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Chapitre IV : Interactions entre les inorganiques liquides et les parois réfractaires du réacteur

IV.2.3 Les principaux phénomènes de dégradation des réfractaires

Les matériaux doivent pouvoir résister à des contraintes thermochimiques et thermomécaniques [11] telles que :

 La corrosion chimique par les oxydes liquides, les sels fondus, les métaux en fusion, les gaz. δes oxydes liquides et les sels fondus sont particulièrement agressifs. Il s’agit par exemple des verres élaborés en four de verrerie, des laitiers sidérurgiques qui surnagent en surface des bains de fonte et d’acier liquide ou la cryolithe utilisée dans les cuves d’électrolyse de l’aluminium ;

 Les dégradations thermomécaniques, en particulier les ruptures, l’érosion et le fluage.

D’une importance particulière, les chocs thermiques provoquent des ruptures en relation avec les gradients thermiques qu’ils génèrent.

Ces dégradations sont souvent associées : l’apparition de fissures (dues à des ruptures mécaniques) dans le matériau, augmentera l’infiltration d’oxydes liquides ou de métal. Cette infiltration modifiera en profondeur la composition chimique et l’agencement des phases et pourra diminuer la résistance mécanique du matériau.

Il est crucial de tenir compte de la composition chimique, de la porosité et de la microstructure du béton (la répartition granulométrique des grains, des défauts et des phases) afin de mieux appréhender le risque de corrosion et de dégradation mécanique et ainsi pouvoir améliorer la durée de vie des matériaux pour une application industrielle donnée.

De nombreux mécanismes sont à l’origine de la dégradation chimique des réfractaires soit par interaction du béton avec des composés gazeux, ou soit par le biais d’une interaction solide-liquide [12].

La corrosion par voie gazeuse est courante pour les applications industrielles et dépend notamment du type de réfractaire, de la nature des gaz et des procédés utilisés. La corrosion se manifeste soit par une condensation des gaz au contact du réfractaire (corrosion par les vapeurs alcalines, les fluorures et chlorures [13]) ou par une réaction d’oxydation des réfractaires contenant du carbone, des carbures (carbures de silicium [14]), ou des nitrures (nitrures de silicium).

La corrosion par voie liquide peut se manifester principalement par :

 La fusion partielle des réfractaires notamment à cause de la présence d’eutectiques à bas point de fusion (cas de l’anorthite contenue dans la partie matricielle de réfractaires à base d’andalousite [1η]) ;

 La dissolution du réfractaire dans la phase liquide, réaction qualifiée de corrosion active ;

 δa dissolution du réfractaire suivie d’une précipitation de phases solides à l’interface entre les agents corrosifs et le réfractaire. Ce type de corrosion est dit passif ;

 δ’érosion, résultant de l’action combinée de la corrosion chimique et de l’abrasion et pouvant entrainer un arrachement des agrégats sous l’action d’un mouvement mécanique.

Mécanismes de la corrosion

δa corrosion d’un réfractaire est la résultante de deux mécanismes successifs :

 Un phénomène en surface de mouillage est tout d’abord observé à l’interface entre le matériau et le liquide. Celui-ci dépend de la tension superficielle et de la mouillabilité du matériau vis-à-vis du liquide ;

 δ’infiltration de la porosité ouverte du matériau par le mélange liquide entraine une corrosion en volume qui est régie par les forces capillaire et la réactivité chimique.

Notions sur les tensions superficielles et la mouillabilité.

δa tension superficielle, notée σ, est la force existant à la surface d’un liquide, due à l’attraction entre les molécules. La tension superficielle est exprimée en N.m-1 et est donc homogène au rapport d’une force par unité de longueur [1θ].

Un liquide déposé sur un solide peut se comporter de deux manières différentes :

 δe liquide s’étale complètement. Dans ce cas il mouille parfaitement le solide ;

 δe liquide se déforme jusqu’à atteindre une configuration d’équilibre : le solide est dans ce cas partiellement mouillé ou non mouillé suivant les conditions d’équilibre.

Ces interactions de surface sont multiples et dépendent du nombre de phases présentes. En général, dans les systèmes où trois phases coexistent (solide, liquide, gaz), il faut prendre en considération les trois interfaces en équilibre (solide/liquide, solide/gaz et gaz/liquide). La ligne de séparation des trois phases est en équilibre sous l’action de trois tensions SL, SV, LV s’exerçant respectivement dans le plan de chacune des interfaces solide/liquide, solide/vapeur, liquide/vapeur (Figure IV-3).

Figure IV-3 Représentation schématique des différentes tensions s’exerçant sur une goutte de liquide en équilibre sur un solide

La projection de ces tensions sur le plan de la surface solide conduit à la relation de Young (IV-1) [17]:

(IV-1)

avec :

SL,la tension interfaciale solide-liquide, traduisant les interactions solide/liquide ;

SV,la tension interfaciale solide-vapeur traduisant les interactions solide/gaz ;

LV, la tension interfaciale liquide-vapeur traduisant les interactions liquide/gaz.

 (exprimé en degré) est l'angle de contact entre l’interface liquide-solide et la tangente à la surface passant par le bord de la goutte. Cet angle traduit la compétition entre les énergies de cohésion qui existent entre les molécules au sein du liquide et les forces d'adhésion entre le liquide et le solide.

