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I.2. Les régions polaires de Mars

I.2.3. Les interactions entre la glace et la poussière

Les couches de glace des régions polaires de Mars ne sont pas pures mais contaminées en poussière. Nous allons évoquer brièvement les interactions possibles sur Mars entre la poussière (atmosphérique et déposée en surface) et les glaces d’eau et de CO2.

I.2.3.a La nucléation atmosphérique

Les cristaux de glace peuvent se former dans l’atmosphère martienne soit par nucléation homogène (formation spontanée d’un amas de molécules qui servira de noyau de condensation) soit par nucléation hétérogène (le gaz se condense sur un noyau d’une autre composition) [162]. Sur Terre, la nucléation hétérogène de l’eau en glace se fait dès 0°C alors

micrométriques et submicrométriques, voir section I.1) alors que la nucléation homogène nécessite une supersaturation importante ( [85], [46], [147]).

Le maintien en suspension de particules dans l’atmosphère provient d’un équilibre entre des mouvements descendants dus à la gravité et des mouvements ascendants dus aux turbulences. La condensation de glace sur un noyau de poussière modifie son rayon et sa masse et peut provoquer sa sédimentation rapide en surface [162]. Ce phénomène a été proposé à plusieurs reprises pour expliquer les faibles quantités de poussière observées à certaines périodes dans l’atmosphère de Mars, en particulier au niveau des régions polaires ( [175], [164], [124], [178]) et au niveau du bassin d’Hellas [145]. La présence de noyaux de poussière au sein des cristaux de glace peut fortement réduire l’albédo de la glace en surface, comme cela est observé pour la glace d’eau au pôle Nord de Mars ( [121], [45], voir aussi section I.2.3.c). Un des atterrisseurs Viking s’est posé à haute latitude (48°N), et a vu en hiver la surface se recouvrir d’une très fine couche de givre dont les propriétés sont compatibles avec la présence de noyaux de condensation [243].

I.2.3.b Evolution de la contamination en poussière des glaces de surface La glace de surface peut être contaminée en poussière par trois mécanismes :

- Les cristaux de glace se forment par condensation autour d’un noyau de poussière (voir section précédente).

- De la poussière atmosphérique sédimente sur la glace après sa formation, par exemple suite à des tempêtes ayant injecté de grandes quantités de poussière dans l’atmosphère ( [121], [233], [28]).

- La poussière et les cristaux de glace sédimentent simultanément lors de la formation des calottes saisonnières [121] (les nuages qui se forment au dessus des calottes à l’automne lors de la formation des calottes saisonnières combinent poussière et glace [244]).

La contamination en poussière de la glace peut diminuer de plusieurs manières :

- Si les grains de poussière sont libres en surface, soit parce qu’ils se sont déposés après la glace, soit parce que le givre les emprisonnant s’est sublimé, ils peuvent être transportés par les vents. Les contrastes thermiques importants entre les surfaces couvertes de glace et les surfaces sans glace pourraient favoriser la formation de vents suffisants pour déplacer la poussière déposée sur la glace [145]. La sublimation du CO2 pourrait également produire des vents capables de soulever la poussière de la glace ( [122], [126]).

- Les grains de poussière peuvent également s’enfoncer en profondeur dans la glace, deux mécanismes étant envisageables. La poussière, libérée par la sublimation du givre saisonnier, peut s’enfoncer en tombant entre les craquelures des couches de glaces anciennes ( [131], [253]). La poussière, de plus en plus chauffée à mesure que l’on s’approche du solstice d’été, pourraient également faire fondre localement la glace sur laquelle elle repose et s’enfoncer ainsi progressivement ( [183], [45], [126]).

I.2.3.c Impact sur les propriétés optiques de la glace

Cette contamination en poussière a un impact majeur sur les propriétés optique de la glace. Plusieurs théories ont été développées pour modéliser la lumière diffusée par une surface planétaire, avec notamment pour objectif d’inverser les spectre de réflectance observés pour en déduire les propriétés chimiques et physiques des surfaces analysées ( [99], [53], [211], [198]), en particulier pour les mélanges de type granulaire.

