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1. Fonction A : le registre de l’indéfini

La fonction A pourrait correspondre au fait de tracer un cercle dans le sable et de l’appeler « idée du diable » de la façon la plus abstraite et la plus floue possible, afin d’y déposer, voire d’y entasser, tout ce qui, dans l’horizon des connaissance, ne serait pas conforme à la compréhension que l’homme se fait de Dieu, ainsi qu’à la vie en conformité avec la puissance de Dieu, et donc du monde comme ensemble forgeant les règles de l’effectivité du concept de réalité. Comme régime de l’indéfinition, le registre du démoniaque permet de garantir l’homogénéité du cosmos. Tout ce qui se trouve de disparate et de paradoxal à l’intérieur de la structure logique qui constitue le monde tel que le commande l’impératif téléologique peut-être, dès lors, écarté et ses implications suspendues, à l’extérieur de toute exigence dialectique. À ce stade, au stade de la fonction A, le registre du démoniaque autorise à ne pas rechercher plus avant les causes et les motifs de domaines problématiques. La garantie par laquelle Descartes associe l’homme et le monde — Dieu — se trouve ainsi renversée par la pratique de la fonction A : garantir l’homogénéité des éléments hétérogènes dans le cosmos. Ainsi, nous dit Blumenberg :

La réalité donnée ne devient fiable qu’à travers une garantie dont la pensée s’assure selon une procédure métaphysique variable, car c’est ainsi seulement qu’elle peut éliminer le soupçon d’une tromperie immense du monde qu’elle serait incapable de déchiffrer par ses propres forces.113

Cette garantie que donne Dieu nous permet de dire avec Blumenberg que la confiance donnée par l’homme évacue par le champ du démoniaque tout ce qui pourrait mettre en question la garantie divine. Cette sorte de pacte par lequel Descartes fonde la garantie du sujet, et à laquelle Kant s’opposera, affirme le concept de réalité, sa stabilité et sa pérennité, tant que le démoniaque n’est qu’un dérivé problématique impliqué par le rapport entre conscience infinie et conscience finie. C’est d’ailleurs par cet épisode dans l’histoire de la philosophie, que Mikhaïl Boulgakov fait commencer son propre roman sur le diable à travers une discussion entre quelques personnages, dont « l’étranger », qui n’est autre que Woland, c’est-à-dire l’un des deux modèles majeurs du diable du troisième âge de Faust, le Faust moderne. Après de rapides échanges sur l’athéisme et les

— BLUMENBERG, op. cit., 2012, p. 41. 113

preuves de Dieu chez Kant et Descartes, Woland interroge ses interlocuteurs à propos du retrait de la garantie divine :

« Mais voici quelle est la question qui me tracasse : si Dieu n’existe pas, alors, dites-moi, qui est-ce qui gouverne la vie humaine, et plus généralement l’organisation des choses terrestres ?

- L’homme, bien sûr », répondit Bezdomny du tac au tac avec irritation, à la question assez peu claire, reconnaissons-le, de l’étranger.

« Je vous demande pardon », rétorqua l’inconnu d’une voix douce, « pour être en mesure de gouverner, vous avez beau dire, il fut avoir un plan précis portant sur une durée qui soit malgré tout d’une certaine ampleur. Or, je me permets de vous le demander, comment l’homme serait-il en mesure de gouverner, alors qu’il est non seulement dans l’incapacité d’établir un plan quelconque sur une durée même ridiculement brève — disons un millier d’années —, mais qu’il ne peut même pas se porter garant de son propre lendemain ? »114