 Si la tension solide-vapeur est supérieure à la somme des tensions liquide-solide et solide-vapeur, l'angle de contact est alors nul et le liquide est parfaitement mouillant pour la surface ;

 Si l’angle est compris entre 0 et 90° le mouillage est alors partiel ;

 Si l’angle  est supérieur à 90°, le liquide est non mouillant sur le solide.

δa température, l’atmosphère (la mouillabilité augmente lorsque la pression partielle en O2

diminue), l’état de surface (la mouillabilité sera plus importante pour un matériau rugueux) sont les paramètres influents sur la mouillabilité d’un matériau.

δ’infiltration réactive.

La corrosion due à la pénétration des laitiers liquides est également possible à cause de l’existence de porosité dans les bétons réfractaires.

δ’imprégnation dépend de la pression régnant dans le réacteur et est régie par des processus de mouillage et de capillarité.

ΔP : pression d’aspiration des capillaires (en Pa) : viscosité dynamique du liquide (en Pa.s) l : épaisseur imprégnée (en m)

t : temps (en s)

Pour le cas spécifique d’un cylindre capillaire, la différence de pression entre les deux côtés de surface ΔP est égale à (IV-3):

(IV-3)

Où est l’angle de contact et SL la tension de surface liquide-solide du liquide pénétrant.

Il est alors possible d’obtenir la vitesse d’imprégnation du liquide en replaçant le terme ΔP de l’équation (IV-3). On obtient alors l’équation (IV-4):

(IV-4)

Il est également possible de déterminer théoriquement la profondeur d’imprégnation, grâce à l’équation (IV-5) :

(IV-5)

δa profondeur de pénétration d’un laitier peut donc être diminuée soit par l’augmentation de la viscosité du laitier soit par la diminution du diamètre des pores, de la tension superficielle ou de l’angle de contact.

Dissolution directe du réfractaire

La dissolution directe est un mécanisme de corrosion au cours duquel les constituants du réfractaire se dissolvent dans le laitier [18].

A l’état initial, à l’interface entre le réfractaire solide et le laitier liquide, les espèces chimiques ne sont pas à l’équilibre thermodynamique. δa diffusion des éléments va permettre au système de tendre vers l’équilibre.

Considérons, à titre d’exemple, le cas d’une espèce E contenue dans le réfractaire. δ’espèce E va se dissoudre dans le laitier (contenant une proportion moindre de E) jusqu’à la saturation du laitier en espèce E.

δa vitesse (d’ordre 1) de dissolution de l’espèce E dans les oxydes liquides est donnée par l’équation de Nernst (IV-6) [19,20] :

Mdis : la quantité de réfractaire dissout (kg).

D : le coefficient de diffusion de l’espèce E (m2/s)

CEsat : la concentration en E à saturation dans le laitier. δa limite de saturation d’une espèce est une grandeur thermochimique dépendant seulement de la température et de la composition (en kg/m3).

CElaitier : la concentration en E dans le laitier en dehors de la couche limite (en kg/m3).

e : l’épaisseur de la sous couche de transfert de masse (en m).

δa vitesse de dissolution étant proportionnelle à l’écart à saturation de E dans le laitier, celle-ci est plus grande dans les premiers instants de la corrosion (à l’instant où la différence de concentration est maximale).

 Si le laitier est saturé en E, il n’y aura pas de dissolution du réfractaire (à condition

 Si le laitier n’est pas saturé en E, il y aura dissolution du réfractaire jusqu’au moment où la teneur en E, CElaitierdans le laitier, et la teneur à saturation de l’espèce E, CEsat, seront égales. En d’autres termes la dissolution se poursuit tant que des gradients, générés par la migration des espèces, existent dans la couche liquide adjacente au matériau réfractaire ;

 Si la saturation du laitier en E n’est jamais atteinte (comme par exemple par renouvellement du laitier), alors la dissolution du réfractaire se poursuivra.

Des phénomènes de corrosion plus complexes ont généralement lieu associant la dissolution du réfractaire et la reprécipitation de nouvelles phases à l’interface laitier réfractaire.

Dissolution du réfractaire et précipitation de nouvelles phases

δa dissolution indirecte, ou corrosion passive, a lieu lorsqu’un ou plusieurs produits de réactions se forment en une couche solide dense et uniforme sur la surface du réfractaire qui se retrouve protégé de la phase liquide. δe transport de masse s’effectue alors par diffusion à travers une couche solide qui agit comme une barrière s’opposant à la pénétration du laitier [21].

La corrosion peut ainsi être limitée par :

 La réaction chimique génératrice de la couche solide ;

 La diffusion à travers la couche solide ;

 La diffusion à travers la couche liquide.

La diffusion à travers la couche solide formée est le facteur prépondérant dans le contrôle de la corrosion passive.

Erosion

δ’abrasion et l’érosion (plus lente dans le temps) se réfèrent à une usure de surface par frottement, roulement ou impact. Pour avoir une bonne résistance à l’érosion, le matériau doit posséder une résistance mécanique élevée. La corrosion en surface du matériau est un facteur favorisant l’érosion d’un matériau.

IV.3 Choix, propriétés, préparation et caractérisation des matériaux