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Productivité horaire affichée et réalisée

4.1.3 Les règles ignorées ou tombées en désuétude

Le respect des durées journalières de travail affichées surtout chez les préparateurs

Il est symptomatique de constater que sur les plannings, seule figure l’heure de début de travail. Le personnel de préparation a intégré le fait qu’on ne termine jamais à l’heure théorique prévue (19 heures si on commence à 12h00).

Le respect de la durée hebdomadaire

Les dépassements sont fréquents, voire très fréquents, alors que l’accord précisait que « le recours aux heures supplémentaires est déclaré exceptionnel ». En précisant que toute heure effectuée au-delà de la durée normale du travail est payée sauf demande du salarié pour donner droit à un repos compensateur de remplacement (repos pris par journée entière ou par demi-journée à la convenance du salarié hors période du 1er juillet au 31 août), l’accord a sans doute favorisé les débordements en ne pénalisant pas suffisamment les dépassements horaires. Mais les salariés ayant arbitré en faveur du paiement et non du temps libre, les dépassements étaient d’autant plus permis que l’horaire de base était faible (6h24 mn de travail effectif et 7h de présence). D’ailleurs les salariés travaillant sur le rythme de l’alternance font également des dépassements mais de fait beaucoup plus mesurés que les opérateurs en 5 x 7 h.

Le délai de prévenance des horaires

A la demande du personnel de préparation, un système d’information (vers 14h puis d’heure en heure jusqu’à 17h) sur l’heure de fin de travail avait été mis en place. Lors de la première phase d’observation, nous avions fait l’hypothèse qu’il pouvait favoriser, notamment lorsque l’heure de fin annoncée était tardive, une accélération collective du travail. Lors de la deuxième phase d’observation, il ne fonctionnait plus.

4.2 L’évolution du contenu des régulations

4.2.1 La régulation de la production

L’entreprise n’a pas de prise sur le volume de production à traiter et cette question n’a semble-t-il pas évolué depuis la RTT. Avec l’incertitude sur l’écart entre volume prévu et réel à gérer quasiment en temps réel (d’heure en heure de 12 à 14 heures), c’est la difficulté de gestion majeure du métier. L’horizon temporel de la gestion du temps dans les entrepôts logistiques est en effet la journée en raison du caractère non reportable de l’activité.

L’impact de la RTT sur cette forme de régulation vient de l’impossibilité de continuer à fonctionner selon le système de la formule locale de « modulation » autrefois en vigueur et qui a justifié l’engagement de la nouvelle négociation pour la RTT. En effet c’est l’accord de modulation antérieur aux lois Aubry, dénoncé en 1998 par la CGT et FO au niveau national, qui a structuré la négociation autour des 35 heures.

En réduisant la durée journalière du travail (à 6h24 mn effective dans l’option 5x7h), et en supprimant la possibilité antérieure de la faire varier à la baisse comme à la hausse, la RTT a plutôt compliqué la gestion. Et elle a semble-t-il rigidifié la gestion des effectifs en incitant l’encadrement à se situer plutôt au plancher des effectifs nécessaires. Ceci a induit, on l’a vu, de nombreux dépassements d’horaires.

Les outils de gestion disponibles pour évaluer les besoins en main d’œuvre restent empiriques et la volonté affichée de mettre fin à une politique structurelle de régulation par l’intérim n’a pas été suivie d’effet.

Globalement, l’encadrement exprime l’idée d’une « jonglerie permanente » pour adapter les ressources aux besoins de l’activité, accentuée depuis la RTT. Cette jonglerie s’appuie sur un ensemble de leviers de régulation, qui apparaissent finalement mal maîtrisés.

Les outils de régulation à moyen terme permettant d’anticiper au-delà de la journée se révèlent insuffisants : - répartition de la charge entre les dépôts, même si selon les opérateurs cet équilibre quand il a pu être atteint

a facilité le travail,

- organisation du temps de travail de manière à disposer de suffisamment d’effectifs lors des grosses journées (travail du samedi, temps partiel du samedi),

- recrutement d’intérimaires par anticipation.

L’essentiel des outils de régulation ont comme horizon temporel la journée mais même à cet horizon avec une faible anticipation. La culture de la « réaction dans l’instant » reste forte (logique commando, système de débrouillardise collective) et rend difficile l’anticipation. Ainsi en va-t-il des difficultés rencontrées dans la concertation entre les responsables de bâtiment pour organiser les transferts d’effectifs d’un bâtiment à l’autre, ou bien du maintien de l’information prévisionnelle en début de poste sur l’heure de fin du travail. L’ampleur du recours à l’intérim explique aussi des difficultés à maîtriser la productivité du travail.

De ce fait, aux yeux de l’encadrement, le levier le plus pratique d’ajustement immédiat reste le temps de travail, dès lors qu’il joue dans des limites « raisonnables », ces limites pouvant parfois être repoussées assez loin (voir les fins de poste à 23 heures en novembre). En l’absence de contraintes fortes sur la durée journalière et hebdomadaire du temps de travail, le compromis s’instaure entre encadrement et opérateurs sur l’heure de fin de poste : production assurée d’un coté et paiement des heures et contrôle de la pénibilité de l’autre.