Les nombreuses allusions par lesquelles l’auteur russe annonce la spécificité de cet « étranger » (qui est identifié comme professeur et historien spécialiste de magie noire dans les pages suivantes), nous permettent de soutenir la démonstration d’un concept de réalité comme produit de l’alliance entre Dieu et les hommes, dont le démoniaque, au titre de la fonction A, serait une sorte de soupape. La souplesse conceptuelle que permet l’esthétisation du registre démoniaque soutient la forme du cosmos, c’est-à-dire la lisibilité du monde comme concept de réalité homogène, et donc les aspects hétérogènes sont autant d’autres mondes possibles dans la perspective de la cohérence du monde central. Dès lors, le démoniaque cristallise avec la fonction A la logique même de la résistance à la lisibilité totale, par laquelle le concept de réalité se soustrait comme totalité achevée, et est maintenu dans l’ordre de l’indéfini. Ce volet dynamique du concept de réalité, la fonction A, devient la garantie de la possibilité d’une lisibilité du monde : c’est parce qu’elle est non finie, inachevée, son infinitude inépuisée, que cette lisibilité produit du texte.

Un dernier concept de réalité reste à commenter ici : il est basé sur l’expérience d'une

résistance. Dans ce concept de réalité, l'illusion est comprise comme le rêve d'enfant du

sujet, l'irréel comme la menace et la séduction du sujet à travers la projection de ses propres désirs, et en conséquence, antithétiquement, la réalité comme ce dont le sujet ne

dispose pas, ce qui lui oppose de la résistance, et ce non seulement comme expérience de

l’émotion, de la masse amorphe, mais aussi et par une ultime accentuation sous la forme logique du paradoxe. Ce concept de réalité à affaire, par exemple, avec le fait que le

— BOULGAKOV, Le Maitre et Marguerite, dans Œuvres II, Paris, « Pléiade », Gallimard, 2004, p. 393. 114

paradoxe a pu devenir la forme de témoignage préféré de la théologie, qui voit justement dans la contrariété et le caractère choquant du contenu logiquement inconsistant le signe de reconnaissance d’une réalité ultime, obligeant le sujet à se soumettre et l’invitant à l’abandon de soi. La réalité est ici ce dont on ne dispose absolument pas, ce qui ne peut être soumis, en tant que pur matériau, à la manipulation et, par là même, à des manifestations phénoménales en permanence changeantes […].115

Dans ce processus d’abandon, ce que la théologie entend comme attribut de la foi trouve une forme de récompense par la version de la fonction A : il y a certes abandon de soi, mais le démoniaque récompense l’intelligence du sujet, en tant que la théologie reconnaît qu’elle ne peut pas tout expliquer. Assumant cela, elle peut exiger de l’intellect qu’il la suive sur tout ce qu’elle explique ; et le démoniaque se fait actualisation de la garantie de la lisibilité du monde. Il s’agirait donc d’une catégorie qui caractériserait tout ce qui appartient au registre de l’ambiguïté et de l’indétermination, fonctionnant à la fois comme moyen de récupération de tout ce qui n’intègre pas l’efficience des théories de la connaissance (du « donné » considéré comme produit de la Création), et comme élément qui permet de fortifier lesdites théories.

La distinction entre récit véridique et récit fictionnel, d’une part, et [la] tripartition des phénomènes naturels, d’autre part, s’articule de la façon suivante : la variabilité des critères de fictionnalité recoupe en partie la variabilité de la définition du préternaturel. Le préternaturel est ce no man’s land, cette frontière vague et constamment renégociée entre le naturel et l’impossible, où se joue le statut ontologique de la fiction. […] Notre hypothèse est donc que le décret de fictionnalité ou de non fictionnalité dépend de la conception de la nature qu’adopte chaque auteur, car elle détermine ce qu'il admet comme relevant du possible ou de la fiction.116

Le préternaturel — qui concerne ce qui est en marge des lois naturelles, « comme dépassant les

possibilités d’une nature donnée »117 — recouvre en un sens le domaine de la fonction A tel que le réflexe épistémologique du Nouveau Testament se manifeste : est apparenté à ce domaine, dans lequel possible et fiction s’interpénètrent, le caractère du démoniaque au sens le plus indéterminé possible. Quand Boulgakov donne la parole à Woland, il s’agit précisément de donner la parole au

questionnement supposé par l’existence du diable, et supposé même par le régime de l’indéfinition

— BLUMENBERG, op. cit., 2012, pp. 44-45. 115

— AÏT-TOUAT & BLANCKAERT, « Le démon de la littérature » dans Françoise Lavocat, Pierre Kapitaniak et 116

Marianne Closson (dir.), op. cit., 2007, p. 99.

