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MATÉRIELS ET MÉTHODES

5. Le recueil des données

a) Lieu de l’entretien

La plupart des entretiens ont été réalisés au cabinet des médecins. Le plus souvent, cela se faisait lors d’un temps réservé et les discours ont donc peu souffert d’interruptions. Dans certains cas pourtant, ces entretiens ont été perturbés par des appels téléphoniques ou des interventions extérieures. Ces interruptions ont pu déstructurer les discours en faisant perdre au médecin le fil d’une idée. Dans ces cas, l’enquêteur l’aidait à le retrouver mais il est possible que quelques réflexions n’aient pas été conduites jusqu’au bout.

Les entretiens qui se sont déroulés au domicile de l’enquêteur n’ont pas été interrompus.

D’après Blanchet et Gotman, le lieu de l’entretien a une influence sur le discours tenu (155). Lors- qu’un entretien est réalisé dans le bureau de l’interviewé, celui-ci s’inscrit dans un rôle professionnel facilitant la production d’un discours maitrisé. Au domicile, le récit s’avère souvent moins maitrisé et plus propice à la confidence.

Le lieu de l’entretien aurait donc pu être imposé pour éviter cette variabilité du discours. Cependant et dans un souci de simplicité pour les interviewés, nous avons préféré leur laisser le choix du lieu. Il n’a pas été identifié de différence notable entre les entretiens menés aux cabinets et ceux réalisés au domicile de l’enquêteur.

b) Enregistrement des entretiens

Les entretiens ont tous été enregistrés sur support audio pour permettre une analyse au plus près du discours. Chez certains des médecins interrogés, la présence de ce support audio induisait une gène. Le plus souvent, celle-ci se dissipait au cours de l’entretien. A l’inverse, cette tierce présence pouvait parfois être la cause d’une théâtralisation s’exprimant sous forme d’apartés faits à l’attention de l’appareil d’enregistrement ou d’un public imaginaire.

Parfois, les médecins exprimaient certaines idées ou certains ressentis une fois l’enregistreur éteint. Ce genre de comportement paraît inévitable. Pour l’effacer, il faudrait sans doute réaliser des heures d’entretien afin que l’appareil soit complètement oublié.

L’enregistrement du discours ne permet pas la retranscription des attitudes non verbales. Dans cer- tains cas, quand la gestuelle de l’interviewé avait particulièrement marqué l’enquêteur, celle-ci a été signalée dans les entretiens. Cependant, tous les gestes n’ont pu être retranscris et il existe inévita- blement une perte d’informations. Par exemple, la fin de certaines phrases était parfois éludée, lais-

94 sée en suspens ou soulignée par un geste, une attitude permettant de comprendre la pensée du mé- decin.

Pour pallier à cela, un enregistrement vidéo aurait pu être réalisé. Cependant, l’analyse d’une vidéo est complexe, nécessitant des connaissances approfondies en sociologie et psychologie. Étant donné l’absence de compétence particulière de l’enquêteur dans ces domaines, l’enregistrement audio avec retranscription intégrale nous a paru préférable.

6.

L’analyse

La méthode d’analyse choisie est celle de l’analyse transversale. Cette dernière consiste en une dé- coupe des entretiens guidée par des thématiques. Elle recherche donc une cohérence thématique inter-entretiens. L’utilisation de ce type d’analyse est pertinente dans cette étude puisque permet- tant de repérer des modèles descriptifs et de représentations (156).

Il faut être conscient que l’utilisation de cette méthode entraîne une perte de la cohérence interne des discours obtenus. C'est-à-dire que les propos des médecins interrogés sont sortis du contexte, du cadre du récit produit, et restitués tels quels. L’analyse est alors faite à partir de données brutes. Les risques psychosociaux évoqués sont repérés et extraits des entretiens sans tenir compte de l’histoire de chacun. Cette histoire, pourtant, contient les éléments de vécu qui permettraient de mieux com- prendre le ressenti des médecins.

Certains exemples sont parlants.

Le médecin n°13 évoque la difficulté que représente, pour lui, l’accompagnement des patients en soins palliatifs. Il exprime clairement que cela le renvoie au décès de sa mère. Sans cette contextuali- sation, il est clair que l’information perdrait de sa consistance. L’analyse serait plus brutale, moins nuancée.

De la même façon, le médecin n°5 se dit touché par le contact permanent avec la maladie et la mort. Il rapproche cela à une histoire personnelle douloureuse qu’il n’aborde pas dans son récit mais qui, certainement, influe sur son ressenti.

Dans un autre registre, le médecin n°16 exprime des difficultés pour gagner sa vie. Cependant, il ne semble pas être revendicateur sur le niveau de rémunération. Ce paradoxe se comprend bien lorsque ce médecin explique que son installation est récente. Le faible niveau de rémunération évoqué s’inscrit, pour lui, dans la normalité puisque conséquent d’un nombre de patients encore peu élevé. Il s’agit là d’un risque attendu qui devrait se corriger avec le temps. Il est donc bien vécu.

Dans ces trois cas, l’histoire personnelle est particulièrement importante pour comprendre et nuan- cer les risques évoqués par ces médecins. Le discours des médecins interrogés s’inscrit dans les suites d’un passé qui impacte inévitablement le présent mais également l’avenir.

L’analyse transversale ne permet pas systématiquement de restituer cette «épaisseur » de vie et il semble inévitable de perdre une certaine quantité d’informations dès lors que cette méthode est utilisée.

Il existe des modes d’analyse plus linéaires dits « par entretien ». Là, les entretiens sont analysés un à un et indépendamment les uns des autres. L’analyse repose sur l’hypothèse que chaque singularité est porteuse d’un processus soit psychologique, soit sociologique. Elle cherche donc à déceler le mode de déclenchement d’un processus et non pas le processus en lui-même. Cette méthode d’analyse ne semblait pas indiqué pour cette étude puisqu’il était ici question de mettre en évidence les risques psycho-sociaux et non pas d’en expliquer la genèse.

95 Les résultats doivent donc être pris pour ce qu’ils sont, à savoir, un ensemble de thèmes identifiés dans les récits des médecins, organisés et restitués de manière à répondre à la question de re- cherche.