• Aucun résultat trouvé

III. Les thérapies anticancéreuses

1. Chimiothérapies

1.1. Les antimétabolites

1.1.1. Les anti-pyrimidiques

Ce sont des molécules interférant avec la synthèse de l’ADN. Les antimétabolites sont de structure proche des acides nucléiques et vont s’incorporer à leur place et donc pénétrer dans le processus anabolique. D’autres vont inhiber des enzymes nécessaires à la synthèse des nucléotides (thymidylate synthétase, ribonucléotide réductase).

41

1.1.1.1. Molécules de la famille

Tableau 1. Molécules anti-pyrimidiques, nom commercial et principales indications (d'après le Vidal et l'HAS)

DCI Nom

commercial Principales indications

5-

Fluorouracile Fluorouracile®

Par voie systémique : cancer colorectal, estomac, œsophage, ovaire, ORL, sein

Capécitabine Xeloda® Cancer gastrique, colorectal, sein

Cytarabine Aracytine® Leucémies aigues myéloides et lymphoblastiques

Gemcitabine Gemzar® bronchique non à petites cellules, carcinome épithélial Cancer vessie, adénocarcinome pancréas, cancer ovaire, sein

Azacitidine Vidaza® Leucémie myélomonocytaire chronique, leucémie aigue myéloblastique, syndrome myélodysplasique

Le chef de file, le 5-Fluorouracile (5-FU), dont l’uracile est fluoré sur un carbone en position 5, a été découvert en 1957. A cette époque, Heidelberger, de l’Université de Wisconsin (USA) avait observé que les rats présentant un cancer du foie utilisaient plus rapidement l’uracile, base de la structure de l’ARN, au niveau de la tumeur que dans les tissus sains (11).

1.1.1.2. Mode d’action

Pour la plupart, ces substances exercent des effets complexes passant par l’inhibition d’enzymes impliquées dans la synthèse de l’ADN mais aussi en s’incorporant dans l’ADN et/ou l’ARN à la place des nucléotides normaux (10), ce qui va en altérer le métabolisme et la fonction.

 Le 5-fluorouracile (5-FU) agit sur la phase S du cycle cellulaire. Il est actif par voie intraveineuse.

C’est un inhibiteur direct de la thymidylate synthétase, enzyme impliquée dans la méthylation de l’uracile pour obtenir la thymine, nécessaire à la synthèse de l’ADN. L’uracile détient une autre fonction, elle entre dans la composition des ARNs qui président à la synthèse des protéines et des enzymes cellulaires.

42

La thymidylate synthétase a pour substrat naturel la dUMP (désoxy Uridine-Mono- Phosphate). Le 5-FU va se métaboliser dans l’organisme en 5F-dUMP (5-fluoro-2’- déoxyuridine-monophosphate) qui détient plus d’affinité avec la thymidylate synthétase que son substrat naturel. Cette liaison entraine un blocage de la méthylation de l’uracile en thymine, provoquant ainsi une inhibition de la synthèse d’ADN, qui freine la prolifération cellulaire.

D’autre part, le 5-FU est phosphorylé et triphosphaté (5F-UTP) et incorporé à la place de l’uracile dans les ARNs, entrainant des erreurs de lecture du code génétique lors de la synthèse de protéines et d’enzymes et de la production de coenzymes inefficaces et de ribosomes immatures.

Dans les protocoles de chimiothérapie, le 5-FU est souvent associé à de l’acide folinique (Elvorine®, Folinoral®, Lederfoline®, Osfolate®) (11) pour former un complexe avec la thymidylate synthétase. Cette combinaison majore fortement la cytotoxicité du 5-FU vis-à-vis des cellules tumorales, en générant du 5,10-méthylène tétrahydrofolate puissamment cytotoxique (11).

 La capécitabine est une prodrogue du 5-FU utilisée par voie orale.

Elle remplace l’association 5-FU + acide folinique. La capécitabine a besoin d’une biotransformation en trois étapes avant de devenir du 5-FU.

 La cytarabine ou cytosine arabinoside est active par voie intraveineuse.

C’est un nucléoside avec un arabinose à la place du ribose ; c’est un analogue structural de la 2’-déoxycytidine qui s’incorpore dans l’ADN.

Avec la création de cet ADN non-viable, l’ADN polymérase est bloquée et donc son action sur la phase de synthèse de l’ADN l’est également.

 La gemcitabine est utilisée par voie intraveineuse ; c’est un antimétabolite de seconde génération qui est un analogue fluoré et phosphorylé de la déoxycytidine (11).

La gemcitabine agit aussi lors de la phase S de synthèse de l’ADN. La ribonucléotide réductase agit comme unique catalyseur des réactions qui produisent des désoxynucléosides triphosphates destinés à la synthèse de l’ADN. La gemcitabine est une molécule qui inhibe la ribonucléotide réductase, après sa phosphorylation intracellulaire en gemcitabine triphosphate. On assiste ensuite à une inhibition complète de la synthèse de l’ADN et il s’en suit une induction du processus de lyse cellulaire programmée.

43

 L’azacitidine modifie la base cytosine en introduisant un azote.

C’est un agent hypométhylant qui s’incorpore dans l’ADN et inhibe l’ADN méthyl- transférase. Une méthylation aberrante se formera. Il se produira une activation des voies de dégradation de l’ADN. Les cellules non prolifératives sont relativement insensibles à l’azacitidine.

Elle a aussi une action cytotoxique directe sur les cellules hématopoïétiques anormales de la moelle osseuse.

1.1.1.3. Effets indésirables cutanés

Les anti-pyrimidiques sont à risque de mucites et l’effet secondaire caractéristique de cette famille est le syndrome main-pied qui disparait à l’arrêt, même transitoire du médicament (11).

En général, on peut noter des hyperpigmentations cutanées et muqueuses (incluant l’hyperpigmentation supraveineuse serpigineuse pour le 5-FU), des nævus éruptifs, une photosensibilité, un lupus induit, des modifications unguéales et des paronychies, un syndrome sclérodermiforme, des fissures, exanthèmes maculopapuleux (sauf capécitabine)… (5) (Liste non exhaustive).

Le 5-fluorouracile donne un risque de photosensibilisation sur la zone perfusée. Il peut engendrer une forte desquamation lors du syndrome main-pied. Il est cependant peu alopéciant.

La gemcitabine, elle, n’induit pas d’alopécie. Elle peut néanmoins faire apparaitre un pseudo-érysipèle, une pustulose exanthématique aigue généralisée (comme la cytarabine), des œdèmes périphériques, une vasculite, un syndrome de Stevens-Johnson ou des nécroses digitales.

La cytarabine peut conduire à une réaction d’hypersensibilité immédiate, un érythème toxique à la chimiothérapie, une alopécie ou une nécrolyse épidermique toxique (5).