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I.3.1. Précipitation et soulèvement de poussières

La quantité de poussière présente dans l’atmosphère varie car la poussière est régulièrement déposée et soulevée de la surface de Mars. Les particules les plus facilement mises en mouvements par le vent ont un diamètre de l’ordre de 100 µm [87]. Les particules plus grosses sont trop massives, alors que les particules plus fines, comme la poussière (quelques microns), sont plus difficiles à déplacer car les forces de cohésion inter-particules augmentent avec le rapport surface/volume [88]. Les vents maximum mesurés sur Mars sont de l’ordre de 30 km.s-1 ( [28], [171]), et pourraient être parfois suffisant pour mettre directement en suspension des grains de poussière [247]. Lorsque les vents sont trop faibles, la poussière peut tout de même entrer en suspension grâce à la saltation des grains de sable facilement mobiles de 100 µm : ces derniers effectuent de courtes trajectoires balistiques sous l’action du vent et soulèvent de la poussière en retombant. Ce mécanisme est faiblement actif au voisinage des Mars Exploration Rovers ( [90], [91]) mais semble nécessaire aux simulations numériques [177].

I.3.1.a Les tempêtes de poussières

Les vents martiens doivent dépasser un certain seuil avant de mettre en mouvement les particules de poussière, soit directement soit par saltation [177]. Ce seuil est atteint uniquement à certaines époques et au niveau de certaines régions, ou des quantités importantes de poussière sont alors parfois mises en mouvement : les tempêtes de poussière. Une distinction est faite entre les tempêtes de poussière et les nuages de poussière, ces derniers n’étant plus situés au dessus de leur source. Les tempêtes de poussière sont généralement classées en trois catégories selon leur ampleur et leur durée : locales (< 1,6 106 km², moins de trois jours), régionales, et globales (« planet-encircling », [256]) lorsque de nombreuses tempêtes régionales créent un nuage qui obscurcit toute la planète [26]. Entre 100 et 200 tempêtes de poussière sont observées chaque année sur Mars, dont moins de 20 régionales [28]. Les tempêtes locales sont observées à toutes les saisons sur la plupart des régions de Mars [28]. Les tempêtes les plus nombreuses et les plus volumineuses ont lieu aux bords des calottes saisonnières ( [26], [175]) et au niveau des latitudes moyennes de l’hémisphère sud durant le printemps et l’été ( [177], [28]). Les vents forts qui provoquent des tempêtes au niveau des calottes polaires proviennent probablement des contrastes thermiques entre la glace et la poussière [145]. Les nombreuses tempêtes de poussières qui débutent au milieu du printemps de l’hémisphère sud (LS 140°) injectent de la poussière à plusieurs dizaines de kilomètre d’altitude [28] et sont responsables de l’augmentation généralisée de

reproduisent une variabilité similaire [10]. La durée totale d’une telle tempête est d’environ 100 à 200 jours ( [64], [28]), la phase d’expansion durant quelques semaines.

I.3.1.b Les tornades de poussières

Un autre phénomène est responsable de l’injection de poussière dans l’atmosphère : les tornades de poussière [232]. Ces tornades sont des tourbillons d’air ascendant entrainant de la poussière. Ces tourbillons se forment lorsque la surface est chauffée par le soleil de manière inhomogène en raison de la rugosité de la surface ou des contrastes d’albédo [177]. A vitesse de vent équivalente, ces tourbillons sont plus efficaces pour soulever la poussière que les vents classiques [89]. Les tornades martiennes font typiquement quelques dizaines de mètres de large et plusieurs centaines de mètres de haut, mais peuvent s’écarter sensiblement de ce cas moyen ; elles se forment puis disparaissent en quelques minutes ( [92], [4]). Elles sont fréquentes au niveau de certaines régions : le Rover Spirit a imagé en moyenne 2 tornades par jours durant le printemps et l’été de l’hémisphère sud [92]. La plupart des tornades laissent une trace noire au sol en se déplaçant, parce qu’elles entrainent de la poussière brillante et révèle le matériau plus sombre qui se trouve en dessous. Des tornades sont détectées à toutes les latitudes, excepté les latitudes polaires extrêmes, à toutes les altitudes, mais dans certaines zones uniquement, comme Amazonis [27]. Ces tornades sont principalement observées aux niveaux des printemps et étés locaux, le maximum se situant en été ( [92], [4], [67], [27]). Elle ne sont pas responsables du déclanchement des tempêtes de poussière ( [178], [27], [4]) mais permettent de maintenir en permanence une certaine opacité atmosphérique, en particulier durant le printemps et l’été de l’hémisphère Nord où l’activité des tempêtes est faible ( [118], [67], [173], [9]). Les tornades de poussière pourraient être responsables de la moitié de la poussière soulevée les années où aucune tempête globale ne se produit [118].