Lorsque la surface peut-être modélisée par un mélange de ce type, la taille des grains est un paramètre ayant une influence importante sur le spectre en réflectance observé, car elle définit la longueur des trajets séparant deux interfaces diffusantes. Lorsque l’on observe un matériau ayant un indice optique complexe non nul, comme la poussière ou la glace à certaines longueurs d’onde proche infrarouge, la probabilité pour un photon pénétrant dans ce matériau d’être absorbé augmente avec la taille des grains. En effet si les grains sont suffisamment gros, tous les photons entrant dans un grain sont absorbés alors que si les grains sont petits, les photons peuvent être réfléchis sur les interfaces et ressortir des grains vers l’extérieur avant d’avoir été absorbés (Figure I-11, a). La réflectance apparente d’une surface va donc augmenter lorsque la taille des grains constituant cette surface diminue. La glace non contaminée en poussière absorbe très peu le rayonnement dans le visible : une couche de glace déposée sur un substrat sombre apparaitra brillante si elle est constituée de petits grains ou transparente, et donc sombre, si elle est constituée d’un bloc sans interface diffusante en son sein (Figure I-11, b). La façon dont les différents grains constituant un mélange sont agencés influe également sur le spectre observé. En cas de mélange spatial de plusieurs surfaces à l’intérieur d’un pixel (patchs de glace et de poussière par exemple), le spectre apparent est une combinaison linéaire des différents constituants. En cas de mélange de type « sel et poivre » (Figure I-11, c), le spectre apparent n’est plus une combinaison linéaire : le matériau sombre domine [44]. La poussière réduit alors fortement le continuum du spectre de la glace, alors que les bandes d’absorption restent prononcées et sont peu affectée par la présence de poussière. Lorsqu’un matériau se solidifie autour d’un noyau de composition différente, la réflectance observée dépend notamment de la capacité des photons à atteindre ou non le noyau à l’intérieur des grains, selon le coefficient d’absorption du matériau entourant le noyau (Figure I-11d et e).

Dans le proche infrarouge, les absorptions par les constituants de la surface sont dues principalement à des transitions de vibration moléculaire ou cristalline ; les transitions électroniques correspondent principalement à des photons plus énergétiques, visibles et UVs. La position et la forme des absorptions sont caractéristiques de certaines molécules, liaisons inter moléculaire, phases... et leur observation permet de déterminer la nature et les propriétés des constituants présents en surface. La force d’une bande d’absorption peut être estimée en divisant la réflectance au fond de la bande par la réflectance dans le continuum : ce rapport est en effet indépendant du continuum. Selon le type de mélange et la taille des grains (cf. Figure I-11), une même fraction d’un constituant donné ne va pas donner lieu à la même bande d’absorption. L’évolution temporelle d’une bande peut donc traduire différents mécanismes :

modification de l’environnement chimique des liaisons responsables de la bande d’absorptions [76]...

Figure I-11 : Effet de la taille des grains constituant une surface et du type de mélange. (a) Pour une constitution donnée, la réflectance augmente lorsque la taille des grains diminue car certains photons peuvent sortir après réflexion sur les faces internes des grains et avant d’avoir été absorbé (vert, comparé à rouge). (b) Un matériau transparent (e.g. glace) recouvre un matériau sombre ; lorsque la surface est constituée de petits grains (e.g. cristaux de neige), elle apparaît brillante car les photons ressortent après diffusions multiples sur les parois des grains (flèches bleues) ; lorsque la surface est composée d’un bloc (e.g. bloc de glace), les photons atteignent la surface sous la couche transparente et sont absorbés (rouge). (c) Mélange intime (« sel et poivre ») de grains absorbants et de grains transparents ; la réflectance apparente n’est pas une combinaison linéaire des réflectances de chaque matériau : le matériau sombre domine. (d) Mélange « intra » de grains sombres à l’intérieur de grains transparents ; certains photons sont absorbés par les grains sombres avant d’avoir été réfléchis par le fond du grain transparent. (e) Mélange « intra » de grains clairs à l’intérieure de grains sombres ; les photons sont absorbés par le grain sombre avant d’avoir atteint le grain clair.