12 D’autres effets positifs
12.3 Les performances cognitives
Comme déjà mentionné dans le chapitre sur la MA, maladie neurodégénérative (chapitre 6), le café a des effets protecteurs. Mais non seulement les personnes atteintes de cette pathologie peuvent bénéficier de ces propriétés de stimulant cognitif.
Bättig et al.[270] ont testé les performances cognitives de 48 participants avec un labyrinthe mental. Les participants étaient dans une chambre insonorisée, devant un écran avec un panneau de commande, une plaque avec 7x7 boutons. Ils devaient trouver la solution par essais-‐erreurs, chaque réponse juste faisait apparaître une image d’un paysage sur l’écran devant eux, en revanche une réponse fausse laissait l’écran noir. L’épreuve consistait donc à trouver l’arrangement des touches, plus ou moins complexe mais toujours logique c’est-‐à-‐dire symétrique. L’épreuve se terminait après cinq minutes ou si le participant trouvait la solution avant ce temps. Entre les épreuves, une pause de trois minutes était accordée.
La deuxième épreuve était un « test d2 ». La feuille de test était constituée de 14 lignes avec 47 d. Les d avaient en haut ou en bas des apostrophes, jusqu’à quatre en tout. Le candidat devait barrer les d avec deux apostrophes. Une nouvelle lignée était commencée toutes les 20 secondes.
Figure 28 : Test d2 (une ligne résolue)
Tous les participants n’avaient pas bu de café depuis 17,5 heures. Un premier groupe recevait un café avec 300 mg de caféine, un second du café décaféiné, un troisième de l’eau chaude et le quatrième rien.
Les conclusions de cette expérience étaient que pour le labyrinthe mental, mises à part certaines performances individuelles, il n’y avait pas de différence entre les différents groupes. Quant au « test d2 », le groupe café caféiné était plus performant que les autres groupes. Tous les groupes avaient amélioré leur performance au fur et à mesure que le test progressait.
Ceci suggère que la caféine n’influence pas les tâches qui requièrent une certaine capacité de penser, mais les tâches qui nécessitent une certaine vitesse intellectuelle avec un apprentissage et l’installation d’une routine.
L’anglais Jarvis[271] a analysé, grâce à quatre tests, les performances de 7 200 participants et l’effet qu’a la consommation de café et de thé.
Les quatre tests étaient les suivants :
- Un test de temps de réaction simple lors duquel le participant devait appuyer sur un bouton dès qu’un 0 apparaissait sur un écran.
- Un test de temps de réaction à choix multiples avec des boutons numérotés de 1 à 4.
- Un test de la mémoire incidentielle verbale. Une liste avec des aliments était lue aux participants en leur demandant de dire si ces aliments contenaient des fibres. Après quelques minutes de distraction, l’examinateur demandait aux personnes de se souvenir d’autant d’aliments que possible.
- Un test de raisonnement visuo-‐spatial. Les participants devaient donner, à partir d’un dessin, le nombre de cubes constituant une pyramide tridimensionnelle. En comparant les buveurs de plus de six tasses de café par jour aux non-‐consommateurs, le temps de réaction simple était réduit de 6%, celui pour le test de réaction à choix multiple de 4% et les scores dans les deux autres tests étaient supérieurs de 4 à 5%. La consommation de thé n’avait aucun effet sur les performances.
L’effet positif dans les tests était plus sensible pour les personnes âgées que pour les jeunes.
Brice et Smith[272] ont développé un modèle plus réaliste pour tester les effets du café. En effet, au lieu d’administrer une large dose de caféine (200 mg) en une seule fois, ils ont administré des doses de 65 mg en quatre temps, sur cinq heures, de façon à avoir une concentration équivalente dans le corps.
Comme contrôle, ils avaient un groupe qui recevait la dose de caféine en une fois. Deux autres groupes ne consommaient que du café décaféiné selon le même schéma.
Les résultats étaient très proches pour les deux méthodes de test avec, dans les domaines testés, de meilleures performances pour les consommateurs de café caféiné. Les auteurs ont donc montré que les résultats obtenus grâce à l’administration d’une dose unique sont valables également pour une consommation de café normale quotidienne, avec un café moins concentré en caféine.
Duinen et al.[273] ont analysé l’effet du café sur la performance cognitive tout en subissant une fatigue physique. Les candidats devaient faire des abductions avec l’index de la main droite (l’écarter).
L’épreuve cognitive consistait à discerner deux fréquences une à 500 et l’autre à 900 Hz et d’appuyer pour l’une sur un bouton avec l’index de la main gauche et pour l’autre avec le majeur de la même main.
L’épreuve combinée consistait à faire et l’épreuve d’effort et l’épreuve cognitive.
