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Selon l’étendue de notre recherche, nous avons pu constater que l’enseignement de la traductologie est rarement abordé de manière indépendante, c’est-à-dire sans être reliée à l’enseignement de la traduction. En effet, s’il existe d’innombrables ouvrages sur la traductologie en tant que discipline, l’enseignement de la traductologie est souvent mis en parallèle avec l’enseignement de la traduction. Ainsi, plusieurs ouvrages sont consacrés à la dualité entre la théorie et la pratique dans l’enseignement de la traduction.

Parmi ces derniers, nous retenons notamment la thèse de doctorat d’Alice Leal intitulée Is the Glass Half Empty or Half Full? Reflexions on Theory and Practice in Brazil, publiée chez Frank & Timme (2014), ainsi que le livre de Michel Ballard Traductologie et enseignement de la traduction chez Artois Presses université (2009). Dans ce deuxième ouvrage, plusieurs traductologues expriment leur avis voulant que les programmes de traduction devraient contenir davantage de cours de traductologie. Ainsi, dans son article « Traductologie et optimisation de l’enseignement de traduction » (2009) tiré du livre Translation in Undergraduate Programs (Malmkjaer, 2004), Corine Wecksteen (2009, p. 84) affirme qu’ « Il faut accorder à la traductologie une véritable place au sein de l’institution universitaire. La traduction n’est pas qu’une pratique, c’est aussi un objet de connaissance. » En d’autres mots, il ne suffit pas de léguer à la traductologie un rôle secondaire dans la formation des traducteurs, car il est primordial pour l’apprenant de développer une pensée critique sur son travail et d’en connaître les fondements, les écoles de pensée et l’histoire.

Pour revenir à la dualité entre la théorie et la pratique en traduction, Alice Leal (2014, p. 34) qualifie de « mariage » ou de « divorce » cette proximité ou séparation entre la théorie et la pratique de la traduction. Elle décrit ainsi le débat actuellement en jeu dans les universités : “While some emphasize that translation theory should be practice-oriented, thus implying that a marriage of theory and practice would be ideal, others stress the awareness- raising character of theoretical reflection quite independently from practical aims.” Pour répondre à cette problématique entre la proportion de théorie que devraient contenir les programmes de traduction, Leal (2014, p. 37) questionne le rôle de l’université, à savoir s’il s’agit de former les étudiants pour le marché du travail ou de les aider à acquérir un sens aiguisé de la réflexion et de l’analyse. Plusieurs traductologues (Agost, 2008, p. 150; Ho, 2015, p. 384) sont d’avis que les programmes de traduction doivent d’abord et avant tout former des traducteurs et donc, que la priorité curriculaire devrait être accordée aux cours pragmatiques et non à la recherche. Daniel Gile, dans son livre La traduction : la comprendre, l’apprendre (2005, p. 260), s’exprime ainsi au sujet du rôle de la traductologie dans les programmes de traduction et de la rupture entre les formateurs théoriciens et les praticiens :

En général, on considère que la recherche fondamentale a pour fonction de mieux faire connaître l’objet de l’étude, et la recherche appliquée vise à l’améliorer grâce aux connaissances ainsi acquises. En principe, le rôle fondamental des traductologues est donc de contribuer à une meilleure connaissance de la traduction […]. A priori, les relations entre les chercheurs, les formateurs, et les praticiens devraient être bonnes. En réalité, les choses se sont passées autrement, avec un désintérêt quasiment général de la part des traducteurs praticiens, et un désintérêt, voire une hostilité marquée, de la part d’une proportion non négligeable des professeurs de traduction à l’égard de la traductologie – et des traductologues.

Nous pouvons donc conclure qu’en général, l’enseignement de la traductologie est abordé conjointement à l’enseignement de la traduction, souvent par des traductologues spécialisés en enseignement de la traduction. Quant à la dichotomie entre la pratique et la théorie de la traduction, elle n’est pas exclusive à l’enseignement de la traduction (elle se pose aussi au niveau des traducteurs professionnels), mais il s’agit d’un débat largement abordé dans les publications portant sur l’enseignement de la traduction, étant donné que c’est en majorité dans les institutions universitaires que les traducteurs acquièrent les connaissances théoriques concernant leur profession. Par ailleurs, les passages rapportés soulèvent

l’existence d’une certaine discorde en ce qui concerne l’enseignement de la traductologie dans les programmes de traduction. Une grande partie des traductologues sont d’accord pour affirmer que la traductologie est indispensable aux programmes de traduction, car elle sert notamment « […] à structurer l’approche que l’on a de la traduction et à donner des indications utiles concernant les possibilités qui s’offrent au traducteur (Wecksteen, 2009, p. 77) », tandis que d’autres pensent, comme Ho (2015, p. 384), que “[…] our teaching programmes should be focused on training translating and interpreting practicioners rather than theorists […].”