— LALANDE, « Préternaturel » dans André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, 2010, p. 117

dans la lisibilité chrétienne du monde sur laquelle elle ne parvient pas elle-même à trancher. Outre les différentes interprétations littéraires, le statut du diable, ses moyens, sa puissance, sa figure, est un problème théologique majeur demeuré irrésolu. Cela ne signifie pas que l’exégèse — patristique ou scolastique — ne s’en est jamais préoccupée, mais que le diable a gardé son caractère d’indéfinition irréductible et peut-être propre au monde du préternaturel. Woland lui-même manque d’être convaincu par ses interlocuteurs de sa propre inexistence, interlocuteurs qui sont les archétypes des agents intellectuels du système total du stalinisme :

« — Vous savez à qui vous parlez en ce moment, chez qui vous vous trouvez ? Demanda Woland à l’arrivant.

— Oui, répondit le Maître, j’avais pour voisin dans la maison de fous ce petit gars, cet Ivan Bezdomny. Il m’a raconté sa rencontre avec vous.

— Mais oui, mais oui, en effet, répondit Woland, j’ai eu le plaisir de rencontrer ce jeune homme aux étangs du Patriarche. C’est tout juste s’il ne m’a pas rendu fou moi-même en s’obstinant à me prouver que je n’existait pas ! Mais vous, vous le croyez que je suis réellement moi ?

— Bien obligé…, dit le nouveau venu ; mais évidemment, il serait beaucoup plus rassurant de vous considérer comme le fruit d’une hallucination. Pardonnez-moi”, ajouta le Maître, conscient de son impair.

— « Faites, faites, après tout, si cela doit vous rassurer », lui répondit poliment Woland. « Non, non ! » dit Marguerite effrayée, et elle secoua le Maître par l’épaule. « Ressaisis- toi ! C’est réellement lui qui est en face de toi ! »118

Le Maître, probable projection de Boulgakov lui-même dans la fiction de son propre salut, doute tout de même de se trouver en présence du diable. C’est Marguerite qui lui affirme que Woland est bien qui il est, Marguerite qui n’est plus simplement humaine et qui est déjà entre le monde des hommes et le monde diabolique. Le nœud de ce rapide passage du Maître et Marguerite précède de peu l’apparition, ou la récupération, du manuscrit du Maître sur Ponce Pilate par l’entremise de Woland et de ses familiers. L’acte créateur du personnage principal est par là précédé du statut problématique du concept de réalité : la fiction du Maître (qui est le récit de la chute puis du Salut de Ponce Pilate) présuppose la fiction du diable. Lorsque nous disons que la fonction A pose le problème de l’interpénétration entre le possible et la fiction, nous proposons en fait que la fiction et le possible soit deux pactes de lisibilité du monde tout aussi valables l’un que l’autre. La fiction suppose le recours au merveilleux, aux actes extraordinaires, le réel recours au strict agencement

— BOULGAKOV, op. cit., p. 694 118

des évènements. À cet interstice le Nouveau Testament tire le régime singulier de sa constitution : il mêle les évènements (la description dont parle Blumenberg) à la promesse du Salut. La diégèse du roman de Boulgakov ne cesse d’entrecroiser ces deux voies, et le récit s’édifie ainsi comme une succession d’évènements où le merveilleux donne à l’auteur les arguments de son salut, dans une trame constituée d’évènements historiques. Woland au statut problématique siège donc à plusieurs reprises dans la fonction A telle que nous allons la présenter maintenant.

a. « Béelzéboul », ou la première esquisse du cercle dans le sable

Ainsi qu’un épouvantail ou une étiquette sur un rayonnage, Béelzéboul n’est pas tant un démon en soi que le nom donné par la superstition démonologique juive à un phénomène : l’effroi suscité par l’inconnu et l’étrangeté. Ces deux domaines paraissent être habités par les formes démoniaques du surnaturel depuis des temps ancestraux :