Les épreuves ont été conduites avant et après l’administration d’une dose de 3 mg/kg de caféine. L’épreuve d’effort reste inchangée par la caféine. Après l’ingestion de la caféine, le temps de réaction pour l’épreuve cognitive et l’épreuve combinée était plus court. Comparé à l’épreuve cognitive seule, le temps de réaction était plus long pour l’épreuve combinée. Le temps de réaction était diminué de 7,5% par la caféine dans l’épreuve combinée ce qui montre que la caféine exerce son effet de stimulant cognitif même en cas de fatigue physique.
Franks et al.[274] ont étudié l’influence du café sur l’ébriété. Les candidats recevaient une dose de 0,75 mg/kg d’éthanol, la dose de caféine était de 300 mg pour 70 kg.
Les quatre groupes étaient - Ethanol + caféine, - Ethanol + placebo, - Placebo + caféine
La caféine n’antagonise pas les effets de l’éthanol et ne diminue pas la concentration sanguine en éthanol. En effet le temps de réaction était diminué grâce à la caféine, mais d’autres paramètres comme la fluidité verbale, le raisonnement numérique et la coordination motrice restaient inchangés.
Mattila et Nuotto[275] ont montré que la caféine, tout comme la théophylline, restaure les facultés cognitives ainsi que la vigilance après administration d’une dose de diazépam. La dose de caféine est de 250 mg pour contrer les effets de 10 mg de diazépam et de 500 mg pour 20 mg. Ceci est intéressant sur deux plans. Premièrement la caféine pourrait être utilisée pour compenser certains effets secondaires des benzodiazépines et deuxièmement ceci montre qu’il faut augmenter la dose pour avoir le même effet sédatif chez les patients qui consomment beaucoup de café.
Cette expérience montre également que la caféine antagonise donc les récepteurs aux GABA, site de fixation des benzodiazépines.
Reidel et al.[276] ont injecté de la scopolamine à une concentration de 0,5 mg pour un poids de 75 kg. Cet alcaloïde est un anticholinergique, sédatif et provoquant une certaine amnésie antérograde c’est-‐à-‐dire bloquant l’apprentissage et le stockage de nouvelles informations dans le cerveau. Trente minutes après l’injection, les candidats recevaient du café normal avec 250 mg de caféine ou du café décaféiné.
Les tests de mémorisation
- Le candidat devait retenir une liste de 15 mots qui lui était présentée pendant deux secondes, à cinq reprises. Ensuite le candidat devait faire les autres tests et après 20 minutes l’examinateur lui demandait de relater les mots qu’il avait vus. Puis dans une deuxième liste de 30 mots, contenant les 15 mots initiaux, le participant devait dire si oui ou non le mot lui a été présenté dans la première liste.
- Un autre test consistait à montrer un certain nombre de lettres au candidat qu’il devait mémoriser. Dans une grille de 144 lettres il ne devait marquer que celles qu’on lui avait présentées ; ce test a été chronométré.
Les tests de perception, psychomoteurs et exécutifs
- Sur un écran, des points apparaissaient et toutes les secondes deux points changeaient de position, dès que quatre points formaient un carré le candidat devait actionner un bouton.
- Un test de réaction simple comme décrit à la page 108 et un test de réaction à choix multiple étaient également effectués.
- Le candidat devait lire une suite de noms de couleurs, imprimés en noir et blanc ; le temps était chronométré.
Un deuxième jeu représentait les noms de couleurs, imprimés dans la couleur correspondante. Le candidat devait donner le nom de la couleur.
Un troisième jeu représentait des noms de couleurs, imprimés dans une autre couleur. Le candidat devait donner le nom de la couleur de l’encre.
- Le candidat devait pousser un bouton aussi rapidement que possible pendant 30 secondes, le nombre d’impulsions par seconde était calculé.
La caféine augmentait nettement le résultat dans les tests de mémorisation, pour la mémoire à court et à long terme ainsi que la vitesse du temps d’accès à ce qui a été appris. Les autres tests étaient également nettement améliorés par la caféine.
Les auteurs concluent donc que le café augmente les capacités cognitives et intellectuelles et ceci par des mécanismes cholinergiques.
Les effets de la caféine sur la vigilance et la mémorisation sont dus à l’antagonisation des récepteurs A1 dans le cerveau.
L’activation de ces récepteurs a deux effets majeurs.[269]
- L’ouverture des canaux potassiques est favorisée, entraînant une
hyperpolarisation et ainsi une diminution de l’activité neuronale par un moindre relargage de neurotransmetteurs du neurone présynaptique.
- En même temps, la pénétration du calcium par les canaux calciques est inhibée, provoquant également une diminution du relargage de neurotransmetteurs La conséquence sur le cerveau de ces deux phénomènes est donc une inhibition de la neurotransmission excitatrice.
La caféine va donc à l’encontre de ce phénomène en bloquant les récepteurs A1.