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III. Structure et fonction des pil

III.4 Les pilines

Les pilines sont les sous unités protéiques structurales composant le pilus. Il s’agit dans tous les cas de protéines appartenant à la famille des protéines LPxTG, décrites au chapitre II.4 : elles sont exportées vers l’espace extracellulaire via un peptide signal mais retenues dans la membrane plasmique au niveau du segment transmembranaire présent en C-terminal. Le motif de type LPxTG est localisé du côté extracellulaire, juste en amont de l’ancrage membranaire. La conservation de la séquence et de la topologie du CWSS, contenant le motif LPxTG, le segment hydrophobe et une région chargée positivement, facilite l’identification des gènes codant pour les pilines dans les îlots de pathogénicité, qui, selon l’espèce bactérienne considérée, sont présents au nombre de deux ou trois.

L’identification génétique des îlots de pathogénicité regroupant en opéron des gènes codant pour des protéines exposées en surface bactérienne via le motif LPxTG et les enzymes sortases catalysant l’association covalente de ces protéines par transpeptidation, a suggéré très fortement la présence de pili en surface des bactéries Gram-positif. Ceux-ci ont été effectivement observés en microscopie électronique à transmission par coloration négative (Fig.13). L’étape successive dans la caractérisation des pili a consisté en leur détection immunologique. Les pilines ont été produites de façon recombinante et des anticorps polyclonaux ont été générés contre chacune de ces sous-unités afin de les marquer spécifiquement. Deux techniques sont employées pour détecter la présence des pilines. La première consiste en l’extraction par la mutanolysine, ou autre muramidase, de la paroi bactérienne contenant les polymères de pili. Ces extraits sont analysés par électrophorèse sur gel de polyacrylamide et après transfert des protéines sur une membrane de nitrocellulose, les pilines sont détectées par immunomarquage. Le profil de détection des pilines consiste en une échelle de haut poids moléculaire, traduisant l’association covalente des pilines au sein du pilus. La seconde technique de détection des pilines consiste en un immunomarquage des pili en surface des bactéries couplée à l’observation par microscopie électronique. Ces méthodes

permis de proposer des modèles d’assemblage en localisant les pilines majeures et accessoires et de définir le rôle des sortases dans ces processus.

Pour illustrer ces propos, le pilus SpaABC chez C. diphtheriae est pris en exemple car il a fait l’objet de la toute première étude publiée dans ce domaine (Ton-That 2003). L’immunomarquage des pilines SpaA, SpaB et SpaC montre qu’elles sont distribuées de façon distincte au sein du pilus (Fig.15). SpaA est majoritairement représentée tout au long de la fibre alors que SpaB et SpaC sont localisées de manière ponctuelle (Ton-That 2003). Les mêmes expériences effectuées sur des souches mutantes indiquent que la délétion de spaA abolit la formation du pilus contrairement aux délétions de spaB ou spaC (Ton-That 2003). En conclusion, Ton-That et son équipe proposent que la structure fibrillaire du pilus SpaABC chez C. diphtheriae est formé par la polymérisation de la piline majeure SpaA et que les pilines accessoires SpaB et SpaC décorant la fibre, ne sont pas essentielles à l’assemblage du polymère SpaA.

Figure 15: Immunolocalisation des trois pilines qui composent le pilus SpaABC de C. diphtheriae. A.

Immuno-localisation de la piline SpaA. B. Immuno-localisation de la piline SpaB. C. Immunolocalisation de la piline SpaC. Chacun des échantillons est observé par MET après avoir été marqué par les antisera spécifiques eux-même couplés à des billes d’or de 12nm. L’échelle représente une distance de 0.2µm. (Ton-That et Schneewind 2003)

III.4.1 Pilines majeures

Le rôle du motif LPxTG dans l’association covalente des pilines majeures pour former la fibre a été attestée pour la première fois chez C. diphtheriae : la mutation du motif LPxTG de SpaA abolit la polymérisation de SpaA (Ton-That 2003).

