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III. Les thérapies anticancéreuses

1. Chimiothérapies

1.4. Les perturbateurs des microtubules, les poisons du fuseau

La tubuline constitue les microtubules du fuseau mitotique et a donc un rôle fondamental dans la mitose. Elle a d’autres fonctions cellulaires comme la mobilité, la cohésion et la forme de la cellule (cytosquelette), le transport axonal de neurotransmetteurs, le mouvement des cils et flagelles.

La tubuline est constituée de deux sous-unités, alpha et bêta. Ce sont des séquences homologues de 450 acides aminés. Ces deux sous-unités vont se réunir pour se polymériser en protofilaments, qui eux vont s’associer treize fois pour donner les microtubules. Ces microtubules sont des structures dynamiques qui vont se polymériser et se dépolymériser en permanence.

Les microtubules sont les constituants essentiels du fuseau mitotique qui guident la séparation du matériel génétique de la cellule mère vers les deux cellules filles.

Deux catégories de médicaments interfèrent avec la tubuline et les microtubules : les inhibiteurs de la polymérisation de la tubuline (en métaphase) qui sont les alcaloïdes de la Pervenche (ou vinca-alcaloïdes) et les inhibiteurs de la dépolymérisation de la tubuline (en anaphase) qui sont les taxanes. Tous les médicaments de cette famille sont caustiques au point d’injection et nécessitent des précautions et une surveillance particulière (10). On doit prévenir l’extravasation et des mesures d’urgence seront à mettre en place rapidement en cas de survenue (10).

Nous nous intéresserons uniquement aux inhibiteurs de la dépolymérisation de la tubuline qui sont susceptibles d’induire des effets indésirables cutanés.

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1.4.1. Les taxanes

1.4.1.1.Molécules et indications

Tableau 10 Taxanes, nom commercial et principales indications (d'après le Vidal) (5)

DCI Nom

commercial Principales indications

Docétaxel Taxotère® Cancer sein, cancer bronchique non à petites cellules, prostate, cancers gastriques, ORL

Paclitaxel Taxol®

Cancer ovaire, sein, cancer bronchique non à petites cellules, tumeurs génitales, col utérin, vessie, voies aérodigestives supérieures, angiosarcomes, sarcomes de Kaposi associés au

SIDA Nab-

paclitaxel Abraxane®

Cancer sein métastatique, adénocarcinome pancréas métastatique (avec gemcitabine), cancer bronchique non à

petites cellules (avec carboplatine) Cabazitaxel Jevtana® Cancer prostate métastatique

Le paclitaxel et le docétaxel font partie de la classe des taxanes, agents cytotoxiques, et sont parmi les agents de chimiothérapies les plus prescrits en oncologie, et plus particulièrement dans les cancers gynécologiques (18).

Durant les années 1960, l’US National Cancer Institute (NCI) a réalisé un criblage de plus de 30 000 produits naturels dont un a été sélectionné (19). Le paclitaxel provient de l’écorce de l’If du Pacifique (Taxus brevifolia) dont un extrait a été isolé en 1967 par Wall et al ; ils décriront sa structure chimique en 1971. Le potentiel clinique est apparu seulement quand Horowitz et ses collègues ont décrit le mécanisme d’action unique du paclitaxel en 1979. Un problème de solubilité de la molécule retarde les essais cliniques jusqu’en 1983 (19).

Ce n’est qu’en 1992 que le produit est commercialisé (18). Seulement, cette écorce est non renouvelable et la quantité nécessaire pour la synthèse du paclitaxel est trop importante. En effet, sa production est très limitée car dix kilos d’écorce fournissent seulement un gramme de médicament, permettant trois cycles de chimiothérapie et il aurait fallu abattre plusieurs arbres centenaires (20).

Dans les années 1980, des chercheurs du laboratoire Rhône-Poulenc (actuellement laboratoires Aventis), en collaboration avec le Centre National de Recherche Scientifique

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français, établissent une molécule semi-synthétique, le docétaxel, à partir d’un précurseur (19) : le 10-désacétyl-baccatine III. Celui-ci a été extrait à partir d’aiguilles d’If d’Europe (Taxus

baccata), cet If étant une source renouvelable. Le docétaxel a été commercialisé à partir de

1995.

L’hémisynthèse du paclitaxel et du docétaxel est née, à partir du 10-désacétyl- baccatine III, extraite des feuilles d’If.

1.4.1.2.Mode d’action

Les taxanes inhibent la dépolymérisation des microtubules en anaphase de la mitose. Cela engendre des conséquences au niveau cellulaire telles qu’une inhibition de la mitose, un blocage du cycle cellulaire normal, une induction de l’apoptose et un blocage en G2 et phase M des cellules cancéreuses et non cancéreuses.

A cause de leurs fortes propriétés hydrophobes, les taxanes requièrent l’utilisation de solvants afin de faciliter leur administration parentérale : l’huile de ricin (Cremophor EL®) pour le paclitaxel et le Tween 80 pour le docétaxel (18).

Le nab-paclitaxel est composé de paclitaxel lié à des nanoparticules d’albumine sérique humaine (20). Il a été initialement développé pour diminuer la toxicité généralement associée au Cremophor du paclitaxel soluble et augmenter sa pénétration dans les tissus tumoraux (20). L’albumine est connue pour faciliter le passage de molécules au travers la membrane cytoplasmique (transcytose endothéliale), de composants plasmatiques (16).

Concernant le cabazitaxel, c’est un analogue du docétaxel.

1.4.1.3.Effets indésirables cutanés

Ces effets indésirables sont fréquents avec une incidence qui varie entre 6 et 81 % selon la littérature (18). L’atteinte cutanée représente les effets indésirables majeurs associés à ces molécules.

Les taxanes sont pourvoyeurs de réactions d’hypersensibilité sévère (dyspnée, hypotension, angio-œdèmes, urticaire généralisé) chez 1 à 5 % des patients (16). On prévient systématiquement cette réaction par une prémédication (corticoïdes, anti histaminiques H1 et H2) (16). Ce sont des produits relativement toxiques, en raison de la molécule active et de

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leur solvant (10). Ils sont à l’origine dans près de 100 % des cas d’une alopécie et souvent une atteinte des ongles (10). Des alopécies permanentes sont possibles.

D’autres nombreux effets indésirables cutanés sont recensés avec le paclitaxel et le docétaxel : réaction d’hypersensibilité immédiate, syndrome main-pied, syndrome PATEO (PeriArticular Thenar Erythema with Onycholysis), modifications unguéales (ligne de Beau et onychomadèse, trachyonychie, onychorrhexie, onychoschizie, leuconychie, mélachonychie), complications unguéales (onycholyse, paronychie), hyperpigmentations cutanées (incluant l’hyperpigmentation supraveineuse serpigineuse), phénomène de rappel, mucite, exanthèmes maculopapuleux, érythème toxique à la chimiothérapie, lupus subaigus, syndromes sclérodermiformes, nérolyse épidermique toxique, folliculites, photosensibilité… (5) (Liste non exhaustive).