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Quand il est question des mouvements sectaires, dans les médias, dans les conversations, jamais, semble-t-il, ne sont abordées l’éventuelle présence en leur sein de personnes âgées et les conditions qui leur seraient faites.

Mme Sonya Jougla, psychologue clinicienne, cocoordinatrice avec la Miviludes du diplôme universitaire de 3e cycle « Emprise sectaire et processus de vulnérabilité » (université Paris Descartes), reçoit en psychothérapie depuis trente-cinq ans des victimes d’emprise sectaire. À la lumière de son expérience, elle évoque ainsi cette « absence » toute relative et la situation des personnes âgées vivant en milieu sectaire :

« Plus encore que les autres victimes de sectes, les seniors dans les sectes sont des victimes oubliées et niées par la société.

Vivant en un huis clos, sans aucun contrôle sanitaire, coupées totalement du monde extérieur, n’étant entendues par quiconque, y compris à l’intérieur de la secte, elles ne peuvent exister en tant que personne, elles ne peuvent parvenir à porter plainte et il leur est impossible de sortir du groupe.

Ces adeptes seniors sont nécessaires au gourou. Ce sont des adeptes particuliè-rement dévoués et obéissants qui lui permettent d’asseoir son autorité et sa légitimité. Ils viennent grossir le nombre des adeptes, illustrent la continuité du mouvement sectaire, ce qui donne au gourou un sentiment de toute-puissance et fl atte son narcissisme.

Il y a des adeptes qui, entrés jeunes dans un mouvement sectaire, y vieillissent. Il y a aussi des personnes qui, après avoir été “démarchées” à leur domicile, dans les clubs de 3e âge, des maisons de retraite, ou dans des services hospitaliers de gérontologie, y entrent à un âge déjà avancé, en espérant s’y trouver protégées des diffi cultés de la vie. »

Mme Jougla dit à propos des modes de recrutement de personnes âgées par des mouvements sectaires : « Le recrutement des seniors se fait le plus souvent autour de thèmes relatifs à la santé : telle personne a entendu parler d’un gué-risseur extraordinaire, telle autre a entendu vanter des techniques de soins séduisantes et miraculeuses par des amis ou membres de sa famille adeptes du mouvement sectaire où sont pratiquées ces techniques.

Les personnes âgées ayant souvent des problèmes de santé irréversibles, ces espé-rances de soins illusoires les attirent et les amènent rapidement à un contact direct avec le gourou sur lequel elles transfèrent un pouvoir de sauveur.

Certaines personnes vont désirer entrer dans une secte pour ne pas quitter un membre de leur famille : “mon fi ls ou ma fi lle entre dans une secte, alors moi j’y vais aussi, afi n de ne pas être éloignée d’eux.”

Inversement, le recrutement d’une personne âgée peut aussi faciliter l’embrigade-ment de la famille de cette personne.

Le recrutement peut se faire également par l’intermédiaire de conférences sur de grands thèmes mobilisateurs : la paix dans le monde, la préservation de la planète, l’aide aux enfants victimes de famines, etc.

La peur de l’apocalypse, de la fi n du monde sont aussi des thèmes qui attirent les personnes âgées fragiles vers des mouvements sectaires qui prétendent les en protéger. »

Des personnes âgées subissent dans les mouvements sectaires des mal-traitances de même type que celles qui peuvent exister hors d’un milieu sec-taire, mais elles sont souvent aggravées par les conditions de vie particulières liées à l’enfermement, et sont édictées par les fantasmes du gourou.

Les maltraitances sont d’ordre physique et psychologique. Elles peuvent aussi être d’ordre sexuel, et d’ordre fi nancier.

Mme Jougla en donne la description suivante :

– les maltraitances physiques sont de tout type : privations et carences diverses, horaires d’activités inadaptés, soumission à des postures physiques très inconfortables, voire irréalisables pour une personne âgée (par exemple, longues heures de méditation en position du lotus), obligation de se mettre nu(e) dans le cadre de certains exercices ou de certains rituels, obligation de contribuer à des travaux physiquement éprouvants en dépit de pathologies invalidantes et douloureuses…

– les maltraitances psychologiques prennent, entre autres, les formes sui-vantes : humiliations, pressions abusives, situations d’isolement au sein du groupe et de coupure avec le monde extérieur, y compris avec la famille, mises en situation de culpabilité pour des dettes fi nancières et morales, harcèlement…

Les personnes âgées qui subissent ces maltraitances sont infantilisées, dérespon-sabilisées, elles n’ont droit à aucune initiative. Souvent, aussi, les gourous dépossèdent les adeptes âgés de leur identité en changeant leur nom ;

– les maltraitances sexuelles, avec les traumatismes qui en résultent, seront différentes selon les groupes, mais toujours extrêmement perturbantes pour les personnes âgées. Elles peuvent prendre les formes suivantes : mise à l’écart du cercle des femmes

“choisies” par le gourou, séparation forcée de conjoints et imposition, par le gourou, d’un nouveau partenaire, interdictions sexuelles pour certains adeptes et obligations sexuelles pour d’autres…

– les atteintes à la santé sont différentes selon les mouvements sectaires et selon les fantasmes du gourou mais aussi selon l’interprétation qu’il fera de la maladie : absence de soins (interdits par le gourou) ; refus de soins par l’adepte que l’on convainc que sa maladie est une façon de se libérer de l’impureté ; soins obligatoires (selon les méthodes thérapeutiques illusoires imposées par le gourou, qui se positionne en guérisseur tout-puissant), interdiction de consulter des médecins à l’extérieur du groupe, privations de sommeil, obligations alimentaires inappropriées…

– les malversations fi nancières : captations d’héritages ; “donations” et ventes ou achats de biens imposés ; obligation de “cadeaux” à l’intention du gourou ».

Les propositions