L’étude exhaustive des différents pili exprimés chez C. diphtheriae, SpaABC, SpaDEF et SpaGHI permet d’identifier SpaD et SpaH comme les homologues de SpaA (Ton-That 2003). La comparaison des séquences de ces trois pilines majeures révèle en plus du motif LPxTG, la présence d’un motif conservé, YPKN qualifié par Ton-That de « motif piline » dont la lysine est capitale dans la formation de la fibre SpaA, sa mutation en alanine ou en

arginine inhibe toute polymérisation (Ton-That 2003). Lorsque les séquences YPKN et LPxTG sont intégrées dans la séquence d’une protéine sécrétée de S. aureus exprimée chez C.

diphtheriae, la polymérisation de cette protéine a lieu, indiquant ainsi la fonction essentielle

de ces éléments conservés dans la polymérisation covalente catalysée par les sortases pili- spécifiques (Ton-That 2003). Le motif piline n'étant pas retrouvé dans la séquence des pilines accessoires de C. diphtheriae, celui-ci devient un élément d’identification non ambigü des pilines majeures.

En 2004, des travaux effectués par la même équipe permettent l’identification d’un second motif conservé retrouvé dans la plupart des pilines majeures : YxLxETxAPxGY (Ton- That 2004). Du fait du haut niveau de conservation du glutamate dans cette séquence, ce motif est appelé E-Box. De façon intéressante, la mutation de ce glutamate n’a aucun effet sur la polymérisation de SpaA. En revanche ce résidu s’avère indispensable à l’incorporation de SpaB dans le polymère de SpaA et est partiellement nécessaire à l'ancrage de SpaC.

En conclusion, l’identification de ces motifs conservés permet de qualifier les pilines majeures (Fig.16).

Figure 16 : Alignements locaux présentant les motifs conservés trouvés dans les séquences des pilines majeures utilisées pour cette étude. Alignements réalisés avec le logiciel Kalign (2.0) disponible sur le site

EMBL-EBI (http://www.ebi.ac.uk/Tools/kalign/index.html). Les résidus hautement conservés sont surlignés en turquoise. Les résidus essentiels sont indiqués en rouge. Les numéros d’accession Uniprot des pilines majeures sont les suivants : SpaA (Q6NF81) SpaD (Q6NK05) SpaH (Q6NEP2) de C. diphtheriae NCTC13129 ; FimP (ANA_2510) FimA (ANA_0024) de A. naeslundii MG-1 ; BcpA (Q81D71) de B. cereus ATCC14579 ; EpbC (Q836L8) de E. faecalis V538 ; Gbs80 (Q8EOS9) de S. agalactiae 2603V/R ; RrgB (Q97SC2) de S. pneumoniae TIGR4.

A l’exception de l’opéron de S. pyogenes où ni le motif piline et ni le motif E-Box n’ont été identifiés par alignement de séquence, ces éléments sont présents chez toutes les

Dans les alignements de séquences initialement réalisés par Ton-That, il est proposé que EbpC soit la seule piline majeure chez E. faecalis (Ton-That 2004). Or, l’étude ultérieure des trois pilines EbpA, EbpB et EbpC met en évidence que chacune d’elles présente les motifs spécifiques des pilines majeures (Nallapareddy 2006). Etant donné le manque d’études biochimiques supplémentaires, il est impossible de trancher sur la véritable identité de la piline majeure dans l’opéron ebp.

III.4.2 Pilines accessoires

Comme indiqué précédemment les pilines dites mineures ou accessoires ne présentent pas de motif piline dans leur séquence (sauf exception : E. faecalis) et leur délétion n’empêche pas la formation de la fibre (Ton-That 2003, Budzik 2007, Mora 2005, Mishra 2007, Dramsi 2006, LeMieux 2006, Bagnoli 2008). La localisation des pilines accessoires n’est pas aussi clairement définie que celle des pilines majeures, on les retrouve soit décorant le pilus sur toute sa longueur, soit présentes à chacune des extrémités. Certaines d’entre elles ont pour fonction d’ancrer le pilus à la surface du peptidoglycane ou de signaler la terminaison de l’élongation. La fonction d’adhésine associée à une des pilines accessoires est par contre assez bien décrite chez plusieurs espèces bactériennes.

Dans la souche NEM316 de S. agalactiae, la piline accessoire PilA (l’orthologue de Gbs104 dans la souche 2603V/R) est responsable de l’adhésion de la bactérie à des cellules épithéliales alvéolaires humaines in vitro et cela indépendamment de la formation de la fibre (Dramsi 2006). L’analyse bioinformatique de la séquence de PilA indique l’existence d’un domaine adhésif von Willebrand de type A (VWA) (Konto-Ghiorghi 2009). Il est bien établi que les domaines VWA dans les protéines eucaryotes jouent un rôle important et très répandu dans les interactions protéine-protéine via un site d’adhésion ion-dépendant (MIDAS pour metal ion-dependant adhesion site) : ce sont notamment des ions Mn²+ et Mg²+ qui stabilisent le domaine I de l’intégrine α2β1 (Gotwals 1999). Cette fonction est retrouvée lorsque le domaine VWA est présent dans des protéines bactériennes : une souche mutante PilAΔVWA montre une diminution d’adhérence à des cellules épithéliales pulmonaires (A549) ou intestinales (TC7) en comparaison avec la souche sauvage (Konto-Ghiorghi 2009).

