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Les récepteurs nucléaires: des "senseurs" intracellulaires

Chapitre II: La détection des lipides alimentaires

II.5 Les récepteurs nucléaires: des "senseurs" intracellulaires

Un changement de composition lipidique, une adaptation à trop ou trop peu d'apport en lipides ont des effets sur l'expression de gènes (Clarke and Jump 1994; Jump et coll. 1996). Ces effets génomiques font intervenir des récepteurs nucléaires (par exemple les PPARs) dont l'activité et/ou l'abondance sont contrôlées par les acides gras ou leur métabolites. Ces actions, contrôlées et coordonnées entre les différents organes, font actuellement dire de ces facteurs nucléaires qu'ils sont de véritables "senseurs" de lipides (pour revue (Grimaldi 2007)) et sont capables d'adapter le métabolisme et le développement de différents tissus en fonction des disponibilités en lipides.

Les acides gras, le cholestérol, les acides biliaires et leurs dérivés métaboliques sont des ligands de différents récepteurs nucléaires, tels que LXR, PPAR, HNF-4α (liste non exhaustive). Je vais présenter essentiellement le "sensing" des acides gras, et comment il est abordé par l'action de ces "senseurs", considérés comme de véritables relais de signalisation intracellulaire. Ces différents détecteurs relaient les effets transcriptionnels des acides gras soit par la liaison directe à l'ADN (PPAR, LXR, HNF-4α) soit de façon indirecte en modulant l'abondance d'autres facteurs transcriptionnels (SREBP, ChREBP), Figure 29.

Figure 29: Vue générale des récepteurs nucléaires "senseurs" d'acides gras (représentation schématique). Les Acides Gras Non Estérifiés (AGNE) ou leur forme-CoA régulent la transcription de

gènes cibles via l'interaction directe avec les facteurs nucléaires PPAR, LXR, HNF-4α. Les acides gras peuvent inhiber de façon indirecte la transcription de gènes codant des enzymes lipogéniques ou la pyruvate kinase du foie, via une réduction de l'abondance nucléaire de facteurs de transcription tels que SREBP-1c ou ChREBP (Carbohydrate response element binding protein). RXR pourrait également être considéré comme "senseur" d'acides gras. D'après (Pegorier et coll. 2004)

Parmi les récepteurs nucléaires régulés par les acides gras, les PPARs (Peroxysome Proliferator Activated Receptors) sont ceux qui ont été le plus largement étudiés pour leur rôle de " senseurs ". Ils sont exprimés dans de nombreux tissus et sont impliqués dans la régulation du captage, du stockage, et de l'utilisation des lipides. Il en existe plusieurs isoformes (α, β, δ, γ). La modulation d'expression de gènes est due à la liaison

d'hétérodimères PPAR/RXR (Retinoic X Receptor) à une séquence d'ADN spécifique, l'élément de réponse au proliférateur de peroxysome (PPRE) (pour revue (Desvergne et coll. 2006)). Parmi les ligands des PPARs, les acides gras, en particulier les acides gras insaturés, lient les PPARs au niveau d'une poche du LBD (Ligand Binding Domain), ce qui entraine le recrutement de coactivateurs, essentiel pour l'interaction avec la machinerie transcriptionnelle.

PPARα et PPARβ/δ participent au contrôle de l'absorption lipidique dans l'intestin grêle en régulant de façon positive des gènes, telle que la L-FABP (L type Fatty acid binding protein) (Poirier et coll. 1996). Les PPARs, et notamment les PPARγ sont exprimés dan le tissu adipeux blanc, et participent à la régulation de la masse de ce tissu (pour revue (Rosen et coll. 2000)). Chez les sujets sains, les PPARs jouent un rôle important dans la régulation de l'oxydation des acides gras, notamment en période de jeûne, où les acides gras sont relargués par le tissu adipeux et utilisés au niveau du foie et des muscles squelettiques comme source d'énergie. Le jeûne augmente l'expression de PPARα au niveau du foie (Lemberger et coll. 1996), et l'expression de PPARβ/δ au niveau des muscles squelettiques (Holst et coll. 2003). De telles augmentations d'activité des PPARs régulent positivement des gènes impliqués dans l'oxydation des acides gras dans ces tissus. Les PPARs peuvent lier une grande variété d'acides gras et régulent en retour la plupart des voies en lien avec le métabolisme lipidique. C'est l'action coordonnée de ces facteurs de transcription, notamment PPARγ (Figure 30), au niveau des tissus périphériques qui permet actuellement des les considérer comme des "senseurs" de lipides. L'action locale sur l'expression de gènes a des répercussions sur l'homéostasie générale, en adaptant les réponses dans les différents tissus aux conditions d'apport en lipides, ce qui mène à une utilisation efficace, physiologique de tels substrats énergétiques (Grimaldi 2007).