Again, these whereabouts of demons illustrate the very liminal nature of demons : Being neither real gods, nor humans, and not animals either, they do not belong to heaven, but have no permanent place on earth either, they can reside in the netherworld but have to leave it frequently, they are both foreigners and autochthons, bound and chased away to west and east alike — they are the very essence of being in between : they are everything and nothing, everywhere and nowhere, mighty yet achieving nothing. Demons, therefore, represent what is irrational and unforeseen in an otherwise all too orderly cosmos.119

Il s’agit d’un premier réflexe mythique de classification intuitive, précédant l’approche rationnelle ou déductive de la lisibilité du monde. Cette indexation du phénoménal à l’ordre du « démoniaque » est une catégorie de l’expérience esthétique du monde pour tout phénomène malfaisant, incertain, indéfini, fluctuant, que nous rapprochons du champ phénoménal de l’ambigu. Il s’agit moins d’une catégorie déterminée que d’une catégorie du rapport de la conscience au comment de l’indéterminé. Une telle approche souscrit à l’analyse structurelle par laquelle Cassirer étudie l’économie du savoir entre langage et mythe à travers l’exemple du mot « mana » :

Car le mana n’est pas propre à tout ce qui est doué de vie et d’âme, mais seulement à ce qui possède pour une raison quelconque un pouvoir d’agir élevé, extraordinaire, mais par ailleurs il est propre à de simples choses, dans la mesure où elles se distinguent par

— HEEßEL, « Mesopotamian demons — Foreign and Yet Native Powers », dans op. cit., 2017, p. 29. 119

quelque forme rare qui excite l’imagination mythique et qui place ces choses en dehors du domaine de l’habituel. Il en découle que le concept de mana et les concepts qui lui correspondent ne désignent pas un groupe déterminé de choses, qu’elles soient animées ou inertes, “physiques” ou “spirituelles”, mais que ce concept exprime bien plutôt un certain “caractère” qui peut être adjoint aux contenus les plus divers de l’être et des événements, dans la mesure où ils éveillent l’“étonnement” mythique, dans la mesure où ils se distinguent de ce qui est familier, habituel, et “moyen”. […] À partir de telles significations, qui sont pour nous totalement étrangères les unes aux autres, on ne peut trouver une unité qu’en la cherchant dans une certaine manière d’appréhender les choses, et non dans un contenu déterminé. Ce n’est pas le “Quoi ? ” Mais le “Comment ? ” Qui est ici décisif ; ce n’est pas tant le genre de ce qui est remarqué que la manière de remarquer, sa direction et sa nature qui importent. Le mana et les concepts qui lui correspondent n’expriment pas un prédicat fixe et déterminé ; mais on peut reconnaître en lui une forme particulière et persistante de l’attribution.120

De même que l’usage du mot mana n’est pas le « Quoi ? » mais le « Comment ? », l’usage de Béelzéboul dans le Nouveau Testament permet la correspondance d’un chef des démons, d’une concertation démoniaque sur une figure du panthéon préexistant au christianisme : Béelzéboul deviendrait donc le nom de la catégorie de ce qui est démoniaque. Dans Mt 10,25, lors de l’« Annonce des persécutions », le terme Béelzéboul sonne comme une qualité, au sens le plus neutre du terme : « Au disciple il suffit d’être comme son maître, et au serviteur d’être comme son

seigneur. Puisqu’ils ont traité de Béelzéboul le maître de maison, à combien plus forte raison le diront-ils de ceux de sa maison ! »121. Ce serait donc à la fois un usage du terme par Jésus lui- même, et sa condamnation sur le plan théorétique : Jésus condamne l’erreur des Pharisiens, qui confondent l’étranger avec le « maître de maison ».

Dans l’épisode « Jésus et Béelzéboul » (Mt 12,24 et 12,27) nous sommes en présence d’un usage rhétorique, par les pharisiens eux-mêmes, pour disqualifier l’origine du pouvoir de Jésus : « Celui-là ne chasse les démons que par Béelzéboul, le chef de démons » (Mt 12,24).