Chez la souche S. agalactiae 2603V/R, les deux pilines accessoires, Gbs104 et Gbs52 (orthologues respectifs de PilA et PilC dans la souche NEM316) possèdent des fonctions d’adhésine car des souches mutantes Δgbs104 ou Δgbs52 présentent une adhérence réduite à des cellules pulmonaires épithéliales par rapport à la souche sauvage (Krishnan 2007). Le site de liaison aux cellules eucaryotes dans Gbs52 a été identifié et se localise dans le domaine

N2. Cette analyse moléculaire a pu être menée grâce à la résolution de sa structure cristallographique (Krishnan 2007). Gbs52 se compose de deux domaines, N1 et N2, qui présentent tout deux une structure de type immunoglobuline inversé (Fig.17). Bien que leur topologie en sandwich β soit proche, il existe quelques différences structurales. En effet, les feuillets β du domaine N1 sont plus courts que ceux du domaine N2 et sont décorés de deux hélices AB et BC. De plus, le domaine N2 présente une longue queue C-terminale riche en proline absente dans le domaine N1 (Fig. 17, A). Outre ces différences, les domaines N1 et N2 se composent de 7 brins β antiparallèles organisés en deux feuillets dont l’organisation est similaire à la topologie des domaines de répétition CnaB, présents dans plusieurs pilines de bactérie Gram-positif et identifiés initialement dans l’adhésine Cna (pour collagen-binding protein) de S. aureus (Deivanayagam 2000) (Fig.17, B et C). La protéine Cna est responsable de l’adhérence de S. aureus au collagène, elle se compose d’une région A qui lie le collagène et de régions B, répétées, appelées CnaB, dont le rôle est de présenter la région A de façon optimale pour favoriser l’adhésion aux tissus hôtes (Deivanayagam 2000).

Figure 17: Le domaine N2 de la piline accessoire Gbs52 de S. agalactiae présente une topologie de CnaB. A. Structure cristallographique complète de Gbs52. B. Structure et topologie du domaine CnaB de la protéine

Cna de S. aureus. Le code couleur utilisé pour la structure (à gauche) permet de visualiser l’organisation schématique des feuillets β (à droite). C. Structure et topologie du domaine N2 de la protéine Gbs52. Le code couleur est identique à celui utilisé pour le CnaB de S.aureus. (Krishnan et al. 2007)

Chez C. diphtheriae, les pilines mineures semblent également impliquées dans l’adhérence des bactéries aux cellules humaines. En effet, dans le cas du pilus spaABC, la

2007). Le rôle de SpaB dans le contrôle de la longueur du polymère SpaA et dans l’ancrage de celui-ci à la paroi bactérienne a été proposé sur la base des phénotypes observés dans la souche ΔspaB : les fibres de pili sont plus longues que dans la souche parentale et sont libérés dans le milieu de culture (Mandlik 2008).

III.4.3 Des ponts intramoléculaires covalents au sein des pilines

La résolution de la structure cristallographique de la piline majeure de S. pyogenes Spy128, a mis en évidence une modification post-traductionnelle particulière : la formation d’une liaison covalente entre les chaînes latérales de résidus Lys et Asn (Kang 2007) (Fig.18).

Figure 18: Les ponts intramoléculaires de la piline majeure Spy128 de S. pyogenes. A. Structure complète et

topologie de Spy128 présentant les ponts intramoléculaires. La structure de Spy128 est représentée en ruban et les résidus impliqués dans les deux ponts intramoléculaires sont représentés par des sphères. La Lysine équivalente à celle trouvée dans les motifs pilines est indiquée en rouge ainsi que le motif de type LPxTG. B. Zoom sur le pont intramoléculaire du N-domaine, à gauche chez Spy128, à droite chez le mutant Spy128 E117A (PDB 3B2M et 3GLD respectivement). Les résidus impliqués dans les ponts sont représentés en baton et boules.

C. Réaction chimique permettant la formation du pont intramoléculaire (Kang et al. 2007, Kang et al. 2009).