Figure 30: Effets physiologiques de l'activation de PPARγ.

PPARγ induit la différenciation adipocytaire et active des gènes impliqués dans le stockage de lipides. Les acides gras (AG) en provenance du plasma sont dirigés vers le tissu adipeux au détriment du muscle squelettique, lequel augmente son captage et son utilisation de glucose. Les effets directs de PPARγ sont aussi observés dans le foie, avec une diminution de la néoglucogenèse et une augmentation du captage et du stockage d'acides gras. De plus, l'activation de PPARγ conduit à une augmentation de l'efflux de cholestérol et du captage des LDL oxydées par les macrophages, en augmentant l'expression de ABCA1 et de CD36 respectivement (d'après (Auwerx et coll. 2003)).

Il existe d'autres récepteurs nucléaires sensibles aux lipides, tel que LXR (Liver X Receptors). Leurs activateurs endogènes sont les oxystérols et autres dérivés du métabolisme du cholestérol. Les LXRs participent à la détection du cholestérol de l'organisme entier et régulent de façon importante le métabolisme du cholestérol et aussi des acides gras (pour revues (Tontonoz and Mangelsdorf 2003; Cummins and Mangelsdorf 2006)). De façon comparable aux PPARs, il existe des isoformes de LXR: LXRα est exprimé dans le foie, le rein, le tissu adipeux, les macrophages; LXRβ est ubiquitaire. Les LXRs hétérodimérisent avec RXR pour se lier à l'ADN sur leur élément de réponse. La capacité des ligands de LXR à diminuer l'absorption intestinale de cholestérol (Repa et coll.

2000) semble être médiée par l'induction de l'expression des transporteurs ABCG5 et ABCG8 (Repa et coll. 2002) et par la répression de l'expression de NPC1L1 (Duval et coll. 2006). Ces transporteurs, localisés dans la membrane apicale, forment un hétérodimère fonctionnel qui agit en limitant l'absorption du cholestérol et des stérols de plantes au niveau intestinal, et médie l'efflux de cholestérol des hépatocytes dans la bile (Graf et coll. 2002; Yu et coll. 2002). LXR est considéré comme un régulateur central de l'homéostasie du cholestérol, en jouant un rôle de "valve" de sécurité pour limiter la quantité de cholestérol libre dans les tissus confrontés à de grands flux de cholestérol (Cummins and Mangelsdorf 2006).

Si les deux récepteurs nucléaires décrits ci-dessus sont à ce jour considérés dans la littérature comme des"senseurs" intracellulaires de lipides, et acteurs centraux du contrôle de l'homéostasie, il n'en est pas encore de même pour le facteur de transcription HNF-4α (Hepatic Nuclear Factor 4), impliqué cependant dans la régulation de nombreux gènes, notamment du métabolisme lipidique. Néanmoins, je le présente comme "senseur" intracellulaire de lipides, et sans doute relais d'une détection plus précoce des lipides alimentaires, que je présenterai dans la partie expérimentale et dont je discuterai.

De nombreuses études ont montré que HNF-4α joue un rôle majeur au niveau hépatique. Des approches récentes in vivo et in silico suggèrent un rôle clé à HNF-4 dans la fonction des cellules épithéliales intestinales (pour revue (Ribeiro et coll. 2007)). HNF-4α est un récepteur nucléaire, principalement exprimé dans le foie, l'intestin et les cellules pancréatiques β. Il se lie en homodimère sur des éléments de réponse, nommés HRE pour Hormone Responsive Element.

