9 Les maladies cardiovasculaires
9.1 Considérations sur les maladies [41][149][150][151]
9.2.1 L’influence sur certains facteurs favorisant les maladies CV
Dans le monde les maladies CV sont la première cause de mortalité avec 30% des décès, ce qui correspondait à 17,3 millions de morts en 2008.
Les deux maladies CV les plus mortelles sont l’infarctus du myocarde (IDM) et l’accident vasculaire cérébral (AVC). En effet, l’IDM a tué 7,3 millions de personnes et l’AVC compte pour 6,2 millions de décès.
Selon des projections, on estime le nombre de décès par maladies CV à 23,6 millions. En France, le taux de mortalité annuelle est d’environ 147 000, ce qui fait des maladies CV la deuxième cause de décès après les cancers. Le nombre d’IDM est d’environ 120 000 et celui des AVC se situe autour de 130 000, mais tous ces cas ne sont pas mortels.
Les facteurs de risque sont nombreux :
- L’âge
- Le sexe, avec une prévalence chez les hommes
- Les antécédents familiaux
- Le tabac
- L’alimentation riche en graisses et en sel
- L’hypertension artérielle (HTA)
- Les dyslipidémies - Le diabète - L’obésité - L’inactivité physique - Le stress 9.2 Le café
9.2.1 L’influence sur certains facteurs favorisant les maladies CV
9.2.1.1 La pression artérielle
Pour un des effets de risque des maladies CV, l’hypertension, il faut distinguer les effets aigus qu’a le café et les effets après accoutumance et à long terme. Il y a une différence entre les gens qui sont accoutumés à boire du café et ceux qui ne le sont pas. La méta-‐ analyse de Nurminen et al.[152] met en évidence une augmentation de la pression artérielle (PA) systolique allant de 2 à 12 mm de Hg et de 0 à 11 mm de Hg pour la
obtenue avec une dose unique de caféine. On peut ajouter que le café décaféiné n’a aucun effet sur la pression artérielle.
L’élévation de la PA survient dans les 30 minutes après ingestion du café et peut persister deux à quatre heures. Les sujets qui n’ont pas l’habitude de boire du café montrent une augmentation plus importante de la PA.
Certains mécanismes sont proposés pour expliquer l’élévation de la PA : - L’antagonisme des récepteurs A2A qui exercent un effet vasodilatateur.
- La caféine augmente la concentration en catécholamines et surtout en adrénaline
ce qui entraîne une augmentation de la PA.
- Comme en situation de stress, la caféine entraîne une élévation du taux plasmatique en adrénocorticotrophine (ACTH) et en cortisol. Il y a une augmentation de la résistance périphérique des vaisseaux sanguins et une augmentation de la PA.
- Un effet mineur est l’inhibition des phosphodiestérases, une augmentation de l’AMPc et de la guanosine monophosphate cyclique (GMPc) ; ces deux composés provoquent la contraction des muscles lisses et entraînent une vasoconstriction. Mais la part que joue cet effet n’est probablement qu’accessoire car la caféine n’est qu’un inhibiteur faible des phosphodiestérases.
On s’est aperçu qu’au bout d’un certain temps, le corps ne réagit plus de la même façon à la caféine. Riksen et al.[153] citent une étude[154] dans laquelle on n’a plus retrouvé l’augmentation de la PA après trois jours d’ingestion de 250 mg de caféine, les taux de catécholamines étant normaux également. Une autre étude confirme l’accoutumance après cinq jours[155].
Or dans des études plus récentes, comme dans celle de Farag et al.[156], les chercheurs ont trouvé que l’accoutumance à la caféine n’a pas lieu pour tout le monde. Lovallo et al.[157] ont fait la même découverte, néanmoins tous les candidats ont développé une certaine tolérance, pour certains totale, pour d’autres partielle.
L’hypothèse émise est donc celle d’un polymorphisme génétique qui fait que certaines personnes sont plus sensibles aux effets négatifs du café comme l’élévation de la PA. En effet, Cornelis et al.[158] ont trouvé un polymorphisme pour les récepteurs A2A à l’adénosine. Le polymorphisme consiste en une substitution dans le gène qui code pour ces récepteurs en position 1 083 d’une cytosine par une thymine. L’étude a montré que les personnes avec ce polymorphisme consomment plus de café et le supportent mieux. De plus, le CYP 1A2 qui métabolise la caféine dans le foie peut être sujet à un polymorphisme qui substitue une adénosine à une cytosine en position -‐163 de l’intron du gène codant pour ce CYP. Les personnes ayant ce polymorphisme ont un CYP 1A2 moins inductible et donc ils métabolisent moins rapidement la caféine ce qui peut en augmenter les effets indésirables.
