Chapitre I : Les sites préhistoriques
A. Les résultats de paléoparasitologie moléculaire
Les analyses ont débuté par le séquençage d’un vestige pour lequel trois taxons de parasites avaient pu être identifié en microscopie. Aucune séquence d’helminthes n’a pu être obtenue avec la méthode « aMPlex Torrent ». Nous avons utilisé lors de cette étape 10 grammes de sédiments.
Dans l’objectif de mieux appréhender le potentiel de préservation de l’ADN du site et vu le nombre important d’échantillons à analyser, nous avons choisi de procéder de la manière suivante : deux grammes de chacun des 14 prélèvements ont été regroupés de manière à créer trois échantillons. Cinq réplications de PCR et le « pool » ont été séquencés pour chacun de ces trois extraits. Aucune séquence n’a été obtenue.
B. Discussion et conclusions
Ce site, le troisième plus ancien que nous ayons analysé par une approche génétique, n’a pas permis de séquencer d’amplicons provenant d’helminthes gastro-intestinaux. Il est possible que ce résultat soit lié à une mauvaise préservation de l’ADN du fait de l’ancienneté du site. Cependant, le site de Menneville (présenté dans le paragraphe suivant) est daté de 5500-4700 BC et des séquences d’helminthes ont été obtenues, ainsi que sur le site de La Draga (7200 BP). Des conditions géochimiques et environnementales particulières au site de Passel ont pu contribuer à une mauvaise préservation des molécules biologiques.
Pour confirmer ces résultats négatifs, il serait préférable de traiter individuellement chacun des 14 prélèvements par la méthode « aMPlex Torrent ». En débutant la purification avec 10 grammes de sédiments pour chaque vestige biologique (plutôt que deux grammes), nous augmentons la probabilité de récupérer des molécules provenant d’helminthes. Le « pool » des réplications de PCR pourraient ensuite être séquencés, ce qui nous permettraient de constater si de l’ADN a pu être effectivement préservé. Selon les résultats, il est ensuite possible de procéder au séquençage individuel de chaque réplication, pour mieux apprécier la diversité de parasites présents.
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IV.
Menneville, France
A. Les résultats de la paléoparasitologie moléculaire
Des analyses génétiques ont été effectuées sur les échantillons de sédiment associés au squelette humain. Des séquences du parasite Ascaris sp. ont été identifié au niveau du bassin et de la tête. Au niveau du vestige provenant du bassin, des séquences de Dicrocoelium
dendriticum ont aussi été identifié.
Le Tableau 3 récapitule les résultats obtenus pour le site de Menneville.
Tableau 3 : résultats comparatifs de microscopie et de paléogénétique pour le site de Menneville. La méthode des « pool » est celle décrite dans la publication scientifique.
Échantillons Œufs intacts identifiés
ADN obtenu Nombre de
séquences méthode « pool » Mdv-bassin Mdv-crâne (contrôle) Aucun Ascaridés minéralisés Ascaris sp. Dicrocoelium dendriticum Ascaris sp. >1000 17 300 B. Discussion et conclusions
Concernant les séquences de Dicrocoelium qui ont été identifiés en absence d’œufs observés, le même constat que pour le site de La Draga s’impose : il est impossible de conclure que le parasite infestait la femme inhumée car les séquences peuvent provenir d’un des deux autres hôtes intermédiaires du parasite (la fourmi et l’escargot).
Ascaris sp. étant un parasite pouvant infecter les cochons et les humains, l’association
physique des squelette de ces deux espèces explique certainement l’obtention de séquences du parasites dans le bassin et sous le crâne. Cette découverte du même parasite sur deux squelettes humain et animal est particulièrement intéressante dans ce contexte Néolithique. En effet, cela soulève la question de l’origine de la contamination pour chacune des deux espèces.
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Dans le cas présent, l’étude comparative de l’haplogroupe (basé sur les travaux de Betson et al. 2014) du parasite trouvé sous le bassin à celui retrouvé associé au porc pourrait apporter des informations important sur l’histoire du genre. Est-ce que le porc et la femme partageait un parasite de même haplogroupe ? Si c’est le cas, ceci soutiendrait l’hypothèse que les deux espèces peuvent être deux hôtes alternatifs à Ascaris, une contamination croisée étant déjà possible au Néolithique. Dans le cas contraire, cela pourrait signifier qu’à cette période, en France, chacun des deux hôtes possibles présentaient un haplogroupe spécifique. D’autres questions peuvent être soulevées : qu’en est-il de la diversité des haplogroupes au Néolithique ? Comment cette diversité évolue-t-elle au cours du temps ? Quelques-unes de ces questions pourraient trouver réponse par une étude ciblée du gène Cox1 du Néolithique jusqu’à aujourd’hui.
V.
Les mines de sel de Chehr Abad, Iran
A. Les résultats de la paléoparasitologie moléculaire
Deux échantillons (ChehP81 et ChehP85) provenant des couches d’occupation du site ont été analysés par l’approche de paléogénétique. Les parasites Trichuris trichiura, Tænia
saginata, Enterobius vermicularis, Ascaris sp. et Dicrocoelium dendriticum ont été mis en
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Tableau 4 : résultats comparatifs de microscopie et de paléogénétique du site de Chehr Abad. La méthode classique correspond au séquençage des trois réplications de PCR. La méthode
des « pool » est celle décrite dans la publication scientifique.
échantillons Œufs intacts identifiés ADN obtenu Nombre de
séquences méthode classique Nombre de séquences méthode « pool » Cheh-P81 Taeniidae Trichuris sp. Enterobius vermicularis Tænia saginata T. trichiura E. vermicularis 0 14 0 >1000 7 >1000 Cheh-P85 Ascaris sp. Taeniidae Ascaris sp. Dicrocoelium dendriticum 5 0 6 5 B. Discussion et conclusions
Les résultats des analyses confirment le mauvais état sanitaire dans lequel vivaient les mineurs. Les oxyures, qui infectent principalement les enfants dans le monde actuel, ont été retrouvés chez ces humains adultes. La présence d’Ascaris en association avec Trichuris
trichiura suggère la consommation d’aliments ou d’eau souillés par des matières fécales.
Concernant leur régime alimentaire, nous pouvons conclure, par l’identification génétique de Tænia saginata, que c’est la consommation de viande de bœuf crue ou mal cuite qui explique la présence des embryophores de Ténia retrouvés.
L’obtention de séquences de Dicrocoelium sp., en absence d’œuf, ne permet pas de conclure que celles-ci proviennent du parasite ayant infecté un humain, et non pas des restes d’une fourmi présente dans l’échantillon. Sur le même site, mais non-analysés dans le cadre des travaux exposés ici, des œufs de Dicrocoelium sp. ont été observés dans des coprolithes d’herbivores (Nezamabadi et al., 2013a). Cela suggère que des ruminants (chèvres ou moutons) étaient les hôtes les plus probables du parasite, sans que cela exclue toute dicrocoeliose humaine.
La présence de parasite typique des équidés indique que des chevaux ou ânes étaient présents sur le site, peut-être pour aider aux travaux de la mine ou pour le transport du sel extrait de la mine.