Nous retenons de ce premier traitement du terme Béelzéboul l’idée d’un questionnement sur les autorités qui commandent aux démons, sur la catégorie mécanique des modes de fonctionnement de la nature, sur les moyens de se défaire de l’emprise du démonique, et sur la classification à la fois théologique et cosmologique de leur différentes manifestations. Le mot Béelzéboul n’est pas un nom, mais un terme. Voilà ce que montre l’association par les Pharisiens du pouvoir du Christ à un « chef des démons » : ils accusent sa magie d’appartenir à l’ordre du démoniaque, de l’indéterminé ;

— CASSIRER, Langage et mythe, à propos des noms de dieux, Paris, Minuit, 1973, pp. 84-85. 120

— TOB, pp.2124-2125, épisode correspondant à Mc 3,22-30 et Lc 11,14-23. 121

mais cette association manifeste aussi leur « effroi » devant l’incompréhensible, « effroi » qui les rend prompts à donner une intelligibilité, fût-elle précipitée, aux actes de Jésus. À la tentative des Pharisiens d’intégrer le Christ dans le champ de l’ambiguïté, celui-ci s’en dégage par la revendication, la répétition, l’affirmation du pouvoir absolu dont son propre pouvoir découle. L'appellation de « Béelzéboul » comme étiquette, si l’on veut, répond à ce besoin de nommer un fonctionnement qui n’a pas encore de nom : la catégorie de l’ambiguïté.

b. Émergence des critères pour une démonologie

De telles étiquettes, ou noms, permettraient-elles de ramasser un nuage phénoménal autour d’un seul point de gravité signifiante, simplifiant la multiplicité du réel à des fins d’intelligibilité. Si le besoin d’une étude des noms (c’est-à-dire, du phénomène de concentration du langage autour d’une unité de sens unique et identifiable) préexiste largement au christianisme — notamment visible dans l’apocalyptique juive —, la systématisation de cette pratique en une ébauche de science des noms (domaine de l’angéologie et de la démonologie) et l’étude de leurs variations ne viendront que plus tard, par les « questions disputées » (la disputatio) de la scolastique, à partir du XIIe siècle.

Spéculer sur les modes d’action, les origines et la corporéité des anges et des démons prolonge l’enquête antique de compréhension du phénoménal : à partir de ce dont l’existence intermédiaire est pensée pour faire le lien entre le céleste divin et le terrestre humain, c’est encore les formes du

cosmos qui sont étudiées ; partant, les conditions de la lisibilité du monde. Le terme de

« Béelzéboul » comme catégorie de l’inconnu encore indéterminé rencontre toute une tradition du dernier Moyen-âge (à partir du XIIe siècle) qui va consister à interroger systématiquement les

modes d’intelligibilité potentielle du processus démoniaque tel qu’il est déduit de l’économie entre le principe humain et le principe divin.

« Béelzéboul » est alors une étape, un « degré » de la caractérisation du démoniaque, de l’étrangeté, de cet « effroi » contre lequel s’édifie le mythe, et peut-être son socle dans le sable. L’objet d’une étude herméneutique de la figure du diable ne consisterait pas à viser une réponse immobile et définitive, mais envisagerait plutôt de décrypter chaque point d’un laçage problématique dans l'histoire de cette figure. Aussi actif que le mythe de Faust, voire plus encore, également lié d’une certaine façon à la culture chrétienne du démoniaque, le mythe de Prométhée est l'un des supports privilégiés qui permette de réfléchir aux implications d’une épistémologie du mythe : « L’histoire de Prométhée ne répond à aucune question sur l’homme, mais elle paraît

renfermer toutes les questions qu’on pourrait poser à son propos »122, écrit Blumenberg, et l’histoire de Prométhée, en tant qu’elle est le véhicule mobile d’une structure de sens évolutive, pourrait être interrogée à chaque étape de sa progression. Voilà ce qui conduit notre perspective depuis les premières occurrences néotestamentaires de la fonction A jusqu’aux littératures modernes

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