Pour les études à long terme, citées dans la méta-‐analyse de Wu et al.[159], les résultats sont divergents, certaines ont mesuré une persistance de l’élévation de la PA que d’autres n’ont pas trouvée et il y a même eu des études qui ont constaté une baisse de la PA.
On a pu mettre en évidence une différence entre la consommation de café et la consommation de comprimés à caféine[160]. Pour des doses équivalentes en caféine, les comprimés augmentent plus la PA (de 2-‐3 fois), ce qui pourrait donc montrer que d’autres composants du café freinent l’effet hypertenseur de la caféine.
Malgré toutes les études menées sur le café et la PA, on ne peut pas tirer une conclusion en ce qui concerne la PA et la consommation régulière du café. La seule certitude que l’on a est qu’il existe des métaboliseurs plus ou moins rapides avec des répercussions sur la PA plus ou moins prononcées. Il semble également clair qu’en aigu, le café est hypertenseur.
9.2.1.2 L’athérosclérose[161]
L’athérosclérose est un autre facteur favorisant l’AVC, les cardiopathies coronariennes et l’IDM. L’athérosclérose est définie par l’OMS comme l’« association variable de remaniements de l’intima des artères, consistant en une accumulation focale de lipides, de glucides complexes, de sang et de produits sanguins, de tissus fibreux et de dépôts calciques ». La formation de la plaque d’athérome est complexe, mais un des facteurs clés est le dépôt de LDL et l’inflammation de la paroi artérielle.
La finalité de l’athérosclérose est un rétrécissement du diamètre des artères avec augmentation de la pression, il peut y avoir hémorragie ou rupture de la plaque avec une possible obstruction de l’artère et ischémie des organes alimentés.
Van Woudenbergh et al.[162] ont conduit une étude sur 1 570 personnes âgées, hommes et femmes, pour étudier s’il y a une relation entre la consommation de café et la calcification des coronaires. Ils ont mis en évidence une relation inverse chez les femmes mais pas chez les hommes. Les hypothèses pour cet effet bénéfique sont la présence d’agents antioxydants dans le café qui préviennent l’inflammation due à l’oxydation du LDL dans les vaisseaux sanguins. Une autre piste est l’apport en phytoœstrogènes par le café qui sont protecteurs. Ceci semble d’autant plus probable si on sait que l’effet bénéfique est encore plus prononcé pour le thé, source plus importante en ces phytoœstrogènes.
Comme déjà mentionné dans des chapitres précédents, il reste le problème des deux diterpènes majeurs du café qui sont le cafestol et le kahweol. Ces deux composés semblent être responsables de l’élévation sérique du LDL.
Jee et al.[163] ont révisé un certain nombre d’études dans leur méta-‐analyse. Ils ont trouvé, pour une consommation de six tasses de café par jour, des augmentations moyennes du cholestérol total de 11,8 mg/dL, du LDL de 6,5 mg/dL et des triglycérides de 5,9 mg/dL, les valeurs des lipoprotéines de haute densité (HDL) restent inchangées. Ils ont également trouvé que l’effet de l’élévation de ces valeurs est nettement moins important si on considère le café filtré seul.
En effet, les résultats trouvés varient en fonction du pays. Les études conduites au sein de populations qui préparent leur café selon la méthode turque trouvent une corrélation positive entre la consommation de café et le LDL. Par opposition, dans les pays où la consommation de café filtre est dominante on ne trouve pas de corrélation significative.[41]
Le café agit également de façon positive sur l’inflammation qui intervient dans l’athérosclérose, avec une diminution mesurable des marqueurs de l’inflammation. Grâce aux polyphénols contenus dans le café, il exerce également un effet antioxydant et prévient ainsi l’agression des tissus par des ERO.
Des découvertes récentes laissent supposer que le café et plus particulièrement ses composants polyphénoliques favorisent l’évacuation du cholestérol contenu dans les
Au niveau physiologique, on sait que le HDL est responsable du transport inverse de cholestérol (TIC) des tissus périphériques vers le foie.[164] Ce mécanisme est utilisé pour garder un équilibre en cholestérol ; un apport important va entraîner le stockage du cholestérol dans les tissus périphériques, à l’inverse une diminution en cholestérol exogène va mettre en route le TIC.[165]
Un déséquilibre de ce TIC, c’est-‐à-‐dire un transport trop peu important, accélère le phénomène d’athérosclérose. Les macrophages, en tant que cellules nettoyeuses du corps, sont très chargés en cholestérol. Une fois la capacité de stockage atteinte, ils se transforment en cellules spumeuses, composés essentiels de la plaque athérosclérotique. Uto-‐Kondo et al.[166] ont analysé l’effet des acides phénoliques majeurs du café, c’est-‐à-‐ dire l’AC et l’acide férulique.
Le transporteur à « ATP Binding Casette » (transporteur ABC) de type G1 ainsi que le « scavenger receptor » B1 (SR-‐B1) jouent un rôle essentiel dans le TIC en reconnaissant le HDL et en facilitant l’évacuation du cholestérol vers le foie via le HDL.
