• Aucun résultat trouvé

Chapitre I : Une introduction à la paléogénétique

D. Les contaminations

La contamination d’un échantillon par de l’ADN exogène2 est un problème important

pour les analyses en paléogénétique. Comme il a été décrit au début de ce chapitre, les molécules d’ADN sont soumises à des processus physico-chimiques qui entrainent leur dégradation en de courts fragments dont les nucléotides sont souvent modifiés. En résultent des difficultés méthodologiques pour les analyses génétiques et des résultats pouvant être faussés par la conclusion erronée de la présence de polymorphismes, due aux processus diagénétiques. À cela s’ajoute l’amplification préférentielle des polymérases pour un substrat moderne, dont le nombre de molécules sera plus élevé que le nombre de molécules anciennes. Cette situation est donc qualitativement et quantitativement en défaveur des biomolécules anciennes, qui dans le cadre d’expériences de PCR, risquent d’être amplifiées tardivement, comparativement à de l’ADN exogène moderne. Il est donc important de bien comprendre les différentes sources de contaminations pour pouvoir mettre en œuvre des mesures permettant de les minimiser.

Les contaminations au moment des fouilles archéologiques

La première source de contamination avec de l’ADN moderne exogène est celle associée à la découverte d’un échantillon archéologique : l’ADN des fouilleurs peut se retrouver sur l’échantillon. Ce problème concerne principalement les travaux d’anthropologie, pour lesquels les molécules endogènes peuvent être mélangées avec l’ADN des archéologues.

Mais il existe d’autres contextes où cette contamination pourrait être problématique, par exemple pour la détermination génétique de l’origine de coprolithes. Il est parfois difficile, par exemple, de distinguer un excrément fossilisé de chien de celui d’un humain. L’ADN permettant de les discriminer provient des cellules de l’épithélium intestinal et est distribué en gradient descendant de l’extérieur vers l’intérieur des fèces. La partie externe, la plus riche en ADN, est aussi celle pouvant être manipulée par les fouilleurs.

Des contaminations inter-échantillons peuvent aussi se produire, si deux vestiges sont entreposés ou emballés ensembles, en milieu humide.

2 Nous utiliserons le terme « exogène » par opposition à celui d’endogène, qui lui décrit l’ADN du ou des organisme(s) qui sont étudiés dans le cadre d’un projet. Une contamination par de l’ADN exogène pourra aussi bien être de l’ADN environnemental, de l’ADN provenant d’une expérience précédente, présent dans des réactifs ou de l’ADN de l’expérimentateur.

39

Les contaminations intrinsèques

Selon le type d’échantillon et le projet, l’ADN endogène peut être mélangé à l’ADN exogène, sans que ce type de contamination soit évitable. Un prélèvement de sédiment pour un projet de paléoparasitologie sera nécessairement contaminé par des virus et une multitude d’organismes, naturellement présents : bactéries, levures, champignons, plantes, pollens … Dans certains cas, il serait possible de purifier une plus grande proportion d’ADN endogène en adaptant les méthodes d’extraction afin de préserver l’intégrité des parois de bactéries et/ou des champignons.

Les contaminations au laboratoire

Lorsqu’un échantillon arrive au laboratoire, il subira divers traitements pouvant l’exposer à plusieurs sources de contamination, décrites dans les paragraphes suivants.

Ce genre de contamination peut survenir si les surfaces de travail ne sont pas nettoyées de manière adéquate entre différentes séries d’expériences. Le développement de méthodes d’analyses à haut-débit, permettant de traiter simultanément jusqu’à 96 échantillons en parallèle, peut aussi générer ce type de contamination. L’ouverture de plaques de PCR doit se faire précautionneusement pour éviter de générer des microgouttelettes qui peuvent passer d’un puits à un autre. L’utilisation d’un robot-pipetteur présente l’avantage d’un gain de temps et d’argent, mais il doit être programmé d’une manière à minimiser les possibilités de contaminations croisées.

40

Ce type de contamination se caractérise par la dissémination d’amplicons dans le laboratoire pouvant intervenir lors de l’ouverture de tubes de PCR consécutive à des réactions d’amplification. Ces molécules, qui sont le produit de couples d’amorces qui peuvent être utilisés fréquemment, peuvent correspondent à la cible ancienne que l’on cherche à détecter. Ces amplicons, présents en nombre plus élevé que les molécules anciennes, auront plus de chance d’être réamplifiés par la suite.

Toutes les solutions, poudres, enzymes, tubes ou embouts de pipettes, produits dans des usines, restent sous le contrôle d’êtres humains, qui peuvent les contaminer, et ceci malgré la stérilisation par l’irradiation des matériaux en plastique. Un exemple, tiré des sciences criminelles, illustre bien le genre de conséquences dramatiques que peut avoir ce type de contamination. Entre 1993 et 2008, l’ADN d’une femme fut retrouvé sur plusieurs scènes de crime, en Allemagne, en Autriche et en France. En 2009, un journal allemand révéla que cet ADN appartenait en fait à une employée de l’entreprise fabriquant des cotons tiges de prélèvement utilisés par les services de police européens (Ferracci-Porri, 2009).

De nombreux agents stabilisateurs sont fabriqués à partir d’animaux comme le bœuf, le porc ou le cheval, telles la BSA ou la HSA (Horse Serum Albumin). Des séquences de plusieurs animaux, domestiques ou sauvages, ont été identifiés dans de nombreux réactifs utilisés pour les réactions de PCR (Leonard et al., 2007). Les enzymes Taq polymérases contiennent une telle quantité d’ADN bactérien que l’analyse de faible quantité de cible procaryote, même en dehors d’un contexte paléogénétique, peut également être problématique (Bottger, 1990 ; Corless et al., 2000).

Certaines marques de colonnes de purification de l’ADN basées sur le système de membrane de silice ont montré être source de contamination par des parvovirus (Rosseel et al., 2014) et des rongeurs (Erlwein et al., 2011 ; Zheng et al., 2011).

41