I.3.1.c Variabilité des terrains sombres

Les surfaces recouvertes d’une quantité importante de poussières sont brillantes (réflectance de l’ordre de 0,4 au voisinage d’1µm). Ainsi, les terrains clairs de Mars sont souvent assimilés à des « réservoirs » de poussière [35] (en raison notamment de leur faible inertie thermique que l’on associe à une taille de grains inférieure à 100 µm [205]), l’albédo des cibles de calibration des atterrisseurs tend vers 0,4 à mesure que de la poussière les recouvre [127] et certaines traces sombres laissées par les tornades sont progressivement recouvertes de poussière et s’estompent [4]. Les régions sombres en revanche sont principalement dépourvues de poussière. Globalement, les motifs d’albédo de Mars sont inchangés depuis que des observateurs terrestres ont cartographié la planète [77] : les mécanismes responsables du dépôt ou du soulèvement de la poussière agissent donc préférentiellement dans certaines régions de Mars. La circulation atmosphérique pourrait favoriser la précipitation de la poussière dans certaines zones au détriment d’autre. La nature des terrains sombres, dont l’inertie thermique est souvent proche du sable [186], pourrait favoriser la saltation est donc la réinjection permanente de la poussière déposée ( [206], [193], [90]). Les frontières des régions sombres ne sont pas tout à fait stables au cours du temps : des variations ont été observées sur des échelles de plusieurs années à plusieurs dizaines d’année ( [36], [138], [77], [228], Figure I-12). Précipitation et nettoyage sont ici en compétition : les tornades de poussière, les tempêtes et le vent permettent de retirer de certaines zones de la poussière sans qu’elle y soit

de nouveau déposée, et de nouveaux dépôts de poussière pérennes se forment ( [77], [78], [206]). Après les tempêtes de poussière, l’ensemble de la planète apparaît pendant quelques temps moins contrastée : ceci pourrait provenir d’une fine couche de poussière de quelques microns déposée sur l’ensemble de la planète, puis progressivement nettoyée par les mécanismes évoqués ci-dessus, ou d’une forte quantité de poussière atmosphérique rémanente ( [193], [148], [28]). Les variations globales de l’albédo de Mars pourraient influer sur le climat martien ( [28], [65]).

Figure I-12 : Comparaison entre une mosaïque Viking (1977) et MGS (2001). Certaines structures sombres de la surface de Mars changent de forme sur de longues échelles de temps. Figure extraite de [228], d’après Geissler et al. (2005) [77].

I.3.2. La nouvelle histoire de Mars

OMEGA a détecté des minéraux hydratés dans les régions équatoriales de Mars non recouvertes de poussières. Ces observations ont permis l’élaboration d’un nouveau scénario de l’histoire de Mars, que nous allons brièvement décrire dans cette section. De nombreuses structures géomorphologiques observées à la surface de Mars depuis les sondes Viking s’expliquent par des processus de formation impliquant de l’eau liquide [29]. L’eau liquide est aujourd’hui instable sur Mars, en raison des faibles valeurs moyennes de la pression et de la

principal dépôt se trouve sur Meridiani, où le Rover Opportunity a été envoyé fin 2003 [83]. Ce Rover y a découvert des sphérules d’hématite grise pouvant expliquer les signatures d’hématite détectées en orbite par TES et résultant d’un processus de diagenèse. Opportunity a également découvert de fortes concentrations de sulfates contenant des molécules d’eau dans leur structure et requérant probablement la présence d’eau liquide en surface lors de leur formation [226].

I.3.2.a Les minéraux hydratés

L’instrument OMEGA a détecté sur certains terrains de la planète Mars les signatures spectrales de plusieurs minéraux hydratés grâce aux absorptions correspondant à des niveaux de vibrations moléculaires liés à la molécule H2O ou à la liaison métal–OH ( [16], [76], [199]). Deux types de minéraux hydratés ont été découvert par OMEGA : les sulfates et les phyllosilicates (Figure I-13).

