau » que l’on attribuer à d’autres intervenants.

Nous avons aussi constaté que l’attitude qu’adoptent les éducatrices auprès des enfants peut être celle d’alliée face à l’autorité. En effet, bien que les éducatrices jouent un rôle de socialisation auprès des enfants, en leur apprenant par exemple à se comporter adéquatement en groupe, certains participants (P15, P16) nous ont confié qu’ils pouvaient omettre volontairement de divulguer aux parents un mauvais comportement pour éviter que les parents ne se fâchent contre leur progéniture. Une éducatrice explique :

[le service de garde], c’est un lieu où les enfants doivent vraiment se sentir en sécurité et bien, confortables. Comme... la relation avec le papa, c’est sûr que les papas sont fatigués des fois parce qu’ils travaillent, ils font beaucoup d’autres choses. Si [un père] arrive au service de garde et on le reçoit avec de mauvaises [nouvelles], c’est certain qu’il va la claquer quand il arrive à la maison. Il va crier aux enfants, peut-être taper, je ne sais pas... ou peut-être dire : « Tu vas manger et aller te coucher tout de suite. » Nous, on doit faire attention et lire le langage corporel de papa de maman quand ils arrivent. (P16, 385-392)

Nous avons constaté au cours de cette première section le cadre plutôt souple des SGMS amène les éducatrices à entretenir avec les enfants des relations étroites que nous qualifions d’amicales, de maternelles, voire même de « familières ». De notre point de vue, les propos des participants viennent confirmer que les éducatrices des SGMS peuvent être considérées comme « les déléguées des parents sur le terrain de l’école » (Tardif et Levasseur, 2010). Les paroles d’une surveillante de dîner qui conçoit le travail d’éducation en service de garde scolaire comme l’écho du rôle maternel traduit cette conception avec une image percutante :

« Moi je suis le rappel que quelque part dans le monde il y a une maison avec une mère qui nous fait à manger » (P09, 84-85).