Quel serait l’impact d’une exigence forte sur la fin du travail à heure fixe ? Elle supposerait selon nous de revoir les outils d’évaluation des besoins en personnel de façon plus fine (par rapport au temps productif réel et à la productivité réelle en fonction des caractéristiques des journées, des volumes,des produits, des salariés employés) et l’organisation du travail (plus de polyvalence, voire une organisation différente de celle juxtaposant les trois métiers de réception, préparation et chargement dans des équipes différentes).

4.2.2 La régulation de la répartition du temps de travail

Pour les préparateurs, il semble que les stratégies sur la répartition du temps résultent d’arbitrages entre la vie sociale et la pénibilité du travail, qui reste un critère déterminant de la répartition du temps de travail.

Ainsi les formules permettant dans le cycle les longs week-end en contrepartie de longues plages de travail (6 jours consécutifs) ont été abandonnées, l’intérêt pour la vie familiale cédant devant la pénibilité de cette organisation du temps. A contrario dans des métiers moins pénibles comme ceux de contrôleurs ou de caristes, les avantages liés au temps libre prédominent et expliquent l’attachement à la formule de l’alternance avec une semaine de 4 jours toutes les deux semaines.

L’acceptation de formules en 5 jours a été de pair avec le bénéfice du samedi par exemple ou d’une journée libre dans la semaine, choisie pour raisons familiales. Ceci repose aussi sur le fait que les intérimaires et les « étudiants » à temps partiel assurent une bonne partie de la charge du travail du samedi. La difficulté à faire travailler le personnel permanent à temps plein le samedi avait été imputée à la RTT et à la démobilisation

qu’elle aurait entraînée pour certains, mais d’autres pensent que ce problème du travail du samedi était déjà présent avant 2000.

4.2.3 La régulation de l’activité de travail

Chez les préparateurs, c’est encore nous semble-t-il la pénibilité qui structure l’activité de travail. Ainsi la gestion des pauses informelles au cours de la journée répond à ce besoin de « souffler » dans travail malgré les injonctions de l’encadrement. Outre la pause de 36 ou 45 minutes prévue par l’organisation du travail, des pauses « informelles » à la machine à café sont tolérées. Malgré des tentatives de l’encadrement (notes de services, rappels à l’ordre), il existe semble-t-il un consensus implicite avec les chefs d’équipe.

En l’absence d’une étude ergonomique approfondie, il est plus difficile de comprendre quels compromis font les opérateurs entre préservation de leur santé (ne pas travailler trop vite et dans des conditions de postures et de gestes dangereux pour leur santé), gains financiers (liés à la prime de productivité en partie et aux heures supplémentaires de l’autre) et temps libre (terminer le travail le plus tôt possible).

L’observation de l’activité a montré que le dispatching jouait un rôle également dans la régulation de l’activité en équilibrant le travail entre les préparateurs pour les faire terminer à la même heure. Dans le système du fini-parti, cet équilibrage n’était pas nécessaire. L’accord RTT a-t-il de fait entraîné un allongement de la durée du travail en égalisant les chances des opérateurs de finir au même moment ?

Dans d’autres services, les marges de manœuvre sur la productivité sont plus grandes et explique que le temps de travail est moins la variable d’ajustement.

4.3 L’évolution des acteurs de la régulation

4.3.1 L’encadrement

Une des difficultés évoquée par la direction est la difficulté des agents de maîtrise à passer d’un rôle de management de proximité et de coups de main aux opérateurs à une fonction plus anticipatrice de gestion des hommes et du temps. Ce rôle n’est semble-t-il pas assez joué ni dans le bâtiment au niveau de chaque équipe et entre équipes ni entre la maîtrise des trois bâtiments.

4.3.2 Les salariés non-encadrants

La tendance constatée entre les deux périodes d’observation et depuis est le développement des accords individuels concernant le temps de travail sur les prises de positions collectives. Seule la réception où se trouvent les salariés les plus anciens et avec un faible turn over, maintient une position collective sur l’aménagement du temps de travail. En préparation, le turn-over réduit la mémoire collective et les renouvellements de contrats sont l’occasion pour la direction de proposer à titre individuel d’adopter une RTT en 5 jours.

4.3.3 Les interactions entre acteurs de terrain et acteurs institutionnels

Nous n’avons pas voulu nous impliquer trop fortement dans le dialogue institutionnel entre représentants du personnel et direction locale dans la mesure où les positions étaient divergentes sur la question des formules d’ARTT et que la direction souhaitait progressivement revenir sur l’acquis des 4jours/5 jours, pour des raisons économiques. Nous n’avons d’ailleurs pas été sollicité par les représentants du personnel de ce point de vue. En ce qui concerne les instances régionales ou nationales, nous n’avons pas été sollicité et il nous semble que la question de la réduction et de l’aménagement du temps de travail n’apparaît plus aujourd’hui comme un enjeu fort pour les acteurs de l’entreprise. En choisissant d’agir à petits pas et de manière individuelle, la direction a évité la confrontation avec les instances régionales et nationales du personnel, véritables gardiennes de la lettre et de l’esprit de l’accord.

Le cas INDUSTRIE