Les sulfates sont des minéraux dont la structure chimique typique est MSO4·nH2O, M représentant un métal et n étant le degré d’hydratation du sulfate. Ces sulfates ont été détectés par certains niveaux de vibrations de la molécule H2O (à 1,4 et à 1,9 µm, pouvant être décalés à 1,6 et 2,1 µm), de la liaison métal–OH et de la liaison S–O associée à des molécules d’eau (entre 2,2 – 2,4 µm) [76]. Trois classes de sulfates ont été détectées dans les régions équatoriales : des sulfates mono-hydratés, probablement de la kiesérite (un sulfate de magnésium de formule MgSO4·H2O) ; des sulfates de calcium, le gypse (CaSO4·2H2O) étant un bon candidat ; des sulfate poly-hydratés, plusieurs cations pouvant expliquer les signatures observées. Ces signatures de sulfate sont associées à des dépôts stratifiés brillants vieux de 3 à 4 milliards d’année [76], partiellement recouvert d’une couche plus jeune. Ces sulfates peuvent se former en surface, par évaporation d’une étendue d’eau ou par altération d’une roche volcanique sous une pluie acide, ou bien en profondeur dans des conditions hydrothermales. Leur formation ne nécessite pas la présence d’eau liquide sur de longues échelles de temps : l’évaporation rapide d’une nappe d’eau liquide instable suffit à leur élaboration.

Les phyllosilicates sont des minéraux présentant une structure en feuillet dont la composition chimique comprend des groupements Si2O5, des métaux et des groupements OH. Les argiles à structure feuilletée font partie de la famille des phyllosilicates. Ils sont détectés dans les données OMEGA par leur absorptions à 1,9 µm, entre 2,2 et 2,4 µm et à 1,41 µm. Plusieurs phyllosilicates ont été identifiés : des phyllosilicates riches en fer (smectites), en fer et en magnésium, et en aluminium (montmorillonite) [199]. Les phyllosilicates sont observés lorsque la croûte ancienne, datant de plus de 3,8 millions d’année, est exposée, soit au niveau d’affleurement [146], soit au niveau des éjectas de cratère d’impact. Dans ce dernier cas l’hypothèse d’une formation au moment de l’impact est peu probable [149]. Des phyllosilicates sont également détectés dans des dépôts sombres : l’érosion d’un terrain argileux ancien, enterré puis partiellement exposé, est l’explication la plus probable de ces dépôts [199]. Les phyllosilicates se sont donc formés au début de l’histoire de Mars, soit en profondeur, soit en surface. Plusieurs mécanismes probables expliquant leur formation impliquent un contact prolongé entre des roches ignées et de l’eau liquide.

I.3.2.b Une chronologie minéralogique : Phyllosien, Theiikien et Siderikien

L’étude de la répartition spatiale et temporelle des minéraux hydratés découverts par OMEGA a conduit à un nouveau découpage de l’histoire de Mars en trois ères minéralogiques [17]. Les phyllosilicates sont observés dans les terrains anciens de Mars. De nombreux mécanismes menant à leur formation nécessitent la présence d’eau liquide, en surface ou en profondeur, sur de longues échelles de temps. D’autres mécanismes de formation en profondeur n’impliquant pas la présence d’eau liquide stable sont également possibles. Les phyllosilicates définissent la première ère de l’histoire de Mars, le « phyllosien ». Lors de cette période, qui couvre environ 0,7 milliard d’année, de l’eau liquide a peut être été stable sur Mars, soit en surface, soit en profondeur. L’environnement martien aurait alors été humide et alcalin, impliquant l’existence d’un climat différent de celui observé aujourd’hui, notamment caractérisé par un fort effet de serre [34]. Cette ère aurait pris fin lorsque les conditions climatiques martiennes ne permettaient plus la stabilité de l’eau liquide. Ce changement pourrait être lié à l’arrêt de la dynamo de Mars qui a privé la planète de sa protection magnétique, permettant l’échappement de l’atmosphère. L’époque de formation des sulfates définit la deuxième ère de Mars : le « theiikien » (du grec). La forte activité volcanique survenue lors de la formation du dôme de Tharsis, à la jonction entre ces deux ères, a projeté du souffre dans l’atmosphère, rendant le milieu acide, et a pu produire en surface des nappes d’eau localisées et peu stables permettant la formation des sulfates. Cette période a duré quelques centaines de millions d’année. La troisième et dernière ère de l’histoire de Mars débute il y a 3,5 milliards d’année environ : l’eau liquide n’y joue aucun rôle prépondérant. La surface de Mars est lentement altérée, probablement par l’atmosphère, et se couvre en de nombreux endroits d’une fine couche d’oxyde ferrique anhydre : c’est le « siderikien » (du grec). De l’eau liquide a pu se former sporadiquement durant cette ère (fonte des dépôts de glace liée aux variations d’obliquité de la planète [136]), sans laisser de traces minéralogiques majeures. Le phyllosien est donc l’ère durant laquelle Mars a peut être connu des conditions favorables à l’apparition de la vie, et les dépôts de phyllosilicates sont désormais des cibles privilégiées pour les futures missions d’exobiologie martienne.

Chapitre II

Modélisation du transfert radiatif dans une couche