Sur une culture in vitro de macrophages, les chercheurs ont pu mesurer une augmentation de 40% de l’évacuation de cholestérol par HDL pour les deux acides à une concentration de 1µM.
Ils ont en effet détecté une augmentation en ARN messager pour l’ABC-‐G1 de 70% et pour le SR-‐B1 de 220% pour l’AC. Pour l’acide férulique les augmentations étaient respectivement de 140% et de 180%. En conséquence, les protéines associées étaient également plus exprimées dans les macrophages. L’élévation s’est faite de façon dose dépendante.
Les chercheurs voulaient s’assurer qu’in vivo, après consommation de café, on retrouve bien ces deux acides dans la circulation sanguine, ce qui était bien le cas. Pour une à deux tasses de café consommées, on a pu détecter une concentration de 0,22 µM en acide férulique, concentration qui suffit déjà pour avoir une augmentation sensible dans l’évacuation du cholestérol.
L’expérience ultime était faite sur des souris avec un groupe contrôle, un groupe café (de l’eau avec 10 mg/mL de café soluble) et un groupe acide férulique (5 mg/kg par jour). Comparé au groupe contrôle, le groupe café a une augmentation de 14% d’excrétion en cholestérol dans les selles et le groupe acide férulique a une élévation de 37%.
Ceci démontre clairement que la stimulation du TIC a comme conséquence une élimination accrue de cholestérol dans les fèces.
Cette découverte pourrait résulter dans le développement de médicaments anti-‐athérosclérotiques à base d’acides phénoliques.
9.2.1.3 L’homocystéine[167]
L’homocystéine est un acide aminé. Le métabolisme de l’homocystéine dépend notamment des vitamines B9 et B12. Une accumulation de l’homocystéine a des conséquences néfastes et est souvent mise en relation avec les maladies CV. L’oxydation de l’homocystéine libère des ERO, entraîne des lésions dans l’endothélium vasculaire et favorise le relargage de médiateurs pro-‐inflammatoires. Elle diminue la production de NO, responsable de la vasodilatation, et promeut l’oxydation du LDL. La valeur normale d’homocystéine se situe autour de 9 µg/L.
Une des premières études à s’intéresser à ce sujet est celle de Nygard et al.[168]. Cette étude norvégienne inclut 7 589 hommes et 8 585 femmes âgés entre 40 et 67 ans. Par rapport aux non-‐consommateurs de café, le taux d’homocystéine augmente de 13,7% pour les hommes qui boivent plus de neuf tasses de café par jour et de 17,7% pour les femmes avec la même consommation. Seuls 2,4% des participants ont déclaré boire du
café non-‐filtré, ce qui signifierait que le cafestol et le kahweol peuvent être mis hors cause dans l’élévation de l’homocystéinémie.
Grubben et al.[169] tirent la même conclusion, ils ont pu mesurer une augmentation plasmatique de 10% de l’homocystéine après ingestion de six tasses de café par jour. Nieto et al.[170], par contre, pour la population américaine, ne trouvent aucune corrélation entre la consommation de café et l’augmentation de l’homocystéinémie. Les auteurs disent que cette différence par rapport à l’étude norvégienne ne peut être expliquée par le mode de préparation (presque exclusivement par filtration pour les deux études). Par contre une différence dans le plan alimentaire des norvégiens et des américains pourrait expliquer la divergence. En effet, aux Etats-‐Unis, de nombreux participants ont déclaré manger au petit-‐déjeuner des céréales, riches en vitamine B9, qui contribue à la dégradation de l’homocystéine. Néanmoins en ne considérant que les participants qui ne mangent pas de céréales le matin, Nieto et ses collaborateurs n’ont pas pu mettre en évidence une relation entre l’homocystéinémie et la consommation de café. Une explication possible pourrait se trouver dans la taille de l’échantillon (sans céréales) qui n’est que de 140 personnes, donc potentiellement trop petit pour dégager un résultat significatif.
Christensen et al.[171] ont appliqué une méthode inverse, ils ont considéré une population de consommateurs quotidiens de café. Après six semaines d’abstinence, ils ont mis en évidence une diminution de 10% des taux d’homocystéine pour les personnes consommant habituellement plus de quatre tasses de café par jour. A noter également une baisse du LDL.
Le ou les composés qui sont responsables de l’augmentation de l’homocystéine sont encore à déterminer. Mais il est probable que la caféine ainsi que l’ACG jouent un rôle dans cette hausse, il est également possible que le cafestol et le kahweol y contribuent dans une certaine mesure.[41]
9.2.1.4 Diabète
Le diabète favorise également les maladies CV, le lien entre le café et cette pathologie a été discuté dans le chapitre qui lui est consacré (chapitre 8).