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MATÉRIELS ET MÉTHODES

5. Les relations avec les autorités de santé

Les relations qu’entretiennent les médecins avec les autorités de santé varient d’un professionnel à l’autre. Les autorités de santé, dans les entretiens, se résument essentiellement à la sécurité sociale. Plusieurs médecins semblent travailler en bonne intelligence avec cet organisme. Ils ne sont pas gê- nés par les contrôles et y voient une certaine normalité.

Médecin 1 : La sécu ne me pèse pas. Je vois la caisse comme un partenaire et pas comme autre chose. Médecin 3 : L’évolution a été que au départ, la sécu était essentiellement, un organisme payeur et

que maintenant, c’est toujours un organisme payeur mais qui veut savoir ce qu’il paie. Moi ça me choque pas.

77 Certains de leurs confrères ne partagent pas ce mode de pensée. Les contrôles de la sécurité sociale sont jugés oppressants et intrusifs. Ils génèrent une certaine pression qui est mal acceptée. Cela se traduit par l’expression d’un stress ou d’une colère.

Médecin 2 : C’est de plus en plus coercitif, (…) sous couvert d’avoir des rémunérations, les ROSP, c’est

quand même très incitatif

Médecin 4 : C’est une source de colère mais pas un stress. (…) recevoir un jour, un mail du directeur

délégué à l’AM avec un ton d’une ironie et d’un mépris… Ça, ça m’a énervé.

Médecin 8 : On a la pression de la CPAM enfin la sécu, les assurances maladie, maintenant, ils sont à

la recherche de tous les arrêts maladie, etc… et là, c’est recours sur recours, on te demande des pa- piers, on te refait faire, tu te bats.

Médecin 11 : Ma problématique actuelle, c’est que j’ai l’impression qu’il y a beaucoup de personnes

qui s’intéressent à la manière dont on travaille pour nous imposer une façon de travailler. Et ça, ça peut-être un gros facteur de stress. Je pense que dans l’échange avec les autres, ce qui est important, c’est de se sentir bien dans ce qu’on fait. Mais, maintenant, on nous met une rentabilité, on va nous en mettre de plus en plus, je pense que pour les générations futures, oui, ça va être un stress impor- tant.

Médecin 14 : C’est le côté dirigiste et le côté on sait pas exactement où on va et de plus en plus de

contraintes au niveau général. Est-ce que ça m’inquiète ? Non, ça m’empêche pas de dormir. Est-ce que ça m’interroge et je trouve ça de plus en plus fliquant et, je sais pas comment dire, dictatorial ? Oui.

L’analyse des entretiens permet de trouver quelques explications à ces réactions. Les médecins sem- blent ne pas apprécier d’être contrôlés par des confrères qui ne sont pas directement au contact des réalités du terrain. Ils acceptent mal des objectifs rentrant dans une logique économique et qui vont parfois à l’encontre du bien du patient.

Médecin 9 : Bon, la dernière fois, elle est venue, c’était un médecin conseil, bon, j’avoue que j’ai pas…

« Qu’est-ce que tu fous là ? », je lui ai dit. Je lui ai dit : « bon, pour me donner la bonne parole », je lui ai dit : « Ecoute, quand j’aurai des cas bien, bien lourds, je te les enverrai et puis, on verra ce que t’en penses. » C’est vrai que l’on s’est un peu quitté en froid, quoi. (…) Bon voilà, donc ils font pression, sans arrêt, donc, ils ont des objectifs, je sais pas quoi, qu’on comprend pas. Donc c’est vrai, c’est pé- nible.

Médecin 11 : On a beaucoup d’appels de médecins conseil, on a l’impression qu’ils sont complète-

ment en-dehors de la problématique du patient, que leur but est d’arrêter le plus vite possible les arrêts de travail, les indemnisations… (…) J’aime pas qu’on gère mon travail à ma place (rires). Je crois que ça, c’est problématique. Je pense que ce qui gène les médecins actuellement, c’est effectivement, tous les regards extérieurs, on doit rendre des comptes, c’est normal. Mais je pense que la personne à qui on doit rendre des comptes en priorité, c’est le patient.

Au-delà de ces considérations générales, certains points particuliers sont pointés du doigt. Le fait, par exemple, que la Rosuvastatine soit passée médicament d’exception a été particulièrement critiqué. Médecin 3 : Une manœuvre qui me chacaille un peu, par exemple, la Rosuvastatine sur lequel on a

mis un phare en disant que c’était un produit cher (…). Je trouve que c’est un peu malsain parce que ça veut dire que tous les médecins sont des crétins et qu’ils prescrivent du CRESTOR ou de l’INEGY, comme ça (claquement de doigts) très facilement. Ça m’a un peu perturbé au point que j’ai vu un mec de la sécu.(…) c’est le premier doigt dans un engrenage qui me paraît être très dangereux et qui est celui d’une maîtrise comptable de la prescription médicamenteuse.

Médecin 10 : Là les statines, c’est pas bien, il faut marquer maintenant. T’as toujours un train

78 Par ailleurs, certains des médecins interrogés regrettent le manque de disponibilité des médecins conseil. Lorsqu’ils font appel à eux pour tel ou tel problème, la réponse tarde souvent à venir et ne profite donc pas au patient qui a quitté le cabinet depuis longtemps.

Médecin 5 : Et puis là aussi, il faut du temps. Ils sont gentils, il faut les appeler mais quand il y a un

patient qui rentre dès que tu ouvres la porte, ce n’est pas facile.

Médecin 15 : Ce que je peux leur reprocher, c’est qu’on peut pas les joindre, quoi. C’est la seule chose

qui est vraiment pénible, quoi. Quand on a le patient en face de soi, on peut jamais les joindre. Le numéro, c’est jamais le bon, c’est toujours en attente. Quand on a enfin quelqu’un, c’est jamais le médecin, c’est quelqu’un qui prend le message et ensuite, le médecin vous rappelle. C'est-à-dire le lendemain. Le patient, ça fait longtemps qu’il est parti. Enfin voilà, la question elle reste en suspens. Souvent ça traine, quoi.

Au total, si certains des médecins interrogés arrivent à travailler en bonne harmonie avec la sécurité sociale, elle est, pour la plupart, un objet de colère et de stress. Les praticiens relèvent une inadéqua- tion entre des objectifs économiques et la prise en charge d’un cas particulier. Cette inadéquation est source d’incompréhension. De plus, les modes de communication actuels entre médecins conseil et généralistes ne semblent pas convenir à ces derniers puisque inadaptés à la logique du terrain.