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C. La biologie du CHIKV

1. Les régions non-codantes

Les parties non traduites des Alphavirus sont essentielles pour assurer la multiplication de virus chez les vertébrés hôtes et chez leur vecteur. Les parties 5’ et 3’ UTRs contiennent des séquences conservées « Conserved Sequence Elements » (Fayzulin et Frolov, 2004 (Fayzulin et Frolov 2004)) au sein des différentes espèces virales du genre Alphavirus, et des structures secondaires particulières, toutes deux importantes pour la synthèse des brins positifs et négatifs (intermédiaires de réplication) des ARNs viraux.

i. Les CSEs

Le premier CSE se situe en début de partie 5’UTR du génome CHIKV, et forme une structure en tige-boucle (Figure 12). Cette séquence fonctionnerait comme un promoteur de la synthèse du brin d’ARN génomique à polarité positive à partir du brin négatif (Ou et al. 1983)

21 Le deuxième CSE identifié est une séquence de 24 nucléotides présente au début du promoteur subgénomique du virus Sindbis et est parfaitement conservé chez CHIKV (Figure 12). Le complémentaire de cette séquence, présent dans le brin négatif d’ARN est caractérisé comme étant le promoteur de transcription du brin positif de l’ARN subgénomique (Ou et al. 1982, Levis et al. 1990)

Le troisième CSE identifié se situe juste en amont de la queue polyadénylée en 3’ du génome des Alphavirus (Kuhn et al, 1990 ; Hardy et Rice, 2005 ; Hardy, 2006). Cette séquence de 19 nucléotides (Figure 12) serait nécessaire pour que la polymérase virale synthétise le brin d’ARN négatif du sens 3’ vers 5’ (Ou et al. 1981). En effet, des mutations dans cette séquence réduisent significativement la quantité de brin d’ARN à polarité négative dans une cellule infectée par le virus Sindbis. Raju et ses collaborateurs ont montré que l’effet délétère de la suppression de cette séquence peut être contrecarrée par ajout d’une séquence riche en adénines et en uraciles (Raju et al. 1999).

Figure 12: Localisation des CSEs dans le génome du CHIKV. Le CSE 1 serait impliquée dans la synthèse du brin + génomique à partir d’une matrice de polarité négative. Le CSE2 est situé dans la jonction séparant les deux cadres de lectures. Le CSE3 est situé directement en amont de la queue poly adénylée. Le CSE4 est situé dans la partie 5’ de la région codante pour nsP1 et est prédite pour former des structures secondaires (Michel et al. 2007).

Un quatrième CSE est présent dans la séquence codante de nsP1 (Figure 12). Il est constitué de 51 nucléotides et pourrait correspondre à une séquence stimulatrice de la réplication virale de manière virus et cellule dépendante (Niesters et Strauss 1990, Fayzulin et Frolov 2004). Cette séquence, parce qu’elle se situe dans la séquence codant pour la protéine nsP1, ne peut être modifiée par mutation car cela changerait la structure et la fonction de nsP1. Si toutefois la séquence codante pour nsP1 devait subir des mutations, des modifications génétiques adaptatives pourraient apparaître dans les séquences codantes de nsP2 et nsP3 (Fayzulin et Frolov 2004). Ce quatrième CSE est très important pour la réplication du virus Sindbis dans les cellules de moustique infectées (Fayzulin et Frolov 2004) puisqu’il serait impliqué dans la traduction des nsPs, de la synthèse du génome en brin positif et négatif et que les modifications des structures secondaires (Figure 12) réduit considérablement la réplication virale du VEEV (Michel et al. 2007). Ces observations peuvent être expliqués par la présence de sites de fixation des protéines virales ou de protéines cellulaires impliquées dans la réplication du génome viral (Pardigon et Strauss 1992, Pardigon et al. 1993). Par ailleurs, une autre hypothèse suggère que le CSE présent dans nsP1 est nécessaire pour la synthèse du brin négatif et que le CSE de 19 nucléotides précédant la queue

22 poly A est considéré comme étant le promoteur de l’initiation de la transcription de brin d’ARN, permettraient au génome viral de se circulariser pour permettre sa réplication. Cette potentielle circularisation ne serait pas directement liée à une interaction ARN-ARN, les séquences des extrémités du génome n’étant pas complémentaires, mais impliquerait des interactions avec des protéines cellulaires et virales (Frolov et al. 2001).