Afin de prouver que les publications en enseignement de la traduction sont abondantes tandis que celles sur l’enseignement de la traductologie sont rares, nous avons effectué une recherche trilingue dans la base de données Erudit (contenant les articles publiés dans les revues Meta et TTR, entre autres) ainsi que sur Google Scholar. Dans les deux bases de données, nous avons effectué une première recherche en français avec les mots formation et traductologues; une deuxième recherche en anglais avec les mots translation studies et training et une troisième recherche en espagnol avec les mots formación et traductólogos.

Dans la base de données Érudit, la recherche en français a donné 110 résultats. La plupart était des articles portant sur la formation des traducteurs, seul deux articles de Daniel Gile portaient sur la formation des traductologues, soit Formation à la recherche traductologique et le concept CERA Chair, publié en 1996 dans la revue Meta et La lecture critique en traductologie, publié en 1995 dans la même revue. Sur Google Scholar, la même recherche a donné 120 résultats, dont plusieurs provenaient de la base de données Érudit.

Parmi les résultats portants sur l’enseignement de la traductologie, nous retenons cinq sources pertinentes, soit l’article La traduction à l’université française : entre recherche, formation et pratique professionnelle de Maria Lomeña Galiano, publié dans la revue Langues Modernes en 2016; l’article Les corpus dans le cadre de la maîtrise en traduction de Teresa Tomazkiewicz; et finalement, l’article La traductologie et les cours de traduction de Xiangyun Zhang publié en 2010 dans revue Études Chinoises de l’Association française d’études chinoises. Est aussi mentionné le chapitre « Éléments de traductologie » tiré du livre de Daniel Gile La traduction, la comprendre l’apprendre (2005).

En ce qui concerne la recherche en anglais, elle a généré 910 résultats sur Érudit. La plupart des résultats incluaient des articles traitant de la traductologie en général, ainsi que sur

l’enseignement de la traduction. Parmi ces résultats, nous retenons six articles sur l’enseignement de la traductologie (Defeng Li, 2002 ; Defeng Li et Chunling Zhang, 2001; Rocha Bordenave, 1990; Kelly, 2008; Lieven d’Hust, 1994; Lungu-Badea, 2010).

Sur Google Scholar, les résultats de la recherche étaient au nombre de 2 530 000 (ils étaient réduits à 18 500 avec les termes de recherche Translation Studies entre guillemets). Parmi les dix premières pages de résultats, nous en avons retenu trois : le classique The Map: A Beginner’s Guide to doing Research in Translation Studies de Jenny Williams et Andrew Chesterman, dans sa dernière édition de 2014 publié par Routledge ainsi que deux livres mentionnés plus tôt dans le chapitre (Malmkjaer, 2004 ; Colina, 2003).

Finalement, la recherche en espagnol sur Érudit a donné 4 résultats, traitant sur l’enseignement de la traduction ou sur la traductologie en général. Sur Google Scholar, la même recherche a donné 459 résultats, dont le seul concernant l’enseignement de la traductologie est l’article Enseñar la teoría de la traducción: diseño de competencias y explotación de recursos de Rosa Agost, publié dans la revue Quaderns en 2008.

Cette recherche nous permet de conclure notre premier chapitre en affirmant que la recherche en enseignement de la traductologie est encore très peu explorée. Defeng Li et Chunling Zhang, dans leur article Knowledge Structure and Training of Translation Teachers: An explanatory Study of Doctoral Programmes of Translation Studies in Hong Kong, publié dans la revue META en 2011, affirment à ce sujet :

Surprisingly, little research has been given to translation research degree programs

where translator trainers are trained. This could be due to the fact that in the past there used to be very few research translation programs offering M. Phil. or PhD degrees in Translation Studies. But over the years, the situation has changed considerably (Li et Zhang, 2011, p. 695).

Selon les auteurs, cette observation serait donc due au fait que les programmes d’études supérieures en traductologie sont assez récents, ce qui expliquerait le peu de publications traitant de ce sujet. Nous verrons à présent que c’est du moins le cas au Brésil, où le premier programme de deuxième cycle en traductologie n’a vu le jour qu’en 2003 à la PGET, l’objet de notre étude de cas. Procédons à une récapitulation des études en traduction au Brésil depuis leurs débuts dans les années 1960.