L'invalidation tissu-spécifique de HNF-4α, de façon constitutive ou inductible, a permis de détecter, dans l'épithélium hépatique principalement, les rôles pléiotropes que joue HNF-4α pour la mise en place, la différentiation et la polarisation de ces cellules épithéliales (pour revue (Ribeiro et coll. 2007)). La perte de HNF-4α a des effets dramatiques sur l'expression de gènes hépatiques, comme les apolipoprotéines A-I, A-II, B, C-II, CIII, la L-fatty acid binding protein, dont les niveaux d'ARN messagers deviennent quasiment indécelables (Li et coll. 2000). L'analyse par micro-array de l'invalidation de HNF-4α dans le foie foetal, montre que les gènes codant les protéines des différentes catégories de jonctions cellulaires (adhérentes, desmosomes, serrées) sont des cibles de HNF-4α (Battle et coll. 2006). Dans les cellules épithéliales intestinales les jonctions

cellulaires dépendantes de la E-Cadhérine sont capables de moduler les niveaux de HNF-4α nucléaires (Peignon et coll. 2006).

Des mutations dans le gène de HNF-4α sont associées à une forme de diabète de type 2 chez l'Homme, MODY-1 (Maturity Onset Diabetes of the Young-1). In vivo, des études d'invalidation conditionnelle de HNF-4α dans le foie de souris adulte, souligne le rôle clé de HNF-4α dans la fonction hépatique par son contrôle de l'expression de gènes du métabolisme glucido-lipidique (Hayhurst et coll. 2001).

Les effets pléiotropes de HNF-4α sont résumés dans la Figure 31.

Figure 31: Résumé des effets pléiotropes de HNF-4α dans le foie. De nombreuses études in

vivo et in vitro ont montré que HNF-4α joue un rôle majeur dans la fonction hépatique. (D’après (Ribeiro et coll. 2007)).

In vivo et ex vivo, l'induction de la transcription du gène de l'apoA-IV par les lipides

intestinaux est contrôlée par HNF-4α (Carriere et coll. 2005). HNF-4α a été longtemps considéré comme un récepteur nucléaire orphelin, car aucun ligand endogène n'avait été identifié. Depuis on sait que les acyl-CoA saturés et insaturés lient HNF-4α, mais tandis que les premiers stimulent l'activité transcriptionnelle de HNF-4α, les seconds inhibent les effets de HNF-4α sur la transcription de gènes (Hertz et coll. 1998; Rajas et coll. 2002;

Hertz et coll. 2003), mais il est possible que cette liaison d'acides gras soit plus structurelle que fonctionnelle (Wisely et coll. 2002).

L'ensemble de ces effets fait de HNF-4α un récepteur nucléaire central, capable d'orchestrer des effets métaboliques différents, associés à sa capacité de liaison de ligands lipidiques, laissant penser que HNF-4 pourrait être aussi un "senseur" intracellulaire de lipides.

Comme nous avons pu le voir dans ce chapitre, la notion de détection de nutriments est très variable, et dépend du niveau d'observation que l'on choisit, (membranaire, intracellulaire, circulant, central, systémique, ..). Il est cependant à noter que, quelque soit le niveau choisi, ce sont les relations entre ces différents systèmes qui vont mener à une perception générale de l'état énergétique, l'organisme intégrant les différentes signaux et répondant au mieux pour maintenir un état adapté à la situation. Les résultats précédemment obtenus dans l'équipe permettent en particulier d'envisager qu'il existe au niveau intestinal une détection des lipides alimentaires arrivant sous forme micellaire, qui impliquerait un détecteur membranaire apical et dont HNF-4 pourrait être un relais intracellulaire. Cette détection pourrait permettre l'adaptation de l'intestin à l'apport massif de lipides en situation post-prandiale.

Chapitre III. Détecteurs potentiels des lipides

alimentaires micellaires au niveau de la membrane

apicale des entérocytes

Comme cela a été présenté dans le chapitre I, les lipides arrivent dans la lumière intestinale, au contact de la membrane apicale des entérocytes, sous forme de micelles constituées des produits d'hydrolyse des lipides alimentaires associés aux sécrétions biliaires. Or, ce mode physiologique de présentation des lipides alimentaires dans la lumière intestinale a été peu pris en compte dans les travaux réalisés jusqu'à présent pour étudier la détection des lipides alimentaires. Sans exclure la participation de détecteurs intracellulaires des lipides, l'objectif de ce chapitre est de présenter les protéines exprimées à la membrane apicale des entérocytes pouvant jouer un rôle dans les étapes précoces de la détection entérocytaire des lipides alimentaires. En effet, ces protéines présentes à la membrane apicale des entérocytes sont les premières à être en contact avec les micelles lipidiques et donc plus à même de les détecter et d'activer des voies de signalisation.