ii. Les structures de la partie 5’UTR

La première structure rencontrée à l’extrémité du 5’UTR est la coiffe. La coiffe est une structure moléculaire reconnue par la machinerie traductionnelle de la cellule. Les acteurs cellulaires de la synthèse protéique s’assemblent autour de la coiffe et permettent la traduction des séquences codantes des protéines en aval de cette coiffe. Dans le cas des Alphavirus, les ARN viraux synthétisés et empaquetés dans les virions se voient ajouter une 7-methylguanosine grâce à l’action des protéines nsp1 et nsp2, cette modification serait responsable d’une plus grande stabilité des ARN viraux « coiffe-dépendante » de l’ARN (Ahola et Kaariainen 1995, Ahola et al. 1997, Vasiljeva et al. 2000, Li et al. 2015). La coiffe des Alphavirus est légèrement différente de celle des ARNm de la cellule hôte ou d’autres virus puisque c’est une coiffe de structure « Cap 0 ». En effet, contrairement aux ARNm cellulaires et par exemple à l’ARN d’Ebola ou du virus Marburg. La coiffe de l’ARN de polarité positive du CHIKV et des autres Alphavirus ne possède pas de méthylation sur le groupement hydroxyle (OH) du deuxième carbone du ribose (2’-O-méthyl), mais sur l’atome d’azote en position 7, de la Guanosine (7mG). Cette structure « Cap 0 » est reconnue par des ISGs (« Interferon Stimulated Gene ») des protéines cellulaires comme RIG-I (Devarkar et al. 2016) et Ifit1 (Hyde et al. 2014) conduisant à la mise en place d’une réponse antivirale. Le CHIKV peut empêcher la reconnaissance de cette structure par Ifit1 grâce à ses structures secondaires en tige-boucle du 5’UTR (Hyde et al. 2014), mais le mécanisme exact de cette restriction reste encore méconnu. Une autre hypothèse développée le groupe de Pestova suggère que la restriction de la réplication virale par Ifit1 serait liée à l’absence d’interaction d’eiF4E et d’eiF4F (Kumar et al. 2014) sur l’ARN viral où Ifit1 se serait préalablement fixée, dès lors l’initiation de la traduction des protéines virales serait inhibée.

Deux autres structures possiblement importantes dans la traduction des protéines virales en aval de la coiffe seraient les deux tiges-boucles présentes dans le 5’UTR du CHIKV (Figure 13). A l’heure actuelle, leurs fonctions ne sont pas élucidées et l’interaction avec des protéines cellulaires n’est pas démontrée. Toutefois, les ARN génomiques et subgénomiques de polarité positive étant coiffés de manière identique mais entrainant une association différentielle des facteurs de traduction (Gonzalez-Almela et al. 2015), il est possible que les structures secondaires du 5’UTR participent à l’association de facteurs d’initiation de la traduction des protéines non-structurales virales.

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Figure 13: L'extrémité 5'UTR des différentes lignées de CHIKV contiennent une séquence et une structure secondaire conservée. Les structures secondaires de l’extrémité 5’UTR des souches de CHIKV Sénégal (37997 : GenBank: AY726732.1), île Maurice (D570/06 : GenBank: EF012359.1), Nouvelle-Calédonie (NC/2011-568 : GenBank: HE806461.1) ont été prédites avec le serveur « RNA Fold ».

iii. Les structures de la partie 3’UTR

Si l’extrémité 5’ du CHIKV contient une coiffe, l’extrémité 3’ possède une autre caractéristique partagée par les ARN messagers, une queue polyadénylée. Cette structure est ajoutée par nsP4 au cours de la polymérisation du nouveau brin d’ARN. Cette séquence riche en adénines doit au moins être constituée de 11 à 12 nucléotides en plus du CSE2 pour un amorçage et une synthèse efficace du brin d’ARN négatif (Hardy et Rice 2005). Sa taille, d’au moins 11 nucléotides, est nécessaire à l’interaction de la protéine PABP (Poly(A)-Binding Protein) avec les queues polyA des ARNm induisant une circularisation de ces ARNm et permettant leur traduction de manière efficace (Lemay et al. 2010).

En amont de cette queue poly A on retrouve une cytosine parfaitement bien conservée chez toutes les souches de CHIKV et chez tous les Alphavirus. Cette cytosine serait responsable de l’initiation de la synthèse du brin de polarité négative au niveau du CSE2. (Figure 12 - Page 21) (Hardy 2006b). Les extrémités 3’ UTR des Alphavirus sont de tailles variables même au sein des différentes souches du CHIKV. En effet, l’extrémité 3’UTR peut être constituée de 498 à 723 nucléotides (Hyde et al. 2015). Cette différence importante est notamment liée à la présence de séquences répétées nommées RSE (« Repeated Sequence Element »). La fonction exacte de ces séquences n’est pas connue actuellement, mais elles pourraient jouer un rôle dans la réplication du CHIKV dans les cellules de moustiques. En effet, les moustiques utilisant le système des miRNA en guise de système de défense contre un pathogène en particulier dans le mésentéron moyen. Ces RSEs seraient potentiellement une cible pour des miRNA complémentaires qui dans ce contexte moduleraient la réplication du CHIKV. Un des miRNAs étudiés lors de l’infection par l’EEEV est le miR-142-3p. Celui-ci